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Le journal d’un makhzénien défroqué
La grosse col?re de Moulay Hicham n?est? pas pr?te de se calmer. Il pensait qu?avec la publication de son livre?: ?? M?moire d?un prince banni??,? chez Grasset en France il allait rencontrer un grand succ?s populaire probablement acc?l?r? par une censure de son ouvrage au Maroc. Malheureusement pour lui les choses prennent une autre tournure.
Le livre n?est pas censur? au Maroc.?Pire la version pdf du livre du prince fait le tour du net et donne l?occasion aux rares lecteurs que compte le pays d?avoir acc?s ? la litt?rature princi?re d?une mani?re ?informelle comme l??conomie du m?me nom.
Le contenu du livre, quant ? lui, est d?cevant. Les effets d?annonce ravageurs du prince avaient laiss? pr?sager un livre de rupture plus tranchant, plus construit intellectuellement et surtout plus s?rieux sur le plan acad?mique.? A part le fait que le prince a ?t? correctement servi par un bon n?gre ? l?ouvrage est assez bien ?crit? le reste est assez quelconque.
Pas de fulgurance, pas de saillie intellectuelle notable,? ? peine s?il arrache un sourire sceptique de temps en temps. Sinon, beaucoup d?aigreur, d?amertume, de r?crimination et de bile. Et le tout, dans la forme et dans le fond, n?est pas vraiment s?rieux, cela appara?t comme un mauvais canular d?un enfant g?t?.
De quoi il s?agit en fait?? ?Il s?agit tout simplement de M?moires heurt?es , ou d?une esp?ce d?autobiographie col?rique , d?un prince issu d?une branche dynastique qui ne peut aspirer au pouvoir car sa branche en est exclue par l?ordre dynastique l?gitime en vigueur.
C?est un cas de figure historiquement connu et dont les exemples foisonnent dans les annales des monarchies europ?ennes et, ?galement, dans la longue et brutale histoire du despotisme oriental.
Apr?s ce constat vient ensuite la construction du livre. Quelle est la th?se??? La th?se avance que le? Makhzen, une entit? magique que le livre ne d?finit pas? et qui sert d?une mani?re lapidaire ? toutes? les d?monstrations hasardeuses de l?auteur ? pr?empter la monarchie marocaine.
Et de ce fait le Makhzen qui a du, selon le texte, ?brider les ambitions irr?pressibles de Moulay Hicham d?s les premi?res heures du nouveau r?gne, ?fait courir ? cette monarchie un danger de mort. Le Makhzen va donc ?la conduire ? sa disparition,? si elle ne le neutralise pas d?finitivement.
Le projet historique de Moulay Hicham? ?tant? par cons?quent de sauver la monarchie du Makhzen en la r?formant. Les r?formes entreprises par le Roi Mohammed VI ?tant jet?es aux orties par un simple effet de manche et le bilan foul? du pied.
Nous avons donc un sauveur?!? Il est dans le syst?me tout en ?tant ? l?ext?rieur. Il fait partie de la famille tout en la stigmatisant. Il est l?gitimiste ? condition de conduire lui-m?me une monarchie r?nov?e et taill?e sur mesure pour lui. Ou en rupture totale ?si les choses ne tournent pas ? son avantage.
Nous avons affaire? ? un vrai cercle vicieux. Mais historiquement ce paradoxe est connu.? Du temps des ann?es de plomb les r?formateurs t?tanis?s par la d?gradation de la situation des droits de l?homme dans le pays disaient que Hassan II ?tait un bon souverain mais que c?est son entourage qui ?tait mauvais. Il faisait ainsi l??conomie de la critique d?un r?gime et ils restaient dans la course en cas de d?verrouillage du syst?me.
Moulay Hicham actualise ce paradoxe, dans un environnement politique ouvert et structur? aux antipodes du pass?, avec une construction un peu plus boiteuse. La monarchie est un bon syst?me mais le Makhzen est mauvais. Il ne d?finit? s?rieusement? ni l?un ni l?autre. Ni les rapports entre les deux. Ni leur interaction. Ni leurs sp?cificit?s dans un syst?me traditionnel qui vit sous les coups de boutoirs de la modernit?. Rien.
En dehors de toute approche historique, de toute m?thodologie scientifique et de rigueur dans la d?marche il se fourvoie aveugl? par l?ambition dans des ?tats d??mes personnels qui ne lui sont d?aucun secours dans sa d?monstration.? C?est un enfant dans un bac ? sable qui joue avec des concepts dont il ne comprend pas les ressorts.
Les sorties m?diatiques du prince ? la faveur de la promotion? de son livre aggrave cette? perception r?elle que nous avons que Moulay Hicham est dans la confusion et qu?il n?est pas arm? intellectuellement pour maitriser les effets qu?il d?clenche par sa posture iconoclaste.
Devant des argumentaires construits, il perd ses moyens. Face ? des questions pertinentes, il s??nerve. Et face ? une curiosit? fond?e et ?labor?e, on assiste ? un naufrage intellectuel. ?Des bouff?es de col?re le submergent et toutes les fonctions d?une communication verbale? ?volu?e et ?maitris?e s?arr?tent.
Avez-vous un projet politique alternatif pour le pays? Avec quelles forces politiques?voulez-vous le mettre en ?uvre ? Etes-vous r?publicain?? Cherchez vous la destruction de votre famille?? Etes-vous antimonarchiste?? En voulez-vous ? ce point ? votre cousin le Roi Mohammed VI?? Seul le son d?une ligne t?l?phonique coup?e r?pond. Il n?y a plus personne au bout du fil.
??Encore un effort monsieur le prince?!??? semble lui dire ses interlocuteurs. Franchissez le Rubicon?! Vous n?y ?tes pas encore. ??Etes-vous un Iznogoud, voulez-vous ?tre calife ? la place du calife?? ?? lui a lanc? perfidement ?le journaliste d?Europe1 Thomas Sotto. ?Est-ce que Moulay Hicham veut ?tre Roi ? la place du Roi?? ?Tout tourne autour de cette question et le reste n?est que litt?rature.
Tant que le prince ne r?pond pas explicitement ? cette question et qu?il n?assume pas les cons?quences qu?aurait une r?ponse positive ? cette interrogation, il restera peu cr?dible. Un prince en rupture de ban qui rumine un destin qui, selon lui, ne lui a pas ?t? favorable.