Liban : Comme gage, le président Aoun veut commencer par lever le secret bancaire sur les ministres

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Confronté à une mobilisation populaire sans précédent, le gouvernement libanais tente de reprendre la main lundi en s'attelant à des réformes mais sa tâche s'annonce ardue tant la colère est grande contre une classe politique qui a laissé couler le pays.

Alors que les rues du Liban résonnent depuis cinq jours des chants des manifestants exprimant leur ras-le-bol dans un élan d'unité jamais vu, un conseil des ministres extraordinaire a débuté en présence du Premier ministre Saad Hariri et du président Michel Aoun.

L'objectif, selon la presse libanaise, est de susciter un "choc" en promettant la mise en œuvre de réformes rendues impossibles durant des années par les divisions et les bisbilles politiciennes. 

Pendant ce temps, le quotidien a continué de se dégrader pour les Libanais, toujours confrontés à d'incessantes coupures d'eau et d'électricité 30 ans après la fin de la guerre civile (1975-1990).

Le journal francophone L'Orient Le Jour a résumé l'enjeu de la réunion : "Ce plan qui prévoit en principe des mesures concrètes et rapides suffira-t-il à calmer les protestataires et les pousser à rentrer chez eux ?".

Pour le quotidien anglophone The Daily Star "le Liban est face à deux options : les réformes ou le précipice". "Le peuple écrit l'Histoire", assure de son côté le journal Al-Jomhouriyya.

"Très injuste" 

Selon des sources gouvernementales, le plan concocté par M. Hariri a reçu dimanche l'approbation des partis de la coalition gouvernementale, dominée par le Mouvement patriotique libre proche de M. Aoun et le Hezbollah pro-iranien. 

Le Premier ministre avait menacé vendredi de manière voilée de démissionner en cas d'échec mais, selon la presse libanaise, Paris et Washington sont montés au créneau pour l'en dissuader.

Parmi la vingtaine de mesures attendues, le gouvernement devrait promettre de ne plus imposer de nouvelles taxes et de lancer un important programme de privatisations pour tenter de relever des infrastructures déliquescentes.

En ouvrant la réunion du gouvernement, M. Aoun, dont le gendre, le chef de la diplomatie Gebran Bassil, est particulièrement conspué par les manifestants, a reconnu que les manifestants exprimaient "la douleur du peuple" mais jugé "très injustes les accusations de corruption généralisées".

M. Aoun estimé qu'il "faudrait au moins commencer par lever le secret bancaire sur tous les ministres", selon des propos repris par l'agence d'information nationale ANI.  

La colère populaire a éclaté jeudi avec l'annonce surprise d'une nouvelle taxe sur les appels effectués via les applications de messagerie Internet comme WhatsApp. La mesure a été rapidement annulée mais la contestation a continué de grandir.

"Il est difficile d'éteindre le volcan avec des solutions de dernière minute", a déclaré à l'AFP Imad Salamey, professeur de sciences politiques à l'Université libanaise américaine de Beyrouth.

Pour lui, le plan de réformes "ne mènera nulle part (...) il cherche juste à calmer la rue mais ne résout pas les problèmes économiques".

Routes coupées  

Les contestataires semblent en tout cas plus déterminés que jamais. Lundi matin, des manifestants ont coupé de nombreuses routes à travers le pays pour empêcher les employés d'aller au travail, tandis que les appels à descendre dans la rue se multipliaient sur les réseaux sociaux.

Banques, universités et écoles sont restées fermées, paralysant à nouveau le pays.

Dimanche, ils étaient des centaines de milliers dans les rues de tout le pays, du sud à majorité chiite aux villes chrétiennes ou druzes de l'est. 

Dans une ambiance festive, le centre de Beyrouth est resté noir de monde jusque tard dans la nuit. La foule scandait en dansant ses slogans favoris, en premier lieu "Révolution, révolution !" repris du Printemps arabe. 

Egalement très repris, un autre se veut tout aussi menaçant, "Tous, cela veut dire tous !". Une manière de signifier que l'ensemble de la classe politique doit être remplacée et que des mesures sans portée ne suffiront pas

"Ce sont tous des chefs de guerre (...) On attend depuis plus de 30 ans qu'ils fassent des changements et ils n'en ont pas été capables", se lamente Patrick Chakar, un jeune manifestant beyrouthin qui, en agitant un drapeau libanais.

Revenu manifester lundi, Roni Asaad, un employé de 32 ans, tient à rappeler que, plan de réformes ou pas, il "n'a absolument plus confiance" dans la classe dirigeante. "Rien ne me fera partir de la rue que la démission du gouvernement".