Politique
Une dame dans le sérail
J??tais encore au lit lorsque Malika Malek m?appela ce mercredi matin pour m?annoncer la mauvaise nouvelle, le d?c?s de Zoulikha Nasri. Cela faisait longtemps que je ne l?avais pas crois?e et ce qui me revint imm?diatement ? l?esprit, c?est son sourire. Et ce petit quelque chose de particulier qu?il avait et qui en faisait le charme, indiquait une douceur et marquait en m?me temps son ascendant. Il semble qu?elle ?tait autoritaire, qui ne le serait pas pour mener ? bien les missions qui lui ?taient confi?es par un roi exigeant?? Mais c??tait une autorit? naturelle, l? o? d?autres l?auraient d?clin?e hautaine. Zoulikha Nasri, une battante et une combattante. Cette Oujdie qui a fait ses ?tudes secondaires dans le chef lieu de l?Oriental, a eu sa licence en 1964, une ?poque o? le must des dipl?mes pour la plupart des hommes ?tait le bac. Elle aurait pu s?arr?ter l? et entamer sa carri?re ? une date o? son dipl?me la pr?disposait ? des ?chelles sup?rieures dans l?administration publique. Tr?s peu pour elle. Sa licence en droit en poche, elle encha?ne avec un dipl?me de l'?cole nationale d'administration (option Finances et Economie) qui la qualifia au service des assurances au minist?re des finances. Elle est cadre quand la quasi- totalit? des femmes plafonnait dans les secr?tariats des chefs de division. Le dipl?me que Zoulikha Nasri obtint par la suite d?voile toute sa personnalit??: quand on s?adonne ? quelque chose autant s?y adonner compl?tement. A Lyon, en France, elle d?croche un dipl?me d'?tudes sup?rieures sp?cialis?es en assurances ? l'institut des assurances de Lyon de l'universit? Jean Moulin, puis d?un doctorat d'Etat en droit priv?. Sa th?se a port? sur le droit des assurances.
La voil? assur?e et enfin rassur?e. Elle peut d?sormais regarder l?avenir avec l?assurance d?un homme s?r de ce qu?il a dans sa t?te. La formule est misogyne, mais le Maroc l?est, hier comme aujourd?hui. Si bien que quand elle prend la t?te de la direction des assurances en 1994, on pouvait croire qu?elle avait atteint le fa?te de sa carri?re. Est-ce la chance qui s?en m?le ou la conjoncture?? Sans doute les deux, mais c?est surtout sa biographie et sa personnalit? qui expliquent r?ellement ce qu?elle va advenir et faire sortir son nom de l?anonymat des bureaux administratifs. On est en 1997. Hassan II pr?pare r?solument l?alternance qui n?aurait aucun sens si cette opposition de toujours, les socialistes de l?USFP, n?entrait pas au gouvernement. Mais elle reste dans la salle des expectantes et peine ? accoucher. Hassan II multiplie les gestes, ouvre le Maroc et les prisons et d?cide de donner un coup de fra?cheur f?minine au gouvernement. Pour la premi?re fois dans l?histoire du Maroc quatre secr?taires d?Etat femmes vont y faire leur entr?e. Aziza Bennani ? la culture, Amina Benkhadra aux mines, Nawal Moutaouakil ? la jeunesse et aux sports et Zoulikha Nasri aux affaires sociales o? elle prend en charge l?entraide nationale. Une pr?destination. Quelques mois plus tard, en mars1998, arrive enfin le gouvernement de l?alternance qui y installe ses propres femmes. Elle quitte le gouvernement, mais pour mieux. Moins d?un mois apr?s, Hassan II la nomme charg?e de mission au cabinet royal. Une r?volution que son successeur, Mohammed VI, va approfondir en en faisant sa conseill?re plein galons. C?est sans attendre une dame dans le s?rail qui en impose. Et fait de la fondation Mohammed V pour la solidarit? le b?b? d?une vie qu?elle a d?di?e ? la chose publique dont elle a fait son compagnon.