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Les violonistes du Titanic – Par Mekki Benyahia
La double réaction du CCME est loin d’être anodine. Elle souligne, avec éclat, le bicéphalisme manifeste et mortifère qui est à la tête cette institution offerte, par Mohamed VI, aux Marocains du monde en 2007
Par Mekki Benyahia
Le discours royal du 20 août, pour implacable qu’il est, apostrophe, de manière sous-jacente, tous les outils institutionnels chargés des Marocains du monde. Ils sont, ces outils, nombreux dont deux fondations, un conseil et des départements gouvernementaux. En appelant à l’élaboration d’un nouveau mécanisme, capable d’accompagner de manière efficiente les mutations que ne cessent de connaitre les Marocains du monde, le Souverain fait un constat d’inefficience et assène un coup sévère à tout le paysage institutionnel concerné. Il appelle à sa mise à plat.
« Qui se sent morveux, qu’il se mouche » disait Molière. Dans la hâte, seul le CCME a réagi. Il l’a fait doublement. Par la voix de son président qui a usé de ses comptes sociaux pour saluer le discours et par un communiqué de l’institution elle-même, à la probable instigation de son secrétaire général. Cette hyperréactivité, un dimanche, outre son caractère cocasse est révélatrice d’une suspecte hypersensibilité si ce n’est qu’elle est l’expression d’une pleine conscience du CCME quant à ses failles et la faiblesse, pour ne pas dire de l’inexistence, de son bilan, dans un domaine où il a eu moyens et latitude.
La double réaction du CCME est loin d’être anodine. Elle souligne, avec éclat, le bicéphalisme manifeste et mortifère qui est à la tête cette institution offerte, par Mohamed VI, aux Marocains du monde en 2007. Et nul n’ignore la sourde guerre de tranchées que se mènent les deux principaux acteurs, nommés à la tête du CCME par dahir. Ce n’est pas une guerre de personnes qui restent affables. C’est une guerre de visions : la moderniste contre la conservatrice. La droitlhommiste contre la sécuritaire. Ces deux approches, au lieu de se compléter pour le meilleur finirent par se neutraliser mutuellement au détriment de l’action et l’efficacité de l’institution et ce au détriment des Marocains du monde.
La double réaction, loin d’être complémentaire confirme la place prise par la communication, souvent appelée à suppléer à l’inaction. Les deux réactions saluent impudemment la tonalité du discours royal. Les deux messages font fi de la sévérité du diagnostic royal comme s’ils n’étaient pas concernés par le naufrage. Comme s’ils voulaient s’extraire de l’équipage d’un bateau qui coule. En faisant, ils sont un peu à l’image des violonistes du Titanic.
Enfin, il y a dans cette réaction une dose de perversité politicienne. En invoquant l’absence de la loi organique comme une explication de l’asthénie institutionnelle, le management du CCME tente de jeter la patate, encore brûlante, dans le camp du gouvernement ou du parlement. C’est de bonne guerre. Mais c’est puéril.