La croisière s’amuse – Par Naïm Kamal

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Benkirane en colère contre Mayssa, Mayssa en colère contre Benkirane, au milieu, Akhannouch, apparemment leur unique convergence, laisse dire

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Le chef de file des islamistes du PJD, Abdalilah Benkirane, en a pris pour son grade. Mayssa Salama Naji, la blogueuse, n’a pas été avec le dos de la cuillère. Il faut dire qu’il l’a un peu cherché. Parler d’épices à une femme qui se prend pour une méningère et la traiter en prime de marionnette, ça ne se fait pas. La blogueuse est si en colère qu’on n’ose même pas s’imaginer ce que serait avec Mayssa une scène de ménage. Mais il n’y a pas à redire, elle a été au mortier, en digne enfant de militaires qu’elle nous apprend être. Rompez les rangs !

En même temps, on ne va pas se plaindre, pour une fois qu’elle lâche les baskets à Aziz Akhannouch pour se trouver une tête de turc, sans mauvais jeu de mots, chez les islamistes. Et à l’en croire, si Benkirane s’en est pris à elle, c’est, réclamant le départ de l’à peine arrivé Akhannouch, elle ne le propose pas lui pour prendre la primature, mais un autre RNI, Moulay Hafid Alami, qui a la particule particularité d’avoir un acte de naissance nous imposant de toujours assortir son prénom d’un révérencieux Moulay.

Terence Hill et Giuliano Gemma

Noblesse oblige, chez lui, Moulay fait fonction de premier prénom, si bien que si l’on veut être courtois à son égard, on devrait l’appeler Ssi Moulay. Un peu beaucoup pour une compétence qui, semble-t-il, a prêté le flanc lors de la vente de son assurance à l’Afrique du Sud.

Sans l’ombre d’un doute, l’ancien ministre des masques, du gel hydroalcoolique et d’autres bricoles en rapport avec le Covid-19, a de quoi plaire et pas seulement à Mayssa : Une allure de cowboy et des yeux bleus comme le ciel de notre hiver, un peu Terence Hill droit sorti d’un western spaghetti, un peu Giuliano Gemma dans la Titans, sans compter son savoir-faire consommé dans l’art de faire savoir. A part ça, il semblerait que le véritable moteur du ministère qu’il a occupé, est celui-là même qui a pris le poste que Ssi Moulay a quitté. Passons.

L’homme aux deux facettes  

N’eut été ce temps désespérément beau, on rigolerait beaucoup dans cette Croisière s’amuse. Entre autres parce qu’en dehors de leur divergence litigieuse, Mayssa et Abdalilah convergent. Sur Aziz Akhannouch dégage. A une nuance près : Elle, ici et maintenant pour le remplacer par Ssi Moulay qui certainement ne lui a rien demandé et est certainement heureux comme il est ; lui, dans une année pour lui substituer Ssi Lui-même qui trépigne d’impatience et ne rêve que d’en découdre.   

Bilal Talidi, l’un de nos chroniqueurs, un spécialiste de l’islamisme, lui-même islamiste bon teint, analyse pour le Quid l’intervention de Abdalilah Benkirane qui a provoqué l’ire de la Mayssa nationale, et le rire de pas mal d’observateurs. Loin de ces chicanes, Bilal Talidi voit dans Benkirane à la fois l’homme de foi et l’homme politique qui sait alterner quand c’est nécessaire, malaxer quand il le faut les deux facettes de son personnage. Pour au bout du raisonnement nous faire ressortir l’homme d’Etat qui sait ne pas épouser les vagues, forcément condamnées au ressac. C’est tout à son honneur.

Ce qui n’exclut pas que tout au long de son intervention, Benkirane ne s’est à aucun moment départi de sa posture de prédilection, une navigation à vue tactique et verbeuse. Dans sa grande et généreuse mansuétude, il accorde à Akhannouch et à son gouvernement un sursis d’un an. Passé ce délai, ils rejoindraient « par les voies institutionnelles », lui et son parti, la vaguelette de dégagisme précoce que certains veulent installer, pernicieusement pour quelques-uns, par mimétisme ou réels besoins pour d’autres. Encore donc sept mois pour Akhannouch, alors même que par ailleurs Benkirane nous apprend que le Roi, garant de la constitution, est très respectueux des mandatures. Passons, encore une fois.

Le temps, ce corrosif

Bilal Talidi, n’en doute pas. Dans les circonstances actuelles marquées par les effets de la crise pandémique que le retard des pluies n’arrange en rien, le pouvoir a besoin de Benkirane et de son parti. Par eux viendrait le salut, eux seuls seraient en mesure de faire passer la douloureuse - ainsi appelle-t-on l’addition dans les restaurants bas de gamme - aux citoyens. A croire que l’érosion du temps qui passe est à effet nul sur eux.

Les autres, tous les autres ? Feu de paille et sable inconsistant qui file entre les doigts. Mais c’est vite oublier que les islamistes participationnistes viennent de sortir de 10 ans de gouvernement sévèrement sanctionnés par les urnes. Croire et essayer de faire croire, comme le fait tardivement Benkirane, que leur débâcle est du seul fait de l’administration relève stupidement de la méthode Coué. Et lui comme le PJD seraient mieux avisés de méditer cet aphorisme dont on accrédite Abraham Lincoln : « Vous pouvez duper une partie des gens de temps en temps, vous pouvez duper certaines personnes tout le temps, mais vous ne pouvez pas duper tout le monde tout le temps »   

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