LE GOUVERNEMENT ET LA RENTRÉE CHI VA PIANO… Par Mustapha Sehimi

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Que prépare le gouvernement pour 2024 ? Le document de référence pour l'heure est la note d'orientation du Chef du gouvernement adressée au début de ce mois d'août aux ministres devant imprimer 1'élaboration du projet de loi de finances pour 2024.

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Ce cabinet a pris ces trois semaines de vacances… La prochaine réunion de cet exécutif est prévue le jeudi 24 août courant. Dans quel état était-il lors du premier semestre écoulé ? Fera-t-il montre de quelque capacité réformatrice dans les mois à venir et même au-delà ?

La situation économique est évidement la plus forte contrainte. Qu'en est-il ? En 2023, le taux de croissance sera de l'ordre de 3,4%, le déficit budgétaire, lui, de 4%. Le taux de chômage estimé par le HCP est de près de 13%, un chiffre record qui n'a pas été enregistré depuis plus de deux décennies. Voilà qui remet au premier plan, si besoin était, 1a question sociale. Depuis 2000 jusqu'en 2019, 1'économie nationale n'a créé en moyenne annuelle que 110.000 postes d'emplois alors qu'en creux la population en âge de travailler augmentait de 365.000 personnes, soit un déficit moyen de 265.000 postes d'emploi par an. Par suite de 1a pandémie Covid19, plus de 430.000 postes d'emploi ont été perdus en 2020 non encore récupérées à ce jour : le rebond a été observé en 2021 avec 230.000 emplois, mais en 2022, la perte d'emplois s'est aggravée. Si bien qu'entre mars 2022 et mars 2023, près de 90% des pertes d'emplois sur une année dont des emplois non rémunérés. Globalement, pour cette même période, la population active occupée a régressé de 10.697.000 à 10.418.000 personnes ; - une perte nette de 280.000 emplois. Et le nombre de personnes au chômage a augmenté de 83.000 individus pour se situer pratiquement à hauteur 1.5 million de chômeurs.

2024 : Quatre priorités

Voilà bien des indicateurs à prendre en charge par le gouvernement. Il annonce à l'envi qu'il s'y attelle sans cesse depuis son investiture en octobre 2021, voici près de deux ans. Que prépare-t-il pour 2024 ? Le document de référence pour l'heure est la note d'orientation du Chef du gouvernement adressée au début de ce mois d'août aux ministres devant imprimer 1'élaboration du projet de loi de finances pour 2024. Pour la prochaine année et celles qui et suivent, les retenus sont les suivants : réduction du volume de l'endettement, renforcement de l'équilibre financier, reconstitution des marges financières, poursuite des différents projets de développement. Elle table sur une croissance de 3,7% en 2024 et la réduction du déficit budgétaire à 4%. 

Quatre priorités sont fixées. La première regarde le soutien de la filière agricole : consolidation des mesures d'aide des matières premières agricoles et des fourrages, développement des filières de production et de distribution mine en œuvre de la stratégie génération verte, mise en œuvre des engagements prévus dans les 19 contrats-programmes signés en mai 2023, avec des crédits de 110 milliards de DH, 1'État devant y contribuer avec 42 milliard de DH. La deuxième priorité est celle de l'eau et du climat. Là encore, il faudra accélérer la mise en œuvre du programme national d'approvisionnement en eau potable et d'irrigation. L'enveloppe globale allouée est de 143 milliards de DH pour la période 2020-2027. La préoccupation est aussi dans ce domaine de décliner la dimension climatique dans les politiques publiques. Des mesures incitatives vont être étudiées et appliquées en vue de la promotion des instrumente financiers verts.

