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Mali, Burkina Faso et Niger quittent la Cedeao, la région ébranlée
Des partisans de l'Alliance des États du Sahel (AES) brandissent leur bannière alors qu'ils célèbrent le départ du Mali, du Burkina Faso et du Niger de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), à Niamey, le 28 janvier 2024. (Photo HAMA BOUREIMA / AFP)
En décidant de se retirer de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cedeao), officiellement notifié aux instancezs de la Communauté, le Mali, du Burkina Faso et du Niger, prennent acte des ruptures qui se déroulent dans la région et au sein des organisations régionales qui faisait jusque-là figure de modèle en Afrique. Son alignement sans retenue sur les thèses de certaines capitales européennes allant jusqu’à menacer le Niger d’intervention militaire suite au renversement du président élu.
Lundi, le Mali et le Burkina Faso ont envoyé à la Cedeao une "notification formelle" de leur retrait de l'organisation.
Aboutissement d'années de tensions --
La Cedeao, organisation économique régionale de 15 pays, s’est opposée aux coups d’État ayant successif au Mali, au Burkina Faso et au Niger, imposant de lourdes sanctions économiques au Niger et au Mali, sans vraiment procéder à une analyse profonde des raisons de ces putshs produit d’une lente descente sans fin aux enfers d’insécurité dont ne savait ni ne maitrisait les ressorts et les. Véritables commanditaires.
En août, elle est allée jusqu'à menacer d'intervenir militairement au Niger pour y rétablir le président Mohamed Bazoum renversé et donnait ainsi l’impression de n’être mue que par la peur d’une contagion.
Le dialogue est pratiquement rompu entre l’organisation et Bamako, Ouagadougou et Niamey, qui ont créé l'Alliance des Etats du Sahel (AES) et accusent leurs voisins d’agir sous l’influence de "puissances étrangères", en premier lieu la France, ex-puissance coloniale dans la région.
L’ombre de Paris
Des élections étaient en théorie prévues au Mali et au Burkina Faso en 2024, pour le retour à un gouvernement civil, préalable exigé par la Cedeao pour lever ses sanctions et rétablir ces pays dans ses instances décisionnelles.
Mais les partisans des régimes en palce souhaitent allonger la durée des transitions, la lutte contre les agents de la déstabilisation et la conjoncture mondiale ne permettant pas d’appréhender dans la sérénité l’organisation d’élections, sachant que les pouvoirs civils qui se sont succédé n‘ont pas particulièrement brillé par leur efficacité ou leur efficience dans quelque domaine que ce soit. Un état de fait qui a permis aux militaires de bénéficier du soutien d’une bonne partie des populations de ces pays. L
"Les Etats de l’AES ont anticipé un débat qui devait venir, celui de la fin des transitions. La sortie de la Cedeao semble remettre au second plan cette question", estime Fahiraman Rodrigue Koné, spécialiste du Sahel à l'Institut des études de sécurité (ISS).
"Bien installés dans les palais et devant les délices du pouvoir, ils (les dirigeants des pays de l’AES) veulent s’éterniser dans les fauteuils présidentiels", fustige Le Patriote, quotidien du parti au pouvoir en Côte d’Ivoire. Il n’en demeure pas moins qu’Abidjan est soupçonné par les trois capitales qui tentent de défaire de la tutelle oppressante de la France, de courir pour Paris.
Libre circulation menacée ?
La Cedeao garantit aux citoyens des pays membres de pouvoir voyager sans visa et de s’établir dans les pays membres pour y travailler ou y résider. L’annonce du retrait burkinabè, nigérien et malien suscite donc l’inquiétude de centaines de milliers de ressortissants de ces pays, particuliers ou commerçants.
Mais les trois pays enclavés du Sahel et leurs principaux partenaires économiques côtiers comme le Sénégal et la Côte d’Ivoire sont toutefois membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa, 8 pays), qui garantit elle aussi en principe la "liberté de circulation et de résidence" pour les ressortissants ouest-africains, ainsi que le dédouanement de certains produits et l’harmonisation des tarifs et des normes, à l’instar de la Cedeao. Ce qui constitue une fenêtre importante pour les trois capitales qui viennent de quitter la CEDEAO
Les conséquences d'un retrait pourraient être plus marquées aux frontières du Niger et du Nigeria, pays n'appartenant pas à l’Uemoa. Le géant économique d’Afrique de l’Ouest représente plus de la moitié du PIB de la Cedeao et est le premier partenaire économique du Niger dans la région.
Mais là encore ce n’est acquis. Les 1.500 km de frontière qui séparent les deux Etats sont toutefois mal contrôlés et en proie aux attaques des groupes armés. Une part importante des flux échappent aux contrôles douaniers.
"Même si c’est par la contrebande, les biens et les personnes vont rentrer au Niger, vous ne pouvez pas séparer Sokoto (nord du Nigeria) de Konni (Niger), c’est un même peuple", assure Chaïbou Tchiombiano, secrétaire général du Syndicat des commerçants importateurs-exportateurs et grossistes du Niger.
Le franc CFA menacé
Les régimes du Mali, du Burkina et du Niger ont annoncé leur retrait "sans délai", mais les textes de la Cedeao prévoient qu’une demande doit être déposée par écrit un an avant.
"Juridiquement, un retrait sans délai n’est pas possible. Ces Etats devront trouver une forme d’entente et des négociations iront dans le sens de trouver les moyens de faire ce retrait de manière progressive", estime Fahiraman Rodrigue Koné.
Les vives critiques formulées par ces régimes et leurs partisans à l’encontre du franc CFA, la monnaie commune des pays membres de l’Uemoa, pourraient également conduire les pays de l’AES à quitter cette organisation, et à renoncer à la libre circulation des biens et des personnes en attendant l’émergence d’une zone de libre-échange continentale africaine, encore à l’état de projet. (Quid avec AFP)