En Israël, des militants de la paix vivent, affirment-ils, ‘’comme sous un régime militaire’’

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Une boule de feu jaillit après une frappe israélienne sur Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 20 décembre 2023, dans le cadre de la gurre d’Israël contre les Palestiniens. (Photo par SAID KHATIB / AFP)

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"C'est comme vivre sous un régime militaire". En Israël, en guerre depuis plus de deux mois contre les Palestiniens, militer en faveur de la paix peut s'avérer dangereux, affirment des défenseurs des droits humains.

Tenant un rameau d'olivier, Roni, 24 ans, garde un œil sur la police encadrant une petite marche qu'elle dirige en faveur d'un cessez-le-feu à Gaza.

Elle et ses amis disent avoir été arrêtés, harcelés et menacés de mort après des manifestations similaires organisées depuis qu'Israël a lancé ses bombardements sur la bande de Gaza. 

"Il est presque impossible d'appeler à la paix en Israël en ce moment, dit à l'AFP la jeune militante, jetant un regard par-dessus son épaule. "Il faut être très prudent."

Des groupes de défense des droits humains accusent les autorités israéliennes de mener une vaste campagne de répression en interrogeant des centaines de militants anti-guerre et en poursuivant en justice nombre d'entre eux.

L'attaque du 7 octobre a fait environ 1.140 morts, selon un décompte de l'AFP basé sur les derniers chiffres officiels israéliens. Quelque 250 personnes sont détenus à Gaza où 129 d'entre elles y sont toujours retenues selon Israël.

Dans la bande de Gaza, les bombardements dévastateurs israéliens ont fait 20.000 morts, à 70% des femmes et des enfants. Ce décompte, pour des raisons évidente, s’échine à occulter le nombre de blessés, par des dizaines de milliers, ainsi que celui des portés disparus. Sans compter ceux qui sont sous les décombres ou dont l’état sanitaire de Gaza les condamne à petit feu sans que l’on voit du coté des ‘’puissances agissantes’’ que des vœux pieux appelant à des ‘’trêves’’ dites ‘’humanitaires’’.

Alors que des manifestations ont lieu à l'étranger pour soutenir les Palestiniens et que la pression internationale s'accroît sur Israël, il est en revanche devenu plus difficile pour les Israéliens de s'opposer à leur propre gouvernement, d'après des militants et des ONG.

La police a maintes fois refusé d'accorder des autorisations pour des manifestations anti-guerre et arrêté leurs organisateurs, selon ces sources.

"Tolérance zéro" 

La police israélienne a déclaré à l'AFP qu'elle "défendait fermement le droit fondamental à la liberté d'expression".

"Mais il est également impératif de s'attaquer à ceux qui exploitent ce droit pour inciter à la violence, promouvoir l'obscénité, tenir des propos haineux, proférer des menaces ou créer des problèmes de sécurité publique, en particulier en temps de guerre contre une organisation terroriste cruelle", selon elle.

"Ce à quoi nous assistons aujourd'hui est d'une ampleur sans précédent", affirme Noa Sattath, directrice de l'Acri, le plus ancien groupe de défense des droits civiques du pays. "Le musèlement des dissidents est extrêmement fort."

Après le 7 octobre, le chef de la police israélienne Kobi Shabtai a prévenu qu'il y aurait une "tolérance zéro" envers les manifestations de soutien à Gaza et menacé d'envoyer les manifestants anti-guerre, une infime minorité du pays, dans le territoire palestinien assiégé.

Ce climat est encore plus inquiétant pour les Arabes israéliens, les descendants de Palestiniens restés sur leurs terres après la création de l'Etat d'Israël en 1948, victimes de discrimination par rapport à la population juive.

L'ONG Adalah, qui protège les droits de cette minorité (environ un cinquième de la population), affirme avoir suivi les cas de près de 300 personnes arrêtées depuis le 7 octobre.

Dans environ un tiers des cas, les militants ont été interrogés et relâchés, mais les autorités ont engagé des poursuites contre un grand nombre d'Arabes israéliens pour "soutien à des organisations terroristes" ou "incitation au terrorisme", selon l'ONG.

"L'Etat interprète tout soutien à Gaza comme un soutien au terrorisme", assure à l'AFP Hassan Jabareen, chef de l'ONG. "C'est comme vivre sous un régime militaire."

"Une honte"

Les militants anti-guerre disent aussi avoir été ciblés par leurs concitoyens.

L'opinion publique israélienne est devenue, après le 7 octobre, la plus belliqueuse des deux dernières décennies, selon des sondages.

"Les gens nous disent qu'organiser ces manifestations est une honte en ce moment", explique Roni, qui ne donne plus son nom après avoir été traitée de "traître".

Même des amis lui ont envoyé des messages injurieux dont l'un, vu par l'AFP, disait: "j'espère que toi et ta famille serez violées" et emmenées à Gaza.

Sous pression, les militants ont organisé des rassemblements plus modestes.

Dans un pays où appeler à la paix est souvent considéré comme un acte de rébellion, Roni dit avoir été arrêté avec d'autres manifestants à Jaffa le 9 novembre.

Des images diffusées sur les réseaux sociaux et vérifiées par l'AFP montrent la police malmener des manifestants et confisquer leurs pancartes.

Elle estime qu'un message simple est souvent plus efficace. Serrant son rameau d'olivier, elle se dirige vers l'entrée du siège du ministère de la Défense et scande: "Arrêtez la guerre!" (Quid avec AFP)