L'ONU ET LE SOMMET DE L'AVENIR: NO FUTURE ? - Par Mustapha SEHIMI

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Voici neuf ans, en 2015, les membres des Nations-unies avaient adopté un plan ambitieux autour de 17 Objectifs de Développement Durable 5(0DD); ils avaient également ratifié l’Accord de Paris sur le climat. Qu'en est- -il aujourd'hui ? Force est de faire ce constat amer: l'on est loin du compte !

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Les 22 -23 septembre, s’est tenu au siège des Nations unies, à New York, en marge de la 79ème Assemblée générale le Sommet de l'Avenir (Summit of the Future). Il réunit les Chefs d'État et de gouvernement des États membres de l'Organisation mondiale. Il se propose d'aboutir à un nouveau consensus international pour l'amélioration du présent et la préservation de l'avenir. Il devra démontrer que la coopération internationale demeure cruciale pour faire face aux défis actuels et à venir. Le Pacte pour l'avenir en délibération comprendra également en annexe un Pacte numérique mondial et une Déclaration sur les générations futures.

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La tenue de ce sommet découle du rapport "Notre programme commun" publié par le Secrétaire général de l'ONU, en septembre 2021. I1 met en avant la nécessité d'accélérer la réalisation des Objectifs de développement durable (0DD) et il a appelé ainsi à l'organisation de ce Sommet de l'avenir trois ans après. La Résolution 76/307 de l'Assemblée générale, le 8 septembre 2022, a défini les modalités de ce rendez-vous planétaire et la rédaction d'un document final. Ce document a été préparé et coordonné par l'Allemagne et la Namibie sur la base des consultations intergouvernementales ainsi que des contributions de parties prenantes, notamment de la société civile. Le 26 janvier 2024, un avant-projet a été présenté et il a fait l'objet ensuite d'amendements.

Remobiliser la communauté internationale

L'ambition est de susciter un "Nouveau départ pour le multilatéralisme". L'objectif ? Remobiliser la communauté internationale autour des ODD. Peut-on parler cependant de communauté internationale ? Rien n'est moins sûr avec les grands sujets de désaccords et de frictions à l'ordre du jour : incapacité à réformer les institutions financières internationales (FMI, Banque mondiale, etc.), endettement asphyxiant des pays en développement, taxe sur les "super riches", instrumentalisation du droit de véto, urgence climatique, impréparation aux futures pandémies,.. En l'état, le monde est fracturé; une situation de désordre voire de chaos qui fait obstacle à une action collective pour faire face aux grands défis planétaires. Il importe donc d'entreprendre une action multilatérale. De redistribuer des richesses. Et de financer le développement à la hauteur des défis. 

Le contexte international actuel est celui de la défiance généralisée entre les nations avec la multiplication des tensions géopolitiques, guerre en Ukraine, résurgence du conflit au Proche-Orient par suite notamment des exactions israéliennes à Gaza et dans les territoires palestiniens sans oublier au Liban, endettement historique des pays en développement, accentuation de la rivalité entre les États-Unis et la Chine, etc. Des tensions illustrées par une opposition et une altérité croissante Nord-Sud grandissante. De quoi peser sur la recherche d'un consensus international autour de mesures concrètes de nature à permettre d'affronter les grands défis planétaires :climat, accès à la santé, éducation, lutte contre la malnutrition, protection de la biodiversité, financement du développement. Comment tenir l'Agenda 2030 sans une action concertée à l'échelle mondiale et consolider ainsi de manière durable les fondements d'un monde plus juste? Comment encore prendre en compte le destin de la jeunesse et des générations futures ?

Comment tenir l'Agenda 2030 ?

Voici neuf ans, en 2015, les membres des Nations-unies avaient adopté un plan ambitieux autour de 17 Objectifs de Développement Durable 5(0DD); ils avaient également ratifié l’Accord de Paris sur le climat. Qu'en est- -il aujourd'hui ? Force est de faire ce constat amer: l'on est loin du compte ! Dans leur dernier Rapport, les Nations-unies donnent les indications suivantes : 17% seulement des 169 cibles des ODD sont susceptibles d'être atteintes en 2030; 48 % sont en progrès mais lentement; et 35% stagnent voire même en régression. En matière climatique, les émissions mondiales de gaz à effet de serre sont bien éloignées de la trajectoire envisagée par la COP 21 (limitation du réchauffement climatique à 1,5° d'ici 2100 par rapport à l'ère préindustrielle). Le tableau n'est pas plus optimiste en matière de redistribution des richesses et de financement du développement: tant s'en faut. Ainsi 712 millions de personnes vivent sous le seuil d'extrême pauvreté (2023); 54 pays en développement accusent une grave situation de surendettement; les besoins pour faire face aux crises humanitaires sont évalués à près de 50 milliards de dollars. Il faut également relever la contraction de l'aide publique au développement (APD). Les 32 pays composant le Comité d'aide au développement de l'OCDE n'ont consacré que 0,37 % de leur revenu national brut ( RNB) à l'APD, soit pratiquement moitié moins que les 0,7% promis pour soutenir les pays pauvres. Même la France a repoussé aujourd'hui à 2030 son ambition de consacrer 0,7 % de son RNB à l'APD. Ce déficit en financement regarde également le domaine de la lutte contre les dérèglements climatiques. Ainsi, les pays développés ont mis trois ans de retard pour concrétiser leur promesse de 2009 de 100 milliards de dollars annuels de financement des mesures d'adaptation et d'atténuation des pays les plus vulnérables. Au total, le montant requis pour financer la transition énergétique, l'adaptation au changement climatique et l'investissement dans une agriculture dans les pays en développement est évalué à 2.400 milliards de dollars par an d'ici 2030.

Les jeunes, un impensé

Il importe de renouveler le multilatéralisme pour accélérer la réalisation des ODD. Des actions collectives coordonnées peuvent donner des résultats notables (lutte contre les pandémies, diminution du taux de mortalité maternelle et infantile, etc.). Il reste que les nouvelles et futures générations demeurent encore les maillons faibles de la coopération internationale. Globalement, les jeunes sont et seront tous affectés par les désordres du monde (dérèglements climatiques, dégradation de l'environnement, opportunités d'emploi accès à la santé et à l'éducation). Or, que constate-t-on ? Que la prise en compte du sort des jeunes et des futures générations demeure un impensé de la communauté internationale, souvent mobilisée sur des urgences du moment et ce dans une logique court-termisme…

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