Le Royaume-Uni est-il devenu ''l’homme malade'' de l’Europe? - Par Abdelghani AOUIFIA

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Les travaillistes, tout en souhaitant une révision des relations de Londres avec le bloc européen, ne veulent pas faire marche arrière sur le Brexit, acté par referendum il y a 8 ans et consommé 4 ans plus tard, en 2020.

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Abdelghani AOUIFIA (Bureau de MAP à Londres)

Londres - Ralentissement économique alarmant, aggravation de la pauvreté, détérioration des services publics et tensions sociales accrues, autant de maux qui ponctuent le quotidien des Britanniques dans un pays en quête d’une nouvelle trajectoire sous la direction du Labour.

Les analyses négatives fusent dans ce pays, qui vient de tourner la page de 14 ans de gouvernement conservateur, épinglé pour son legs jugé « pénalisant ».

Keir Starmer, le chef du parti travailliste propulsé au poste de Premier ministre après l’éclatante victoire de sa formation aux élections législatives de juillet dernier, n’hésite pas à dresser, à chaque fois, un tableau sombre de la situation du pays. Il prévient, dans la foulée, que des « décisions douloureuses » sont envisagées pour rétablir la stabilité de l’économie.

Certains analystes évoquent un réalisme de la nouvelle équipe dirigeante, alors que d’autres généralement proches des Tories, voient dans les sorties de M. Starmer une tentative de « fuir » la responsabilité.

Le retrait du pays de l’Union européenne (UE) revient souvent dans les analyses comme l’un des principaux handicaps qui pénalise le pays. Mardi, l’Aston University Business School de Birmingham a indiqué, dans une étude, que les échanges commerciaux entre le Royaume-Uni et l’UE ont chuté depuis le Brexit.

M. Starmer ne cache pas sa détermination à remédier à cette situation. Il a fait du recalibrage des relations Anglo-européennes une des priorités de son gouvernement. Preuve en est les déplacements qu’il a effectués dernièrement en Allemagne, en France, en Ireland et en Italie.

Toutefois, les travaillistes, tout en souhaitant une révision des relations de Londres avec le bloc européen, ne veulent pas faire marche arrière sur le Brexit, acté par referendum il y a 8 ans et consommé 4 ans plus tard, en 2020.

Le rapprochement entre Londres et Bruxelles bute sur des questions clés pour l’Europe, notamment la mobilité des jeunes européens de moins de 30 ans et leur droit de s’installer dans le Royaume-Uni.

Les analystes de la City, quartier financier de Londres, soulignent que c’est sur le front économique interne que le pays doit livrer sa vraie bataille.

Après la pandémie du Covid-19, l’économie britannique a sombré dans la tourmente, les efforts de décollage restant presque au point mort. Après une année 2023 atone, le pays a affiché en juillet dernier une croissance nulle, après une stagnation en juin.

Si le gouvernement travailliste s’entête à pointer ce qu’il présente comme « un trou noir » de 22 milliards de livres Sterling dans les finances publiques, hérité de l’ère Tory comme l’un des freins à la croissance, les analystes estiment que le Labour dispose d’un socle à partir duquel il peut travailler pour relancer le pays sur la voie d’une croissance durable.

« Le pire est désormais derrière nous », indique dans ce contexte l’entreprise de conseil, PwC, dans un récent rapport.

« Le nouveau gouvernement travailliste reprend une économie à un tournant, bénéficiant de vents favorables, alors que le pire de la crise est derrière nous », souligne l’entreprise. Elle prévoit une croissance de 1% du PIB britannique sur toute l’année 2024 et de 1,7% en 2025, avant une accélération plus soutenue en 2026.

Par ailleurs, les leaders de la City et même des membres du parti au pouvoir, tout en reconnaissant au Premier ministre son réalisme par rapport aux difficultés que le pays affronte, plaident pour une approche « plus optimiste » et partant « plus inspirante ».

Dans une lettre publiée récemment, les dirigeants du Square Mile sont montés au créneau pour rappeler à M. Starmer que son discours « peu enthousiasmant » sape la confiance des investisseurs. L’image du Royaume-Uni est mise en péril par le discours « négatif », selon eux.

« Dire aux gens qu’ils doivent patienter n’est pas une attitude tenable à long terme », commente le Financial Times, célèbre journal des milieux d’Affaires.

« Les électeurs ne veulent pas savoir à quel point les choses sont difficiles. Ils veulent des preuves que vous êtes en train de les réparer », renchérit le journal.

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