National
Les douze travaux de Chakib Benmoussa
Derrière le ministre, on lit bien (en arabe) conférence de presse
Sur la banderole grandeur nature, il y avait bien écrit (en arabe): Conférence de presse – Présentation de la Feuille de route 2022-2026, Pour une école publique de qualité. Dans la salle des réunions de l’annexe du ministère de l’Education nationale avenue Chella, un ancien internat pour les jeunes filles du lycée Lalla Aïcha, les deux premières rangées sont réservées au hauts cadres. Sur chaque fauteuil une feuille indiquait bien visible le nom du titulaire, peut-être sa fonction, on n’a pas vérifié.
Les journalistes ne commençaient qu’à la troisième rangée. Que pouvaient-ils faire là ? Les fonctionnaires, pas les journalistes bien évidemment. Peut-être n’ont-ils pas encore bien assimilé la leçon et qu’il leur fallait un énième cours.
Si tel est le cas, Chakib Benmoussa, leur ministre, s’est fait un plaisir de la leur répéter. Pendant une heure et demi, réponses aux questions comprises (ou incomprises), il a déroulé. Sur son ton habituel. Quasi monocorde, zen, presque flegmatique. N’eut été le dramatique de la situation de l’enseignement marocain et le sérieux du personnage, on aurait dit de l’indifférence. Mais n’est-ce pas là la qualité des bons praticiens, ne pas trop s’impliquer trop personnellement, pour garder la lucidité nécessaire à l’efficacité.
Les chiffres du drame ? En voici : 70% des élèves ne maitrisent pas le programme à la fin du primaire. 10% à la fin du collège. Seulement 25% des élèves participent à des activités parascolaires. Environ 300 mille élèves quittent l’école chaque année depuis 2016 soit : 6x3=1 800 000. Ce n’est pas une erreur de calcul, on a juste retenu les zéros qui s’étalent derrière le 3 de trois cent mille pour les distribuer à qui de droit. Devinez lesquels. Des cancreries ? Il suffit de demander : seulement 13% des élèves entrant en 5ème année du primaire (chiffres de 2022) sont capables de réaliser une division de 76 par 4. On vous épargne les chiffres de la lecture en arabe et en français, les classements mondiaux du Maroc à la queue de la comète (pour ne pas dire à la traine) en mathématiques et en lecture. Pour vous éviter aussi une envie subite de suicide. En revanche, il y a des chiffres que c’est Ssî Chakib Benmoussa qui nous les a épargnés, à moins que ce ne soit les tests qui n’aient pas été réalisés : ceux des aptitudes des enseignants. Mais était-ce vraiment nécessaire ? Ils sont contenus dans les taux des échecs de nos élèves. Et puis il est temps de céder, avec nos vœux les plus sincères de succès, la parole au ministre pour nous expliquer ses douze travaux d’hercules en vue d’une école publique de qualité. Naïm Kamal
Une approche systémique agissant sur les 3 composantes du système éducatif
La feuille de route 2022-2026 pour une école publique de qualité pour tous est une fenêtre d'opportunité qui s’ouvre aujourd’hui pour concrétiser la réforme issue des orientations royales et rebâtir la confiance des citoyens en l'école publique, a affirmé jeudi le ministre de l’Éducation nationale, du Préscolaire et des Sports, Chakib Benmoussa.
Présentant les grandes lignes de cette feuille de route lors d'une conférence de presse à Rabat, le ministre a précisé que cette réforme s'articule sur le fait d'adopter une nouvelle approche de mise en œuvre permettant au changement d'entrer dans les classes et d’avoir un impact sur les élèves, d'entretenir la confiance de l'opinion publique dans la durée, en donnant de la visibilité sur le cap à long terme et en partageant régulièrement les réalisations intermédiaires et de faire converger toutes les énergies dans une dynamique de co-construction.
C'est une réforme de long terme dont les impacts sont échelonnés dans le temps, en partant de la préfiguration (2022-2023), puis l'inflexion (2024-2025), avant d'arriver à la diffusion (2026-2027), accompagnée d'une communication continue sur les réalisations et les résultats de la réforme à travers des bulletins semestriels.
Le ministre a souligné que l'ambition d’une école publique de qualité se décline en 3 objectifs stratégiques à savoir garantir la qualité des apprentissages, favoriser l'épanouissement et le civisme et rendre effective la scolarité obligatoire.
Il s'agit ainsi de doubler à l'horizon de 2026 le taux des élèves du primaire maîtrisant les fondamentaux, et le taux des élèves bénéficiant d'activités parascolaires et de réduire la déperdition scolaire d'un tiers.
Et pour atteindre ces objectifs stratégiques, une approche systémique agissant sur les 3 composantes fondamentales du système éducatif : l’élève, l’enseignant et l’établissement est nécessaire.
