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Mohammed VI : Contre le choc des civilisations, leur Alliance
Photo Archives,- Le Roi Mohammed VI lors d’une visite à Fès
Fès ! A elle seule rend compte du double sens de la rencontre de l’Alliance des Civilisations des Nations Unies. Fès l’africaine, mais pas seulement, entièrement ancrée dans son continent, berceau de l’humanité, a, entre autres, dit le Roi Mohammed VI dans un message qui souligne les dix maux capitaux du monde actuel pour aboutir à une conclusion qui ne souffre pas la contestation : ‘’’Rien ne sert de mener de grands projets si nous ne parvenons pas à dépasser ce premier maillon du vivre-ensemble, au nom d’une seule humanité qui replace l’humain en son cœur.’’
Séance de débat à ‘’l’Alliance des Civilisations des Nations Unies
‘’L’Alliance des Civilisations des Nations Unies tient, en ce jour, la 9ème édition de son forum mondial, en terre africaine. Elle donne ainsi un signal fort de continuité et d’universalité. Elle se fédère autour d’un dessein partagé : avancer vers "une alliance de la paix" et d’un objectif commun : répondre à l’impératif du "vivre-ensemble" au nom d’une "seule humanité", a tenu à souligner le Roi tout au début de ce message aux participants au 9ème Forum mondial de l'Alliance des Civilisations des Nations Unies (UNAOC), qui se tient les 22 et 23 novembre dans l’ancestrale capitale spirituelle du Royaume du Maroc.
Le foyer universitaire le plus ancien du monde
Le Souverain a poursuivi en rappelant ‘’que l’Alliance des civilisations se réunisse à Fès est une occurrence qui va de soi. Le Maroc n’a-t-il pas eu le privilège et l’honneur d’être parmi les membres fondateurs de l’Alliance ? Fès n’est-elle pas la capitale spirituelle d’un Royaume millénaire ? Son Université Al Quaraouiyine ne constitue-t-elle pas le foyer universitaire le plus ancien du monde – le lieu où savants musulmans, juifs et même un souverain pontife parachevèrent leur savoir ? Son Université Euro-méditerranéenne ne construit-elle pas, aujourd’hui, un espace de dialogue académique et interculturel entre les deux rives ? Fès est ainsi, à l’évidence, l’incarnation même d’une alliance féconde entre les civilisations’’.
Antonio Guterres, SG de l’ONU (C), Miguel Angel Moratinos Haut-représentant des Nations Unies pour l’Alliance des Civilisations (D) et Naser Bourita ministre de AE marocain (G).
L’Afrique, le berceau de l’humanité
Pour le Roi du Maroc, la réunion de ‘l’Alliance des civilisations à Fès ‘’est aussi un privilège qui va de soi. Après New York, Baku, Bali, Vienne, Doha, Rio, Istanbul et Madrid, il convenait que le forum mondial de l’Alliance des civilisations se tienne en terre africaine. L’Afrique n’est-elle pas le berceau de l’humanité, le creuset des civilisations, le réservoir de la jeunesse et la promesse de l’avenir ?
‘’Pour toutes ces raisons – et bien d’autres, a ajouté le Souverain, Nous avons tenu à ce que le lieu qui vous accueille aujourd’hui symbolise le double sens de la rencontre : autant dans son essence – incarnée par Fès que dans sa portée – reflétée par l’Afrique. Nous sommes attachés à ce que le présent forum aboutisse à des résultats concrets. Il ne peut en être autrement, au vu de l’importance du sujet et de la conscience de son urgence.
La valeur ajoutée attendue
‘’C’est cela, aussi, le sens du Message que Nous adressons à ce 9ème Forum de l’Alliance des Civilisations des Nations Unies. Il marque Notre confiance que ce rendez-vous apporte la valeur ajoutée attendue par Nous-même et par le Secrétaire Général des Nations Unies, Son Excellence Monsieur Antonio Guterres, et il témoigne de Notre détermination commune à matérialiser l’excellente coopération entre le Royaume du Maroc et les Nations Unies.’’
‘’Aujourd’hui, nous prolongeons la voie ouverte par tous ceux qui ont œuvré au rayonnement et à la pertinence de l’Alliance des Civilisations. Nous saluons, à cet égard, la détermination et l’engagement du Haut-Représentant des Nations Unies pour l’Alliance des Civilisations, M. Miguel Angel Moratinos.
