Pandémie : L’intelligence artificielle sur le front

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Le champ de la lutte contre la pandémie actuelle est investi par toutes sortes d'acteurs (industrie pharmaceutique, centre de recherche publics et privés....). Il faut peut-être même parler d’un secteur surinvesti- le "trop plein"... C'est que les enjeux sont immenses, les uns d'ordre sanitaire, d'autres financiers. Mais dans ce large spectre, il y a un acteur à nul autre pareil qui est mobilisé : celui de l’intelligence artificielle (IA). 

D'une certaine manière la COVID-19 et l’IA étaient pratiquement faits pour se rencontrer : le virus s’est répandu en effet de manière imprévue sur la planète tandis que l’IA, elle, s’est diffusée aussi dans le monde par suite de ses succès (reconnaissance d'image, jeux, traduction automatique, reconnaissance de la parole, conduite sans pilote…). Rien de plus naturel donc qu'elle cherche à se faire une place dans le front de lutte contre la pandémie. 

Ces derniers mois, c'est le bouillonnement du côté des chercheurs et des contre de l'IA : quelque 600 articles couvrant de nombreux domaines identifiés, une quarantaine de références, des dizaines d'études depuis mars dernier. L'IA a élargi ses recherches à tous les versants de ce virus: biochimie, diagnostic aux rayons X des poumons, prédiction de pronostic,, prévision de l'épidémie ... Des sites spécialisés (Covidsholar.org et Scite.ai) ont été ouverts pour aider à expliquer et à vulgariser les flux d'informations données et produites par tant d'algorithmes trop sophistiqués et partant peu lisibles.

Mais sur quel matériau travaille donc l'IA ? Tout, ou presque : des textes bien sûr, des gènes aussi, des protéines, des radios, des chiffres... De quoi nourrir des algorithmes et leur permettre ainsi d'ajuster progressivement leurs paramètres ? Mais dans tout cela, c'est par l'image que l'IA s'est mise en ordre de bataille contre la COVID-19. Au premier rang – il s'agit de faire le diagnostic automatique sur la base des radios des poumons ; plus encore : établir autant que faire se peut la sévérité ou non de la pandémie et aider ainsi à orienter les patients.

 Pareille technique a déjà fait ses preuves dans le diagnostic de la rétinopathie ou du cancer du sein. Des tests probants ont déjà été obtenus ; il reste encore à les valider à une grande échelle. Un centre spécialisé américain, Deep Mind - filiale d'Alphabet du groupe Google - a mis au moins un algorithme particulièrement innovant ; il permet la prédiction de la structure spatiale d'une protéine sur la base de sa séquence génétique. La même équipe a publié voici plus de trois mois la structure tridimensionnelle de six protéines -clés de la COVID-19. Ces travaux se poursuivent qui vont affiner l'appréhension fléchée de l’action du virus et partant y apporter le remède approprié.

Les spécialistes de l'IA prennent également en compte d'autres périmètres. Ils ont ainsi trouvé des molécules déjà connues pouvant être efficaces contre le virus ; une thérapie encourageante dans des traitements proposés par des médecins. De nouvelles molécules ont été également proposées par d'autres équipes ; il reste à les tester au plan clinique. L'IA, avec son apprentissage machine en constante évolution, enregistre par ailleurs des avancées dans la prédiction, alors que les situations étudiées sont d'une grande variété et que le patient a des dizaines de paramètres cliniques et biologiques. Voici un mois, dans la revue Nature Machine Intelligence du 14 mai, des chercheurs chinois ont réussi à distinguer trois biomarqueurs sanguins dont l'association prédit le décès dix jours à l'avance avec une marge d'erreur de 10 % seulement.

Cela dit, l'IA n'est pas - encore ? - consensuelle dans le monde médical : tant s'en faut. Il lui est fait grief de "l'immaturité opérationnelle ", référence étant faite ici à ses limites objectives. Pour autant l'IA progresse, se développe ; elle est désormais partie prenante dans la recherche médicale. Ainsi, des banques de données se multiplient dans les grands centres hospitaliers. Des tableaux de bord sont dressés ; des dizaines de projets sont élaborés pour aider à identifier des profils, déterminer des facteurs de risque et évaluer des thérapeutiques. 

Le reproche d'opportunisme fait aux chercheurs désireux et prompts à mettre en avant et à appliquer leur savoir-faire n'est pas à écarter. La publication de valeurs de performance par les uns et les autres, sur la valeur de chiffres, n'est pas jugée suffisante : celles-ci sont-elles transparentes ? Leurs corrélations sont-elles significatives ? Les bonnes questions sont-elles posées ? Et les spécialistes ne doivent-ils pas être associés dès le début ? Ce qui ramène à cette interrogation : celle centrale des données servant aux algorithmes. Celles-ci manquent ; elles ne sont pas disponibles ni accessibles - on l'a vu avec la Chine qui a verrouillé l'accès des spécialistes étrangers. Le partage est donc laborieux pour des raisons politiques et diplomatiques. Financières et économiques aussi...

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