Troisième priorité : la poursuite des réformes structurelles et des stratégies sectorielles. Des chantiers sont à l'ordre du jour : transformation progressive et modernisation de l'administration judiciaire, simplification des procédures et réforme administrative, généralisation des tribunaux de la famille dans toutes les régions du Royaume, déconcentration et régionalisation avancée, renforcement et efficience de la gouvernance publique. Enfin, la dernière priorité a trait à l'accélération du projet de l'offre Maroc dans le secteur de l'hydrogène vert. De grandes potentialités existent qui offrent des opportunités à des investisseurs internationaux. L'objectif est d'arriver à produire d'ici 2030, 52 % de 1'énergie électrique à partir de sources d'énergie renouvelables (éolien, solaire, dessalement).

Rigueur et... relance ?

Un projet de budget de rigueur donc qui se veut aussi de relance. L'investissement privé est fortement sollicité. Il faut y voir l'application des orientations royales visant à la mobilisation de 550 milliards de DH pour la création de 500.000 emplois entre 2022 et 2026 et ce dans le cadre d'un partenariat entre l'État, le secteur privé et les banques. Quel bilan peut en être dressé en 2022 et 2023 ? Le Fonds Mohammed VI pour 1'investissement est mobilisé à cet effet et s'opérationnalise comme levier pour promouvoir les investissements privés dans le financement (grands projets structurants, secteurs prioritaires, PME,...).

Des annonces donc, mais sont-elles d’ardentes obligations ? Ce qui pose cette interrogation de principe : ce cabinet est-il en mesure d’être à la hauteur des objectifs fixés. Question de capacité politique et de volontarisme réformateur : tel est bien le challenge. Et d’abord la solidité et la solidarité de la majorité : est-elle homogène ? L’on dira que tel est le cas puisque les projets de loi de l’exécutif sont toujours votés par les trois groupes parlementaires de la majorité (RNI, PAM, PI). Cela suffit-i1 pour autant ?  Rien n’est moins vrai : à preuve, les réunions de coordination des trois partis sont fortement espacées, en décalage avec les principes de la Charte de la majorité signée le 6 décembre 2021. La coordination entre les différents ministres est-elle satisfaisantes ?  Les arbitrages du chef de l’exécutif sont-ils réellement opératoires ? Ce cabinet pâtit d’un autre handicap à propos de sa communication – difficile, dans ces conditions de donner visibilité et lisibilité aux politiques den différents départements ministérielle, les uns avec la multiplication den postures et des annonces de leurs titulaires, les autres n'arrivant pas à porter et encore mois à incarner les réformes inscrites dans leur agenda.

Lenteur des réformes

Par ailleurs, comment évacuer cette difficulté: la lenteur des réformes. D'un côté, elles ne sont pas hiérarchisées – depuis son investiture, ce cabinet n'a pas été en mesure d'arrêter un calendrier 1égislatif jusqu'à 2026. Qui peut, en 1'espèce, donner des détails sur le travail gouvernemental en 2024 ? L'accent mis sur des "priorités" suffit-il ? Tout paraît se passer, dans une certaine mesure en tout cas, comme si une sorte de placebo gouvernemental marquait bien la gouvernance actuelle mise en avant dans le registre persistant de l'autosatisfaction. Les exemples de cette mal-gouvernance ne manquent pas. SM le Roi, dans son discours du 20 août 2022, avait appelé à une réforme du Code de la famille ainsi que de celle de la place et du rôle des Marocains du Monde.

Un an après, rien de bien significatif n'a été entrepris dans ces deux domaines... Des textes fondamentaux, pourtant énoncés dans le programme du gouvernement en octobre 2021 peinent à prendre forme. Le code pénal et le code de procédure pénale n'avancent pas malgré les coups de menton médiatiques du ministre de la justice... La lutte contre la corruption n'est plus qu'une référence pratiquement rhétorique- l'indice de perception de la corruption (HPC) a vu le Maroc dégringoler au 94ème rang en 2022, perdant pas moins de sept places par rapport à 2021 et même 14 par rapport à 2019. Qui s'en préoccupe ? La grande réforme fiscale reste en "stand-by", malgré des mesures éparses, ici et là. Mais le discours sur les réformes, lui, se porte bien. Et les politiques publiques traînent. De la lenteur couplée à un manque patent de capacité réformatrice : une donnée "structurelle’’ ?

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