L’Afrique du Sud verra-t-elle un autre Marikana ?

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Le ras de fer entre les mineurs et la police dans l’ancienne mine d’or de Stilfontein rappelle à bien des égards le massacre de Marikana, 34 mineurs ont été tués en 2012 par la police nationale

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Par Hamid AQERROUT  (Bureau de MAP à Johannesburg)

Johannesburg - Alors que l’impasse autour des milliers de mineurs illégaux coincés sous terre dans l’ancienne mine d’or de Stilfontein, dans le nord-ouest de l’Afrique du Sud, continue de faire rage, de plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer un nouveau drame de Marikana.

Le bras de fer entre la police sud-africaine et les mineurs illégaux coincés sous terre dans l’ancienne mine d’or de Stilfontein rappelle à bien des égards le massacre de Marikana.

Ce massacre demeure toujours une tache indélébile pour les autorités sud-africaines. 34 mineurs ont été tués en 2012 par la police nationale au cours d’une grève des travailleurs de la mine de Lonmin.

Les mineurs illégaux, appelés «zama zamas» travaillent sous terre depuis des mois. Ils ont dû faire face à un grave manque de nourriture et d’eau après que la police a bloqué les approvisionnements pour tenter de les forcer à sortir. Craignant d’être arrêtés, ils auraient refusé de réapparaître. Certains d’entre eux seraient déjà morts, tandis que d’autres étaient trop faibles pour refaire surface.

«Nous verrons immanquablement un autre Marikana à Stilfontein», a déclaré à la MAP Meshack Mbangula, coordinateur national de l’Association des communautés affectées par l’exploitation minière. Il a dénoncé l’approche «dictatoriale et inhumaine» adoptée par les autorités sud-africaines dès le début de ce drame, en interdisant l’approvisionnement en nourriture et en eau des mineurs bloqués sous terre pour les forcer à revenir à la surface et fermer les réseaux souterrains illégaux.

Affamer les mineurs, une violation des droits de l’homme

«Même les prisonniers ont droit à trois repas par jour. Comment peut-on alors refuser l’approvisionnement des mineurs coincés dans le puits ?», a-t-il encore ironisé, critiquant la lenteur de l’opération de sauvetage menée par les autorités, après les pressions exercées par la société civile et les militants des droits de l’homme.

Alors qu’on pensait initialement que cela prendrait une semaine, le porte-parole de la police du Nord-Ouest, Sabata Mokgwabone, a déclaré que le calendrier était inconnu. Il semblerait que l’ancien système de corde et de poulie utilisé auparavant par les bénévoles de la communauté pour envoyer de la nourriture et de l’eau dans le puits ou pour ramener les mineurs illégaux à la surface ait été démonté.

Pour M. Mbangula, le fait d’affamer les mineurs illégaux constitue certes une violation des droits de l’homme. C’est pourquoi il ne croit plus qu’il s’agisse d’une opération de sauvetage, mais plutôt d’un «corbillard qui est là pour récupérer des cadavres».

C’est pour cette raison, explique-t-il, que l’Association a décidé d’engager des poursuites judiciaires contre le gouvernement pour le rendre responsable du traitement «inhumain» réservé à plus de 4.000 mineurs illégaux bloqués pendant des mois dans la mine de Stilfontein.

Ce blocus qui leur a été imposé fait partie de l’opération «Vala Umgodi», lancée il y a des mois par le gouvernement sud-africain, afin de démanteler un vaste réseau clandestin de zamas zamas qui sape l’économie du pays.

Les zamas zamas, proie de criminels qui opèrent dans l’ombre

Le rapport du Conseil mondial de l’or constitue, à cet égard, un rappel important pour les Sud-africains que l’exploitation minière illégale d’or est une vaste industrie mondiale issue d’un réseau complexe de criminalité transnationale organisée. «L’exploitation minière artisanale et à petite échelle de l’or représente environ 20 % de l’approvisionnement annuel en or et 80 % des emplois dans le secteur», indique le rapport.

Sauf que la stratégie brutale de «se rendre ou mourir de faim», prônée par les autorités sud-africaines dans la gestion de cette affaire, est «chaotique». Elle a provoqué l’ire de la société civile, de certains partis politiques et des organisations des droits de l’homme. La plupart des zamas zamas d’Afrique du Sud viennent du Lesotho, du Zimbabwe et du Mozambique. Ils représentent une sous-classe engendrée par le déclin spectaculaire de l’utilisation de la main-d’œuvre étrangère dans les mines sud-africaines et l’échec des économies de ces pays à s’industrialiser.

Ces mineurs artisanaux apportent un soutien direct et indirect à de nombreuses familles. Une grande partie de l’argent qu’ils gagnent grâce à leur métier pénible et dangereux est ramenée à leur pays ’origine en espèces, ce qui constitue une aide vitale pour les communautés rurales pauvres.

Après avoir été rejetés dans les poubelles de l’histoire par l’industrie minière sud-africaine, les zamas zamas sont désormais la proie de criminels qui opèrent dans l’ombre plutôt qu’au grand jour.

Ainsi, au lieu de faire preuve d’une indifférence cruelle face à leur sort, les autorités sud-africaines devraient plutôt faire preuve d’une certaine empathie envers des hommes qui, en raison de circonstances historiques difficiles, passent des semaines, voire des mois, sous terre, dans des conditions épouvantables.

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