Rupture dans le mode de mise en œuvre de la réforme
Si les évaluations nationales sur les acquis des élèves confirment la crise des apprentissages au sein de l'école publique, cette crise a été amplifiée par la pandémie de la Covid-19, souligne M. Benmoussa, faisant référence à une évaluation récente réalisée auprès d'un échantillon représentatif de 25.000 élèves qui montre que la majorité ne possède pas les prérequis pour suivre le programme scolaire.
Malgré une volonté réformatrice et une vision stratégique partagée, l'école publique n’assure pas les apprentissages fondamentaux et suscite la défiance des citoyens, a-t-il relevé, notant que depuis 2016, la déperdition scolaire concerne en moyenne 300.000 élèves par an, en particulier dans les milieux défavorisés, ce qui creuse les inégalités territoriales,
Pour améliorer de manière effective la qualité de l'école publique, il est nécessaire d’opérer une rupture dans le mode de mise en œuvre de la réforme, en passant d'une réforme axée sur les moyens et les procédures, à une réforme axée sur l'impact au sein des classes.
Le responsable gouvernemental a rappelé que cette feuille de route a été partagée et discutée avec plus de 100.000 participants dans le cadre des concertations nationales et dont les conclusions ont permis de confirmer la pertinence de la feuille de route proposée tout en enrichissant son contenu.
"La feuille de route 2022-2026 pour une école publique de qualité pour tous" tire son référentiel des Hautes orientations de SM le Roi Mohammed VI, de la loi-cadre relative au système d'éducation, de formation et de recherche scientifique, du nouveau modèle de développement ainsi que du programme gouvernemental qui attache une grande importance à la consolidation de l'État social et au développement du capital humain.
12 engagements concrets pour une école publique de qualité
Les actions de la feuille de route 2022-2026 pour une école publique de qualité pour tous s'organisent en 12 engagements concrets concernant les élèves, les enseignants et les établissements.
1- Un préscolaire de qualité, régulé par l'Etat et généralisé pour préparer l’ensemble des élèves à la réussite scolaire: les élèves qui bénéficient d'un préscolaire de qualité ont une plus forte probabilité d’acquérir avec succès les apprentissages au cycle primaire
2- Des programmes et des manuels scolaires favorisant l'acquisition des compétences fondamentales et la maîtrise des langues, dans la mesure où un programme scolaire efficace favorise les apprentissages des élèves en définissant des attendus clairs et adaptés à leurs capacités.
3- Un suivi et un accompagnement personnalisés pour aider les élèves à surmonter les difficultés d'apprentissage, car la détection et la remédiation précoces des difficultés scolaires permet d'éviter l’accumulation des retards d’apprentissage qui peuvent devenir insurmontables et conduire à la déperdition scolaire.
4- Une orientation des élèves vers de nouveaux parcours adaptés à leurs profils pour augmenter les chances de réussite, étant donné que les élèves qui suivent des parcours adaptés à leurs capacités et à leurs centres d'intérêt ont l’opportunité de révéler pleinement leur potentiel et sont moins exposés à la déperdition scolaire.
5- Un appui social renforcé pour promouvoir l'égalité des chances entre les élèves, dans le sens que l'appui social permet d’améliorer les conditions d’accès à l’école des élèves issus des milieux défavorisés.
6- Une formation d'excellence tournée vers la pratique permettant aux enseignants d’adopter une pédagogie efficace et bienveillante, sachant que la majorité des nouveaux enseignants est issue d'un parcours de formation long composé d’une Licence d’Education, d’une formation professionnalisante d’une année au sein des CRMEF et d’un stage encadré en situation professionnelle d’une année.
7- Des conditions de travail améliorées pour répondre aux besoins des enseignants et renforcer davantage leur impact sur les élèves.
8- Un système de gestion de carrière incitatif et valorisant pour encourager les efforts des enseignants au profit des élèves.
9- Des établissements accueillants, bien équipés et utilisant le numérique étant donné que l'amélioration des conditions d’accueil et des équipements des établissements contribue à la motivation des élèves et des enseignants, ce qui favorise les apprentissages et atténue les risques de déperdition scolaire
10- Un directeur au leadership renforcé pour améliorer la qualité de l'établissement, car une équipe pédagogique solidaire, animée par un directeur dynamique est mieux à même de se mobiliser pour lutter contre la déperdition scolaire, assurer les apprentissages et œuvrer à l'épanouissement des élèves.
11- Un esprit de coopération entre les acteurs pour instaurer un climat de confiance et sécurité au sein de l'établissement.
12- Des activités parascolaires et sportives au service de l'épanouissement des élèves en développant chez eux des compétences transversales telles que la sociabilité, la créativité, la curiosité, le goût de l'effort, la confiance en soi, la coopération et l’aptitude à communiquer avec aisance.