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Au lendemain du référendum en Turquie, la majorité des Islamistes marocains approuvent
Les remous du référendum constitutionnel en Turquie ne sont pas prêts à s’atténuer. Environ 2000 personnes sont sorties, le soir du lundi 17 avril, pour contester les résultats du scrutin, le pays est depuis divisé entre les partisans du « oui » et ceux du « non ». Les relations entre la Turquie et l’Union Européenne risqueraient également de connaître une tournure décisive.
Si Erdogan et ses partisans justifient leur démarche par la nécessité de rectifier une constitution adoptée au lendemain du dernier coup d’état de 1980 pour garantir la stabilité de l’Etat, le reste du monde observe avec réticence cette nouvelle réforme sur l’extension des pouvoirs du président turc.
La victoire du « oui » au référendum a fait écho au Maroc, surtout chez les dirigeants islamistes qui semblent, eux, accueillir avec faveur cette réforme. Dans une déclaration à « Lakome2 », Mustapha Moatassim, l’ex-secrétaire général de Al Badil Al Hadari (Alternative Civilisationnelle), parti d’obédience islamiste dissout en 2007, a déclaré que « la démarche de Recep Tayyip Erdogan ressemble à celle de Rouhoullah Khomeini lorsqu’il a paralysé les capacités de l’occident et a frappé l’Etat profond en neutralisant ses organes, surtout ceux de la sécurité et de la gestion ».
Mouatassim a expliqué que la réforme menée par le président turc est indispensable, malgré la crainte de voir le pays sombrer dans la dictature totale, car « tout État traversant une période de transition a besoin d’une dictature nationale, comme a été le cas dans d’autres expériences internationales ». Concernant les islamistes marocains, le locuteur a souligné que les relations entre le PJD et la Turquie sont au beau fixe. La Turquie a accueilli les enfants de plusieurs militants pjdistes, le parti envoie également sa jeunesse ainsi que ses cadres suivre des formations là-bas. Moatassim a affirmé, de surplus, que les membres de Al Adl Wa Al Ihssan (littéralement Justice et Bienfaisance) sont également en bons termes avec la Turquie, grâce à leur ouverture sur le modèle soufi, notamment celui de Saïd Nursî.
De son côté, l’historien Mohamed Jabroun et membre du mouvement Tawhid Wa Al Islah (Unicité et Réforme) a, lui, noté que « la transformation politique en Turquie n’est pas démocratique, les derniers résultats ont démontré l’existence d’une scission quant au document censé préciser la nature du système politique ». Il a également déclaré à « Lakome2 » qu’Erdogan a échoué à créer une entente entre les différentes composantes du pays. L’historien a fait savoir dans ce sens qu’il n’a pas apprécié la façon avec laquelle le président turc a instauré la nouvelle réforme constitutionnelle, et ce en se référant à l’opinion public, qui était d’ors et déjà divisée.
Jabroun a également affirmé que le message d’Erdogan ne sert pas l’évolution politique des islamistes dans les pays arabes, car il leur a donné l’exemple du leader qui une fois arrivé au pouvoir, écarte tous ses opposants. Il a, de surcroît, souligné que « le modèle d’Erdogan n’est pas un modèle démocratique attrayant », avant d’ajouter que le président turc « a, à son tour, opprimé un autre mouvement islamiste, à l’image de l’oppression qu’exercent les systèmes arabes contre les islamistes ». « Comme nous condamnons l’autoritarisme dans le monde arabe, nous condamnons les dérives autoritaires de Erdogan », a-t-il précisé dans ce sens.
Pour sa part, Mohamed El Hamdaoui, président du comité des relations externes au sein du mouvement Al Adl wa Al Ihssan, a, lui, salué dans une déclaration à « Lakome2 » le résultat du référendum en Turquie, notant que cette réforme va permettre au parti de la Justice et du développement turc de concrétiser et de mettre en marche son projet de développement social et économique. « C’est vrai qu’il y a aujourd’hui des peurs de voir le système en Turquie se transformer en un système politique monolithique, mais le parti de la Justice et du Développement a, depuis 2002 et jusqu’à présent, achevé de grandes réalisations politiques et économiques ».
C’est effectivement dans ce climat de crainte et de réticence que le monde observe le grand changement que va connaître le paysage politique turc dans un pays instable au fil de l’histoire, qui a connu depuis 1960 quatre coups d’Etat. Les relations entre l’Union Européenne et la Turquie risqueraient également de se dégrader, surtout avec l’intention d’Erdogan de faire voter un nouveau référendum sur le rétablissement de la peine de mort, une ligne infranchissable pour Bruxelles.