Les détenus militaires israéliens, point dur des négociations avec le Hamas

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Cette photo diffusée par l'armée israélienne montre le bonheur de l'ancienne détenue israélienne Moran Stela Yanai (G), âgée de 40 ans, sur la base aérienne de Hatzerim, dans le désert du Néguev, au sud d'Israël, après sa libération par le Hamas dans le cadre d'une opération d'échange d'otages contre des prisonniers palestiniens, le 29 novembre 2023. (Photo de l'armée israélienne)

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Dans un pays aussi militarisé qu’Israël, où chaque famille ou presque compte un soldat, la question relève de l'intime. Des négociations entre Israël et le mouvement palestinien Hamas vont devoir aborder l'épineux dossier des militaires israéliens détenu dans la bande de Gaza.

Le 7 octobre, lors de l'attaque du Hamas, quelque 240 personnes ont été emmenés dans le territoire palestinien, selon Israël. Soutenus par de nombreux manifestants, les familles exigent qu'ils soient tous libérés. Mais les soldats constituent un cas à part.

Sans compter les réservistes, "chaque famille a un frère, une sœur, un cousin qui est sous les drapeaux", souligne David Khalfa, co-directeur de l'Observatoire de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient de la Fondation Jean Jaurès, à Paris.

 Selon les chiffres de l'AFP, en l'absence de données officielles précises, au moins 11 soldats, dont quatre femmes, ainsi qu'une quarantaine d'hommes en âge d'être réservistes font partie des quelque 240 personnes enlevées.

Monnaie d'échange 

Le dossier des détenus militaires trouve des échos douloureux dans l'Histoire.

En 2004, Israël avait libéré près de 450 prisonniers contre un homme d'affaires israélien et les corps de trois soldats.

Et en 2011, après avoir été détenu cinq ans à Gaza, le soldat Gilad Shalit avait été libéré contre 1.027 prisonniers palestiniens. Dont Yahya Sinouar, après plus de vingt ans de détention, aujourd'hui chef du Hamas à Gaza, considéré comme l'architecte du 7 octobre.

C'était la première fois en près de trois décennies qu'un militaire israélien capturé était ramené vivant. Mais l'affaire avait déclenché un débat, resté vif jusqu'à aujourd'hui, sur les concessions acceptables pour libérer des soldats.

Avec l'attaque du 7 octobre, lors de laquelle l'Etat, son armée, ses services de renseignement ont failli, la donne a donc changé en Israël, un pays qui prétend fonder une partie de la légitimité de son existence sur sa capacité à assurer la sécurité des Juifs.

Le Hamas et le Jihad islamique, l'autre grand mouvement islamiste de la bande de Gaza, savent tenir avec les soldats une forte monnaie d'échange. Pour eux, en toute logique, tout homme adulte est un réserviste, donc un soldat.

Les deux groupes veulent les échanger contre tous les prisonniers palestiniens détenus par Israël (environ 7.000), dont certains considérés par l'Etat comme ayant "du sang sur les mains".

Une concession "qu'aucun gouvernement israélien ne pourra jamais accepter", pense pour l'AFP Avi Melamed, ex-cadre des renseignements israéliens. Mais Israël "dispose cette fois d'une carte majeure dans son jeu, ses soldats et ses chars" déployés à Gaza.

"Le renseignement interroge (...) les combattants (palestiniens arrêtés), parfois même sur le terrain, pour essayer de localiser les otages", note David Khalfa. "Ils lanceront peut-être des offensives avec les forces spéciales".

"Vivants et dépouilles" 

Reste le cas des soldats capturés et aujourd'hui décédés. Là aussi, la pression est forte pour que les corps soient récupérés puis inhumés avec les honneurs qui leur sont dus.

"Conserver (...) les corps des soldats est sadique", mais les deux camps auront du mal à se mettre d'accord sur leur valeur, convient Avi Melamed, pour qui Israël va, à Gaza, "retourner chaque pierre dans sa recherche des otages, les vivants et les dépouilles des morts".

Plus de 15.000 personnes, majoritairement des civils, dont plus de 6.000 enfants et plus de 4.000 femmes ont été tués dans les bombardements israéliens dans la bande de Gaza.

Israël promet de tout faire pour que les corps de ses soldats tués en opération soient rapatriés. En 2018, il avait récupéré la montre de l'espion Eli Cohen, pendu à Damas en 1965. Il assurait en 2021 toujours chercher sa dépouille.

Le Hamas l'a bien compris. A Gaza est érigée une statue montrant la plaque d'identification d'Oron Shaul, tué en 2014. Sa dépouille et celle d'un autre soldat sont encore conservées par le mouvement.

Ces derniers jours, l'armée a officialisé la mort de trois soldats, dont les corps ont été emmenés par le Hamas à Gaza. Il lui faudra tout faire pour les récupérer. (Quid avec AFP)

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