Baisse ‘’surprise’’ du taux directeur : BAM mise sur une dynamique favorable de l’économie nationale

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Wali Bank Al Maghrib, Abdellatif Jouahri chez le Chef du gouvernement Aziz Akhannouch mercredi 22 février 2023, avant une hausse du taux directeur, pour faire le point de la situation économique, monétaire et financière du pays et des principaux événements qui ont marqué l'économie nationale (Covid, sécheresse et guerre d’Ukraine) 

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Bank Al-Maghrib surprend le marché en abaissant son taux directeur à 2,25%, misant sur la relance économique et la stabilisation de l’inflation. Une décision stratégique aux multiples enjeux. Les explications de deux spécialstes interrogés par MAP 

Par Malika Mojahid - MAP

Contre toutes les attentes du marché, le Conseil de Bank Al-Maghrib (BAM) a décidé de réduire le taux directeur de 25 points de base (pbs) à 2,25%, misant sur une dynamique favorable de l’économie nationale, dans un contexte marqué par une nette décélération de l’inflation.

Cette décision, motivée par une évolution prévue de l’inflation à des niveaux en ligne avec l’objectif de stabilité des prix, fait preuve du choix de la Banque centrale de renforcer son soutien à l’activité économique et à l’emploi, en particulier pour les petites entreprises.

"La décision de baisse du taux directeur vise à renforcer l’accompagnement à la fois de la croissance et de l’emploi", a souligné le Wali de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri, lors d’un point de presse tenu à l’issue de la 1ère réunion trimestrielle du Conseil de BAM pour l’année 2025, notant que cette mesure s’inscrit dans le cadre d’une politique monétaire déjà accommodante, notamment en matière de financement bancaire.

Rappelant que l’inflation est passée de 6% à 0,9% en 2024, avec des projections tablant sur une stabilisation autour de 2% au cours des deux prochaines années, M. Jouahri a mis en avant la soutenabilité des finances publiques, le maintien de solides réserves de change couvrant plus de cinq mois d’importations, ainsi qu’une croissance soutenue des secteurs non agricoles, qui devrait dépasser les 4%.

Pour l’économiste et spécialiste des politiques publiques, Abdelghani Youmni, cette mesure "surprenante", la troisième du genre en moins d’un an, intervient au moment où les attentes misaient sur la stabilité et la continuité d’une politique macroprudentielle.

"Le Wali de Bank Al Maghrib ne prend pas de risques majeurs et ne compromet pas la stabilité des agrégats monétaires et macroéconomiques", a relevé M. Youmni, notant que ces ajustements visent, dans un contexte de repli de l’inflation, à stimuler les crédits immobiliers, la consommation et l’investissement des entreprises.

Le Maroc, pleinement intégré à l’économie mondiale, subit, comme d’autres, les incertitudes, les risques et la volatilité des marchés, mais bénéficie aussi d’opportunités, fait-il remarquer, indiquant que les chocs exogènes à court terme peuvent être néfastes, mais ils peuvent aussi engendrer des externalités positives pour certaines économies, dont la nôtre.

Les crises économiques et financières internationales ont souvent bénéficié au Maroc en renforçant son attractivité et en intégrant davantage le pays dans les chaînes de valeur mondiales, a expliqué M. Youmni.

Et de poursuivre : "L’une des clés de lecture de cette décision pourrait être l’amélioration des conditions climatiques, notamment une reprise de la pluviométrie entraînant une hausse de la production agricole".

Une telle dynamique pourrait générer un gain de 0,5 à 1 point de croissance et une baisse du chômage de 1 à 2 points, portée par le rebond de l’emploi agricole, a estimé l’économiste.

Ainsi, le Conseil a voulu capitaliser sur l’optimisme lié aux précipitations, en soutenant "artificiellement" le pouvoir d’achat via une réduction du coût du crédit, a-t-il relevé, ajoutant que cette décision intervient dans un contexte favorable avec une stabilité du dirham, une inflation sous la barre des 2% et des prix du pétrole et du gaz à des niveaux bas.

De son côté, le directeur exécutif de FL Markets (FLM), Farid Mezouar, a indiqué, dans une déclaration similaire, que le Conseil de BAM a pris en compte l’assouplissement agressif de la Banque centrale européenne (BCE) avec 5 baisses successives et deux autres à venir et la nécessité de prendre en compte le taux de chômage élevé, qui nécessite un coup de pouce pour le financement des très petites, petites et moyennes entreprises (TPME).

"La prévision d’une stabilité des taux a été induite par le dernier rapport du Fonds monétaire international (FMI) qui semblait encourager la banque centrale à la prudence dans l’assouplissement monétaire", a-t-il dit.

Quant à la mise en place par BAM d’un nouveau programme de soutien au financement bancaire des très petites entreprises (TPE), en particulier avec un refinancement des banques participantes à un taux préférentiel égal au taux directeur minoré de 25 pbs, M. Mezouar a jugé que le problème ne réside pas dans le coût de financement, mais il est plutôt au niveau de la lourdeur des procédures bancaires et du degré élevé des garanties qui est requis.

Réuni mardi, le Conseil de BAM a noté que les anticipations d’inflation restent ancrées, les experts du secteur financier s’attendant au premier trimestre 2025 à des taux moyens de 2,2% pour l’horizon de 8 trimestres et de 2,4% pour celui de 12 trimestres.

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