International
Inonder les tunnels de Gaza? Un pari risqué
Les militaures israéliens mettent en joue les musulmans palestiniens accomplissant la prière du vendredi midi dans une rue du quartier de Ras al-Amud, à Jérusalem-Est, le 15 décembre 2023, en raison de la restriction de l'âge des fidèles à plus de 50 ans pour accéder à l'enceinte de la mosquée Al-Aqsa dans la vieille ville. (Photo par AHMAD GHARABLI / AFP)
Inonder les tunnels souterrains de Gaza pour régler définitivement le sort du Hamas qui s'y cache est "une bonne idée", pour le chef de l'armée israélienne. Mais pas forcément facile à mettre en œuvre et surtout hasardeuse au plan écologique, objectent des experts.
L'armée israélienne aurait, d'après des médias israéliens, commencé à tester l'injection d'eau de mer dans le tentaculaire réseau de galeries creusé par le Hamas dans la bande de Gaza.
Ce dernier s’y défend contre l’offensive des militaires israéliens et y détient des israéliens pris lors de son attaque du 7 octobre. La guerre qu’Israël a lancée depuis contre les Palestiniens à fait à ce jour près de 19. 000 tuées.
Le "métro de Gaza"
Surnommé "le métro de Gaza" par les militaires israéliens, le dédale de galeries a d'abord servi à contourner le blocus imposé par Israël depuis 2007.
Seul passage entre Gaza et le monde extérieure, les galeries ont été creusées sous la frontière avec le Sinaï égyptien pour faire circuler personnes, marchandises, armes et munitions entre Gaza et le monde extérieur.
Après la guerre entre Israël et le Hamas en 2014, le Hamas a étendu le réseau, d'où surgissent ses combattants pour tirer leurs roquettes vers Israël.
A en croire une étude publiée le 17 octobre, l'Institut de la guerre moderne de l'académie militaire américaine West Point , il s’agirait de 1.300 galeries sur 500 kilomètres.
Dans quel état est-il depuis le 7 octobre?
Depuis qu'ils sont entrés dans la bande de Gaza le 27 octobre, les militaires israéliens réalisent que "le réseau de tunnels est encore plus étendu et profond que ce qu'ils pensaient", dit à l’AFP Raphael Cohen, expert militaire pour le centre américain de recherche, Rand Corporation.
L'armée israélienne a indiqué début décembre avoir découvert plus de 800 descentes de tunnels, dont 500 ont été détruites d’après elle.
Elle prétend que "es puits étaient situés dans des zones civiles et un grand nombre se trouvaient à proximité ou à l'intérieur d'établissements scolaires, de crèches, de mosquées et d'aires de jeux", ajoutant que des explosifs avaient été placés à l'entrée de certains tunnels. Un argument quelque peu surfait puisque la densité démographique de Gaza rapporté à l’exiguïté du territoire fait que les combattants palestiniens ne peuvent être que parmi la population.
Détenus israéliens
Outre le piège que constituent les tunnels pour les soldats israéliens, plusieurs des 105 israéliens libérés (sur quelque 250 enlevés le 7 octobre) lors de la trêve d'une semaine achevée le 1er décembre ont raconté y avoir été détenus et déplacés au gré des frappes et des combats au sol.
Fin novembre, l'armée israélienne a pris d'assaut l'hôpital al-Chifa, provoquant un scandale international, affirmant avoir trouvé dans ses sous-sols un tunnel "utilisé pour du terrorisme" et diffusé des vidéos de télésurveillance peu probants. Le porte-parole de l'armée Daniel Hagari a expliqué mardi que les corps de deux ‘’otages’’ avaient été retrouvés "dans une infrastructure souterraine" à Gaza.
Détruire les tunnels
L'armée israélienne reste silencieuse sur la façon dont elle entend condamner les tunnels après la guerre et lorsque les 132 détenus restants auront été ramenés.
Selon des sources israéliennes dans la presse, elle pencherait pour inonder les galeries avec de l'eau de mer pompée dans la Méditerranée, qui borde le petit territoire côtier. Des tests ont même commencé, qui se sont révélés probants, a affirmé jeudi la chaîne de TV publique Kan 11.
Le chef de l'armée, Herzi Halevi, s'est contenté de dire que c'était "une bonne idée".
Le problème, met en garde Raphael Cohen, c'est qu'"il n'y a pas de bonne façon de détruire un tunnel sans affecter les infrastructures en surface".
De son côté le Hamas dit douter de la capacité d'Israël à parvenir à ses fins.
"Ces tunnels ont été construits par des ingénieurs bien formés et qualifiés, et ils ont pris en compte toute sorte d'attaques potentielles, y compris les bombardements et l'eau", a déclaré jeudi Oussama Hamdane, un des responsables du mouvement islamiste palestinien au Liban.
Un risque écologique
Des scientifiques et responsables humanitaires craignent une contamination des nappes phréatiques par l'eau salée, aux conséquences catastrophiques pour l'accès déjà précaire des Gazaouis à l'eau potable.
La bande de Gaza fait entre six et 12 kilomètres de large, et la salinisation des nappes phréatiques y est déjà un fléau, aggravé par la montée du niveau des océans.
Ce à quoi il faut ajouter un réseau d'évacuation des eaux usées chroniquement défaillant et une "utilisation incontrôlée des pesticides et herbicides dans les zones d'agriculture intensive" de Gaza, s'alarme le professeur Eilon Adar de l'Institut Zuckenberg pour la recherche sur l'eau à l'université Ben-Gourion du Néguev.
Ces trois facteurs "ont des conséquences très lourdes sur la qualité de l'eau à Gaza".
Au point de "pouvoir affecter des générations à venir", a lancé jeudi la coordinatrice humanitaire de l'ONU pour les Territoires palestiniens, Lynn Hastings. (Quid avec AFP)