‘’Les esprits vaillants qui ont conçu l’Alliance des Civilisations ont su penser un forum pour l’avenir. Nous avons, aujourd’hui, une pensée pour tous ceux, notamment en Espagne et Turquie, qui ont contribué à la pérennisation de cette organisation et à son institutionnalisation en tant que référence de compréhension, de confiance et de dialogue entre les cultures, les religions et les civilisations. Les idéaux de paix qui nous ont animés en 2004 sont ceux là-mêmes qui nous guident dans ce Forum.’’
Les dix maux capitaux du monde actuel
Le contexte actuel, a précisé le Souverain, est marqué par la recrudescence des causes qui furent à l’origine même de la création de l’Alliance des civilisations :
- Jamais notre civilisation n’a été aussi exposée, jamais le vivre-ensemble n’a été aussi menacé au quotidien ;
- Rarement l’Autre n’a été autant associé à la suspicion ou n’a été utilisé pour attiser la peur et fomenter la haine ;
- Les extrêmes saturent le débat et disqualifient les discours modérés; les religions sont trop souvent instrumentalisées, lorsqu’elles ne sont pas stigmatisées;
- Le populisme agite les sociétés, inventant des questions sans y répondre, brandissant la migration, tel un épouvantail dans les contextes d’élection et érigeant le migrant en bouc-émissaire;
- Des continents qui ont rompu avec la guerre renouent avec les armes et la violence, sous toutes ses formes;
- La Covid-19 a signé le retour du repli sur soi, alors même qu’elle aurait pu cristalliser la conscience du destin partagé;
- Alors que la planète produit suffisamment pour nourrir l’humanité entière, l’insécurité alimentaire menace le monde ;
- Le terrorisme se nourrit de séparatisme et guette là où l’instabilité politique ralentit le développement socio-économique.’’
La paix comme vision du monde a ses conditions
‘’C'est toujours le moment opportun pour parler de paix – de la paix au-delà de l’absence de conflits ; de la paix comme vision du monde ; de la paix comme rapport à l’autre. Et l’Alliance est, à cet égard, un puissant vecteur de paix’’, a insisté le Souverain précisant qu’à ‘’l’opposé des guerres – dont on connait le début, mais jamais la fin –, le dialogue est une réussite par essence. Face à la résurgence de la conflictualité, le dialogue est, toujours, une promesse positive : sinon de différends réglés, du moins d’une connaissance mutuelle renforcée.’
Appelant à ce ‘’que le dialogue porté par l’Alliance ait voix au chapitre et qu’il construise les conditions de la réussite’’, sachant que ‘’c’est du dialogue que viendra le salut’’ le Roi Mohammed Vi en a énuméré les conditions sine que non :
‘’- Que ce dialogue soit inter-civilisationnel : c’est-à-dire inclusif et soucieux de l’humanité dans toutes ses composantes, pour appréhender le monde dans sa pluralité, agir par un multilatéralisme non vertical et incarner l’universel au sens premier ;
- Que ce dialogue soit intergénérationnel : c’est-à-dire qu’il associe la jeunesse et conjugue le futur au présent. Les jeunes ne représentent pas seulement les générations que nous devons préserver du fléau de la guerre et des discours de la haine ; elles sont celles qui, d’ores et déjà, font la paix ;
- Que ce dialogue soit intercontinental : c’est-à-dire non ethnocentrique. Je puis parler de l’Afrique et pour l’Afrique, de la place qui lui revient légitimement et non dans une arrière-cour ; du traitement auquel elle a droit : ni assistée ni laissée pour compte ; qu’elle ait les partenaires qu’elle mérite et qui la méritent et qu’elle soit considérée pour ce qu’elle est : c’est-à-dire le poumon démographique du monde et son réservoir économique, avec ses espoirs et ses atouts.’’
Les valeurs de l’Alliance sont aussi les valeurs du Maroc
Membre fondateur de l’Alliance des civilisations, le Royaume du Maroc a été de tous les combats de l’organisation, a rappelé le Souverain :
- D’abord, pour des raisons consubstantielles à son identité : le Maroc est structuré autour d’un modèle d’ouverture, d’harmonie et de synergie qui a vu converger les composantes arabo-islamique, amazighe et saharo-hassanie, et qui, simultanément, s’est enrichi des affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen.
- Et aussi pour des raisons inhérentes à ses engagements : les valeurs de l’Alliance, les idéaux qu’elle porte et le paradigme qu’elle promeut sont aussi les valeurs du Maroc, ses idéaux et son paradigme.
