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Il y a vingt ans la déflagration, 45 morts et des certitudes secouées
Cinq attentats-suicides visent un restaurant, des cibles juives et le consulat de Belgique
Casablanca – Subitement quelque chose a changé. Au lileiu de cette soirée, cinq attentats-suicides faisant 45 morts, dont douze kamikazes et une centaine de blessés, attribué à al-Qaïda, faisait du Maroc le premier pays du Maghreb à être touché par le phénomène kamikaze. Le bidonville de Sidi Moumen entrait dans l’histoire du Maroc par la porte de la violence. L’exception marocaine qui faisait du Royaume un pays à l’abri de la violence terroriste vole en éclats.
Le 16 mai 2003, un vendredi, la capitale économique est secouée par cinq attentats-suicides quasi simultanés qui visent un restaurant touristique, des cibles juives ainsi que le consulat de Belgique.
La grande majorité des victimes sont de nationalité marocaine. Trois Français, deux Espagnols et un Italien trouvent la mort dans les explosions.
Le traumatisme est énorme.
Une nouvelle conscience va naitre et une autre démarche sécuritaire va voir le jour. D’abord, sans faire de quartier elle se concentre sur l’urgence d’éviter tout autre attentat, raflant sans distinction tout potentiel danger, elle va s’affiner au fil du temps pour donner lieu à une approche proactive qui intègre dans sa démarche tous les éléments du problèmes, sécuritaires bien sûr, mais aussi doctrinaire conduisant à un réaménagement du champ religieux, et socio-économique.
Sur le terrain politique, on verra naitre le courant des éradicateurs qui appelle à effacer de la surface du Maroc toute expression du religieux politique. Une attitude que le pouvoir se gardera de suivre, lui préférant la démarche qu’on lui connait et qui fait de l’approche sécuritaire marocaine, sans toucher l’infaillibilité qui n’existe pas, un modèle et une école à l’échelle internationale.
Au lendemain de ces attentats, près de 1.000 salafistes sont condamnés par des tribunaux, dont 17 à la peine de mort, une sentence qui n'est plus exécutée depuis 1993.
Par la suite, le Maroc muscle son dispositif sécuritaire et renforce sa législation en matière de lutte antiterroriste.
Ce qui n’empêchera pas le pays d’être à nouveau meurtri par un sanglant attentat à la bombe le 28 avril 2011 à Marrakech, haut-lieu touristique, qui fait 17 morts, dont des visiteurs étrangers. Toutefois, l’affinement des techniques sécuritaires va épargner depuis le Maroc des violences liées aux groupes jihadistes, les services de sécurité dans une constante vigilance procédant régulièrement à des coups de filet anti-jihadistes et de projets d'attentat qu’ils réussissent à avorter.
Le Bureau central d'investigations judiciaires (BCIJ), chargé de combattre l'extrémiste islamiste, a démantelé "90 cellules terroristes" depuis sa création en 2015, a indiqué récemment son directeur Habboub Cherkaoui dans un entretien avec le site Hespress.
Ces opérations ont permis l'arrestation de plus de 1.500 personnes, dont 35 mineurs et 14 femmes, selon le patron du BCIJ.
Des membres des différentes communautés du Maroc, musulmans, chrétiens et juifs, se rassemblent aux côtés des associations de victimes lors d'une cérémonie à Casablanca le 16 mai 2023, à l'occasion du 20e anniversaire des attentats-suicides meurtriers de Casablanca. (Photo FADEL SENNA / AFP)
Vingt ans après les blessures sont encore là et les des victimes du terrorisme regroupées en association(AMVT), n’ont pas oublié. "Il est important de s’accrocher à la vie malgré la souffrance", diit Souad El Khammal qui se souvient avec amertume de la mort de son mari et de son fils lors des attentats-suicides de Casablanca le 16 mai 2003, l'attaque terroriste la plus meurtrière de l'histoire du royaume.
Des familles de victimes, des acteurs associatifs et des représentants des communautés musulmane, juive et chrétienne se sont à nouveau rassemblés devant une stèle commémorative sur une place emblématique de Casablanca,.
"Chaque année, nous nous tenons debout devant cette stèle pour ne jamais oublier", explique Souad El Khammal, la présidente de l'Association marocaine des victimes du terrorisme.
"Si on les oubliait, ce serait une autre victoire du terrorisme. C’est une manière aussi de dire qu’il est important de s’accrocher à la vie malgré la souffrance", souligne-t-elle.
"Le 16 mai vit avec moi quotidiennement. Je résiste avec beaucoup d’effort. Et je prie Dieu pour que ce drame ne se reproduise pas", confie Fiach Mesbah, qui a perdu un œil et l'odorat il y a 20 ans.