DISCOURS DU TRÔNE : RELANCE DU FEMINISME D'ÉTAT - Par Mustapha SEHIMI

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Il vaut de rappeler que dès le début de son règne, SM Mohammed VI avait une claire vision d'un projet de société alliant la promotion féminine au progrès et au développement […] "l'histoire de notre culture et de notre civilisation "a ouvert" à la femme les portes de la science et de la connaissance sans conditions pu restriction, ni inquiétude ou contrainte" (Fès, 22 mars 2020), mais "la femme n'a pas bénéficié du droit qui lui est accordé par la chari’a", un "manquement et un dysfonctionnement

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Le discours Royal a l'occasion de la célébration de la Fête du Trône n'a rien de conventionnel. Si le Souverain a traité de la présente conjoncture économique et de l'Algérie, il a aussi mis en avant une grande question : celle de la promotion féminine. 

Il est vrai que bien des avancées ont été registrées au cours des deux précédentes décennies. Le Code de la Famille de février 2004 en est la première traduction. C'est là un véritable changement par rapport à la réforme de 1993. Les nouveautés sont les suivantes : définition du mariage et instauration de la responsabilité des deux époux dans la direction de la famille, capacité matrimoniale à 18 ans, pas de mariage forcé et exigence de l'accord de deux volontés non viciées par dol ou par contrainte, suppression de la tutelle matrimoniale pour la femme majeure, stricte limitation de la polygamie, suppression de la répudiation, instauration du divorce judiciaire, arbitrage dans le divorce judiciaire, transmission de la nationalité de la femme à ses enfants. Il faut y ajouter, au chapitre de cette même politique, d'autres mesures d'accompagnement et de consolidation de la place et de la dimension de la femme dans la vie institutionnelle et sociale : intégration de la femme dans les professions religieuses (Conseil supérieur des oulémas, voies de formation des alimates, femmes prédicatrices et dans les causeries hassaniennes). Un pan important regarde l'accès des femmes à des postes de décision et de responsabilité : institutions et organes judiciaires, représentation féminine dans la fonction publique, accès à la propriété foncière (soulaliyate) et au secteur privé, protection sociale. 

Egalité, mais… 

Dans son discours du 9 mars 2011 annonçant une nouvelle Constitution, le Roi a défini les axes d'une plus grande participation des femmes à des fonctions électives et plus globalement à l'exercice des droits politiques. La loi suprême consacre ainsi l'égalité et la lutte contre les discriminations à l'égard des femmes (préambule, art.6, 19,32 et 164). Le premier principe est celui de l'égalité des chances ; le deuxième est lié à la non-discrimination sous toutes ses formes ; le troisième regarde la parité entre les hommes et les femmes. 

Pour autant, aux yeux du Souverain, la longue marche de la promotion féminine doit se poursuivre. Il fait ainsi référence à ce qui reste encore entreprendre. De quoi s'agit-il au vrai ? De "l'opérationnalisation des institutions constitutionnelles concernées par les droits de la famille et de la femme". Il appelle à la mise à jour des dispositifs et des législations nationales dédiés à la promotion de ces droits (Autorité chargée de la parité et de la lutte contre toutes formes de discrimination, article. 164; Conseil consultatif de la famille et de l'enfance, art.169). 

Ces textes normatifs sont de précieux acquis mais sont-ils suffisants compte tenu de la pratique et de l'expérience d'une bonne dizaine d'années au moins ? Le Roi a ainsi mis en cause "certains obstacles" et même des "écueils", au premier rang desquels "figure l'application incorrecte" du Code de la Famille de 2004. Bien des pesanteurs et même des résistances restent vivaces tant du côté "d'une catégorie de fonctionnaires et d'hommes de justice" qui "considèrent encore que le Code est réservé aux femmes". D'où la nécessité de "refondre certaines dispositions qui ont été détournées de leur destination première". L'élan réformateur doit être réactivé. Il doit bien entendu se situer dans le cadre et en pleine concordance avec les desseins de la Loi islamique (chari'a) mais aussi les "spécificités de la société marocaine". Il doit se fonder sur ces principes : modération, ouverture d’esprit, concertation et dialogue. 

Un projet de société 

Il vaut de rappeler que dès le début de son règne, SM Mohammed VI avait une claire vision d'un projet de société alliant la promotion féminine au progrès et au développement. Dans un message à la Conférence internationale sur " La femme musulmane et les sciences ", il a souligné que "l'histoire de notre culture et de notre civilisation "a ouvert" à la femme les portes de la science et de la connaissance sans conditions pu restriction, ni inquiétude ou contrainte" (Fès, 22 mars 2020); et que "la femme n'a pas bénéficié du droit qui lui est accordé par la chari’a", un "manquement et un dysfonctionnement dans l'application des nobles principes par l'Islam". 

Un enjeu de société donc. La question féminine comme vecteur de la modernité et du progrès social. Une nouvelle étape s'impose à l'évidence. Force est de relever que les deux cabinets PJD (2012-2021) ont veillé à l'immobilisme en la matière parce que la problématique portait sur des valeurs sociétales de modernité qu'ils ne voulaient pas prendre en charge. Désormais, le débat est réactualisé. Il reste à ce cabinet en place à s'y atteler en priorité. Un féminisme d'Etat qui doit marquer les traits et l'armature d’une nouvelle société.

 

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