Le ‘’Sud global’, une entité plurielle, marquée par des disparités et des tensions, mais qui aspire à l’égalité dans la gouvernance mondiale

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Il est l’important de reconstruire les institutions nationales et supranationales ébranlées par les désordres actuels, pour amplifier les voix de l’Atlantique et favoriser la coopération (Karim El Aynaoui)

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À quoi ressemble l'avenir du multilatéralisme ? Comment pouvons-nous trouver un équilibre entre responsabilité et opportunité en matière de climat ? Et quels sont les enjeux pour la démocratie alors que nous sommes confrontés à une nouvelle génération de défis ? ont été les principaux axes abordés par la deuxième journée des Dialogues atlantiques (12, 13, 14 décembre) qui a réuni des voix de tout le pourtour atlantique et au-delà pour réfléchir ensemble et essayer de répondre aux préoccupations.

Pour Karim El Aynaoui, président exécutif du Policy Centre for new South (PCNS), qui concluait en fin d’après-midi du samedi 14 décembre trois jours de riches dialogues, l’heure est désormais à l’introspection pour en traire les principaux enseignements. Il a néanmoins appelé dès maintenant à l’action collective pour remédier à la fragmentation mondiale en insistant sur l’importance de reconstruire les institutions nationales et supranationales ébranlées par les désordres actuels, pour amplifier les voix de l’Atlantique et favoriser la coopération.

Au cours de ces échanges, les intervenants se sont particulièrement penchés sur le rôle du Sud global dans la gouvernance mondiale, pour essentiellement souligner sa diversité. Jacques Attali, ancien conseiller du président français François Mitterrand a soutenu que le Sud n'est pas monolithique, l'influence de la Chine et de la Russie en Afrique ne représentant pas ses intérêts plus larges, tandis qu'Ana Palacio, ancienne cheffe de la diplomatie espagnole, a appelé à une réévaluation des modèles traditionnels pour adopter des solutions flexibles axées sur la technologie pour répondre aux besoins changeants du Sud. 

Les inégalités persistent, non seulement entre le Nord et le Sud, mais aussi au sein même du Sud : sur les 56 conflits recensés dans le monde, 54 se déroulent dans ce Sud, une réalité qui reflète le rôle prépondérant du Sud dans l’agenda du Conseil de sécurité des Nations unies (Omar Hilale)

Les inégalités persistent, non seulement entre le Nord et le Sud, mais aussi au sein même du Sud : sur les 56 conflits recensés dans le monde, 54 se déroulent dans ce Sud, une réalité qui reflète le rôle prépondérant du Sud dans l’agenda du Conseil de sécurité des Nations unies

Abondant dans l’idée du Sud qui n’est pas monolithique, Omar Hilale, représentant permanent du Maroc à l’ONU a mis l’accent sur le Sud pluriel, souvent perçu à tort comme une entité homogène, à tort sans doute à ses yeux lorsqu’il a abordé les disparités économiques et les tensions géopolitiques qui traversent ces régions. Rappelant que «le Sud représente près de 85% de la population mondiale et 50% du PIB mondial, M. Hilale a indiqué que les inégalités persistent, non seulement entre le Nord et le Sud, mais aussi au sein même du Sud : sur les 56 conflits recensés dans le monde, 54 se déroulent dans ce Sud, une réalité qui, selon lui, reflète le rôle prépondérant du Sud dans l’agenda du Conseil de sécurité des Nations unies, souvent centré sur la résolution de crises dans ces régions.

Mais le Sud, dans toute sa pluralité, constitue un appel au dialogue, à la diversité, à davantage d’inclusivité et au respect de la souveraineté des États, a encore soulign l’ambassadeur du Royaume du Maroc auprès des Nations Unies à New York. "Chaque fois que le Sud est uni et se départit de ses divergences idéologiques, il est capable d’imposer sa volonté, de contribuer à la réforme des Nations Unies et d’influencer certaines décisions des institutions internationales", a-t-il affirmé ".

Rappelant que dans ce Sud, certains États financent le terrorisme et le séparatisme et alimentent la guerre et les tensions, il constitue aussi un appel à la solidarité et représente "une vision d’espoir" en dépit de la persistance des conflits armés. Et à ce titre, le diplomate marocain, indique que le Sud, qui "ne veut pas prendre la place du Nord", aspire seulement à une "participation à titre égal" à la gouvernance mondiale ainsi qu’à une représentativité équitable au sein des institutions multilatérales.

C’est dans ce sens aussi que l’ancienne ministre panaméenne des Affaires étrangères, Erika Mouynes, a pointé du doigt l’"iniquité" des systèmes actuels de gouvernance internationale, appelant à œuvrer au redressement des disparités entre Nord et Sud.

Elle a plaidé pour plus d’implication des jeunes générations dans cette dynamique réformiste des institutions de gouvernance mondiale ainsi que dans les processus décisionnels en vue de favoriser le dialogue et la coopération internationale et intergénérationnelle. Il est effectivement temps, a-t-elle estimé, de créer davantage de connexions solides et réelles entre le Nord et le Sud pour traduire dans les faits ces aspirations de réformer certaines normes internationales.

Pour l’ancienne cheffe de la diplomatie panaméenne, le Sud peut réduire drastiquement toute dépendance du Nord à la faveur de ses énormes ressources et compétences.

Même son de cloche chez l’ancienne ministre espagnole des affaires étrangères, Ana Palacio, qui a estimé que les règles de gouvernance mondiale doivent changer et être plus équitables et plus inclusives.

Il importe d’introduire des réformes majeures au niveau du Conseil de sécurité de l’ONU et au niveau des institutions multilatérales en général afin de prendre en considération les nouvelles réalités du monde d’aujourd’hui et du "Nouveau Sud", a-t-elle suggéré.

Selon Mme Palacio, le défi pour le Sud consiste à donner un nouvel élan à la formation notamment dans le domaine des nouvelles technologies et de la promotion de l’éducation.

L’édition 2024 des "Atlantic Dialogues" a porté sur une variété de sujets d’ordre économique et géopolitique, reflétant les mutations d’un Atlantique élargi et mieux intégré, à travers des panels, des tables rondes et d’autres sessions collaboratives.

Les débats se sont articulés autour notamment de la diplomatie culturelle, le paradigme de la sécurité régionale, les infrastructures intelligentes et la régulation de l’intelligence artificielle, ainsi que d’autres enjeux mondiaux.

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