En Tunisie, des opposants, jugés en visioconférence pour complot contre l'Etat, dénoncent une ''mascarade''

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Des parents de détenus accusés d'être impliqués dans une affaire de complot contre la sûreté de l'État, manifestent le jour de la première audience devant le tribunal de Tunis, le 4 mars 2025.. (Photo par FETHI BELAID / AFP)

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Le procès de dizaines de personnes accusées de "complot" contre l'Etat, dont de grands noms de l'opposition au président Kais Saied, s'est ouvert mardi à Tunis, une affaire d'exception visant à étouffer toute contestation, expliquent les militants des droits humains.

Dans la salle d'audience archicomble, l'avocat et militant Ayachi Hammami, qui fait partie des accusés, a dit au juge "refuser de participer à cette mascarade", tandis que des proches des prévenus brandissaient leurs portraits en scandant des slogans contre une "justice aux ordres".

L'audience s'est ouverte en l'absence des accusés en détention, dont les autorités judiciaires ont décidé qu'ils comparaîtraient par visioconférence. Une mesure vivement dénoncée par la défense.

L'avocat Abdelaziz Essid a exhorté le juge à "mettre fin à cette folie".

L'audience a été levée dans l'après-midi pour permettre aux juges d'examiner les demandes de la défense, à savoir que les accusés détenus soient physiquement présents à leur procès et qu'ils soient libérés. Les magistrats doivent aussi fixer la date de la prochaine séance.

Responsables de partis, avocats, figures des affaires et des médias: une quarantaine de personnes en tout sont poursuivies pour "complot contre la sûreté intérieure et extérieure de l'Etat" et "adhésion à un groupe terroriste".

Ces accusations sont passibles de lourdes peines de prison et jusqu'à la peine capitale.

Il est reproché à un certain nombre de mis en cause, selon la défense, d'avoir eu des contacts jugés suspects avec des diplomates.

L'ONG Human Rights Watch (HRW) a pressé les autorités tunisiennes de libérer "immédiatement" toutes les personnes "arbitrairement détenues" dans cette affaire et "de mettre fin à cette parodie" de procès.

"Harcèlement judiciaire" 

Le procès est hors norme par son ampleur et par l'identité des accusés, dont beaucoup sont des vétérans du militantisme, habitués des plateaux télévisés.

L'un d'eux, le juriste Jawhar Ben Mbarek, actuellement en détention, a fustigé un "harcèlement judiciaire" ayant pour but "l'élimination méthodique des voix critiques" en Tunisie.

Depuis le coup de force du président Saied à l'été 2021, par lequel il s'est octroyé les pleins pouvoirs, défenseurs des droits humains et opposants dénoncent la régression des droits et libertés dans le pays qui avait lancé le Printemps arabe en 2011.

"C'est un procès injuste", a dit mardi à l'opposant historique Ahmed Néjib Chebbi, chef du Front du salut national, principale coalition d'opposition au président Saied. "S'opposer au pouvoir en place n'est pas un crime, c'est un droit", avait-il récemment défendu.

Lui-même est mis en cause dans ce procès mais en liberté, contrairement à son frère Issam Chebbi, un chef de parti en détention.

Pour l'avocat Samir Dilou, il y a bien complot dans cette affaire, mais "un complot du pouvoir contre l'opposition".

La défense assure que le dossier est "vide" et repose notamment sur des témoignages anonymisés.

Parmi les accusés les plus connus figurent un ancien haut responsable du parti islamiste Ennahdha, Abdelhamid Jelassi, les militants Khayam Turki et Chaïma Issa ainsi que l'homme d'affaires Kamel Eltaïef et l'ex-députée et militante féministe Bochra Belhaj Hmida.

Dans la liste se trouve aussi le nom de l'intellectuel français Bernard-Henri Lévy.

"Terroristes" 

Plusieurs des accusés ont été interpellés lors d'un coup de filet dans les rangs de l'opposition en 2023. Le président Saied les avait alors qualifiés de "terroristes".

Dimanche, en visite dans les rues de la capitale, il a affirmé à une Tunisienne qui l'interpellait sur ses fils emprisonnés - sans lien avec le procès des opposants - qu'il n'intervenait "jamais" dans les affaires de justice.

"Que cela soit clair pour tout le monde", a-t-il lancé.

Plusieurs des accusés sont en détention, une partie en liberté et les autres en fuite à l'étranger.

D'autres opposants ont récemment été condamnés à de lourdes peines de prison, comme Rached Ghannouchi, chef d'Ennahdha et ancien président du Parlement, qui a écopé de 22 ans pour "atteinte à la sûreté de l'Etat".

Le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme a dénoncé la "persécution des opposants" en Tunisie, estimant que nombre d'entre eux faisaient "l'objet d'accusations vagues et larges".

La Tunisie a dit sa "profonde stupéfaction" après ces critiques. (AFP)

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