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Le faux clivage a éclaté
La raison serait de tirer les leçons objectives de ce scrutin. Le PJD n’est pas jugé sur son bilan, son action, puisque la victimisation fonctionne à bloc, qu’elle s’appuie sur des faits. Toutes choses restant égales par ailleurs, on risque d’avoir le même panorama dans cinq ans. Il faut sortir de ce piège
La victoire du PJD n’est ni une catastrophe ni une bonne nouvelle, mais son contexte est inquiétant. Nous l’avons écrit, Benkirane a imposé son thème du « Tahakkoum » et les autres sont tombés, de manière inexplicable, dans le piège. Les législatives ont pris une tournure inattendue. Les électeurs qui se sont déplacés ont en fait répondu à une question : est-ce que pour arrêter le PJD vous êtes prêts à accepter des entorses au fonctionnement démocratique ? Ils ont répondu non et de manière plus massives que ne le laissent entendre les résultats officiels.
En acceptant le piège, tout a été dérèglé, contre-productif. Des communiqués comme celui sur les serviteurs de l’Etat, ou encore Nabil Benabdallah, les scandales sexuels, ou surtout la manif improvisée, tout s’est retourné contre ses concepteurs. C’est un niveau d’inefficacité abyssal.
Le clivage proposé initialement, modernistes – conservateurs, qui est limité lors de ces élections. C’est le clivage construction démocratique, retour aux anciennes pratiques qui a pris le dessus.
C’est tellement flagrant que nous avons, selon les résultats officiels, deux paradoxes, qui pour le coup, sont une véritable exception marocaine, unique au monde.
Les « modernistes » font le plein dans les campagnes, le PJD se balade dans les grandes villes. Même en sortant de Polytechnique, il est difficile de donner une explication raisonnable à ce phénomène, autre que ce n’est pas le clivage qui a été déterminant.
Le second paradoxe, et c’est le plus important, c’est que le parti génétiquement, idéologiquement, anti-démocratique, devient le réceptacle de voix défendant … la démocratie. Il faut être aveugle pour ne pas voir cette réalité, l’impact des manipulations passées, actuelles, et surtout le danger potentiel pour l’avenir.
La raison serait de tirer les leçons objectives de ce scrutin. Le PJD n’est pas jugé sur son bilan, son action, puisque la victimisation fonctionne à bloc, qu’elle s’appuie sur des faits. Toutes choses restant égales par ailleurs, on risque d’avoir le même panorama dans cinq ans. Il faut sortir de ce piégé.
Le seul moyen de contrer le PJD c’est d’appliquer la constitution et de laisser le fonctionnement des institutions démocratiques se normaliser. Ce n’est qu’alors que les politiques publiques reviendront au centre du débat politique, que le clivage sur les libertés individuelles, la sécularisation de la religion, le rôle de l’audiovisuel auront un impact, sur la représentation politique.
La bipolarisation en marche est factice. Le PAM gagne sur ses supposés alliés qui se sentent floués, le PJD avance auprès des couches anciennement acquise à la défunte Koutla. Ce cercle vicieux ne peut être rompu que par le recentrage du débat public autour des attentes populaires, en dehors de toute manipulation. Il faut faire confiance au peuple, puisqu’on ne peut pas le changer.