Dès l’origine, le Maroc s’est engagé dans cette avant-garde et s’y est maintenu avec constance :
Premièrement, il s’est engagé en promouvant l’ouverture comme une culture de la paix :
- Notre Grand-Père, Feu Sa Majesté le Roi Mohammed V, a protégé les compatriotes de confession juive face à la barbarie nazie et aux pratiques brutales et ségrégatives du régime de Vichy ;
- Notre père, Feu Sa Majesté le Roi Hassan II, a cultivé au cours de Son Règne, l’esprit de fraternité entre juifs et musulmans du Maroc, partout dans le monde ;
- Depuis plus de deux décennies, Nous veillons, Personnellement, à valoriser et sauvegarder le patrimoine juif marocain et à cultiver cet esprit de communion sincère entre juifs et musulmans, en terre d’Islam ; ce lien fait la singularité du Maroc.
- Et, avec une constance irréfragable, Nous faisons, au Royaume du Maroc, le choix sans cesse renouvelé de demeurer une terre de tolérance, de coexistence et d’ouverture.’’
Contrecarrer le radicalisme, une vocation
‘’Le Maroc s’est engagé, en vivant la religion comme un instrument de paix’’ a indiqué le Roi qui ‘’en tant que Commandeur des croyants – de tous les Croyants’’, se porte ‘’garant du libre exercice des cultes partout au Royaume du Maroc.’’
‘’Nous considérons que la religion doit être un rempart contre l’extrémisme et non son prétexte, a-t-il précisé, et Nous prônons cette conviction, partout, à travers la diplomatie cultuelle du Royaume. La Fondation Mohammed VI des Oulémas Africains et l’Institut Mohammed VI pour la formation des Imams Mourchidines et Mourchidates ont vocation à contrecarrer le radicalisme qui sévit aux portes de l’Afrique et à promouvoir un Islam de la modération, du juste milieu.
‘’- Conscient de ce rôle, le Maroc a fait adopter à l’Assemblée Générale des Nations Unies, la résolution A/73/328 sur la "Lutte contre le discours de la haine : promotion du dialogue interreligieux, interculturel et de la tolérance". Coparrainé par 90 pays, cette résolution met en exergue le Plan d’Action de Fès sur la lutte contre le discours de la haine et la promotion du dialogue inter-religieux.
- Nous avons accueilli au Maroc Sa Sainteté le Pape François, à l’occasion d’une visite historique au cours de laquelle Nous avons souligné l’importance de voir les trois religions abrahamiques "s’ouvrir l’une à l’autre", dans le respect de l’altérité et la connaissance de l’autre.
- Avec le Pape François, Nous avons signé l’Appel d’Al Qods, qui plaide pour la préservation de la Ville Sainte comme lieu de rencontre des fidèles des trois religions monothéistes et symbole de coexistence pacifique, de dialogue et de respect mutuel.
Au troisième titre de ce rappel, le Roi Mohammed VI a souligné que ‘’le Maroc s’est engagé, en œuvrant pour le développement, au sens large, en tant que pilier de la paix, précisant que :
‘’- Le Maroc est un allié essentiel dans la lutte contre le terrorisme ; un partenaire fiable pour la lutte contre les changements climatiques ; un acteur responsable de la gestion de la migration ;
- Le Maroc est impliqué dans tous les domaines d’actions de l’Alliance – qu’il s’agisse du renforcement du multilatéralisme, de la valorisation et la responsabilisation de la jeunesse ou de l’autonomisation des femmes et la mise en exergue de leur rôle en tant qu’actrices de la paix et de la sécurité.
Dans toutes les langues, nous devons parler à la paix
‘’La politique parle aux citoyens, la religion parle à leurs âmes, le dialogue parle à leurs civilisations’’ a résumé le Souverain pour mieux dire que ‘’dans toutes les langues, nous devons parler à la paix. Cette injonction émane du regard des générations passées et des générations futures.
‘’Dans ce moment si particulier de l’Histoire, alors que nous luttons contre le changement climatique, que nous combattons le terrorisme, que nous œuvrons en faveur du développement durable, de la sécurité hydrique, énergétique et alimentaire, du développement de manière générale, il nous faut revenir à l’essentiel, c’est-à-dire le vivre-ensemble.
‘’Rien ne sert de mener de grands projets si nous ne parvenons pas à dépasser ce premier maillon du vivre-ensemble, au nom d’une seule humanité qui replace l’humain en son cœur’’.