Politique
Alternance consensuelle : 20 ans après
Il n'y avait plus aucune possibilité de débat au sein du parti, le "Zaim" réclamait un blanc-seing parce qu'il avait juré sur le coran. Toute contestation était étouffée. Le résultat c'est qu'en 1997 l'USFP était le premier parti, sa jeunesse comptait des dizaines de milliers d'adhérents, la presse était florissante et qu'en 2002, Ce n'était plus qu'une carcasse vide.
Mohamed Achaari et Ali Noyais veulent organiser un débat autour de l'alternance consensuelle. Ils étaient pour, j'étais contre et j'avais exprimé mes craintes que l'USFP, sombre, avant de me résigner. Aujourd'hui, il n'est plus question de refaire le monde avec des si, les sociétés n'étant pas des laboratoires.
L'alternance consensuelle à quelques points positifs, C'est vrai qu’elle a permis quelques avancées, bien timides au niveau des droits, et facilité la transition monarchique. Mais elle a été tragique pour la construction démocratique, surtout qu'elle s'est caractérisée par la nomination de Driss Jettou en 2002, que j'avais appréhendée comme la "fin de la politique".
La première des erreurs, sans personnaliser le débat, c'est qu'il n'y a jamais eu de compromis, mais une véritable soumission aux règles du Makhzen. Même dans leurs plus petits détails, même les plus petites réformes devaient passer par les fourches du pouvoir. Lors un dîner organisé par le syndicat de la presse, alors que feu Larbi Messari racontait ses déboires, c'est Achaari qui a pris la parole pour dire "nous retournerons en fonction du consensus", comprenez de l'accord avez l'État profond, personnifié par Driss Basri. La messe était dite. Saadi sera lâché, pour son plan d'intégration de la femme de manière honteuse.
Nous avons oublié l'essentiel : le mouvement des masses. Ce genre de compromis historique ne peut être positif que s'il est évolutif, non pas par la fameuse confiance, mais en se basant sur les luttes populaires et les revendications pour amener le consensus à un niveau plus élevé. C'est exactement le contraire qui s'est produit. L'USFP s'est coupé du mouvement des masses, s'est jumelé avec le "Makhzen", par le discours mais aussi par les actes. Il n'y avait plus aucune possibilité de débat au sein du parti, le "Zaim" réclamait un blanc-seing parce qu'il avait juré sur le coran. Toute contestation était étouffée. Le résultat c'est qu'en 1997 l'USFP était le premier parti, sa jeunesse comptait des dizaines de milliers d'adhérents, la presse était florissante et qu'en 2002, Ce n'était plus qu'une carcasse vide. Il n'y a pas eu un seul meeting populaire pour expliquer l'action gouvernementale.
Le mépris du peuple est allé plus loin, la primature ne ressentait même pas le besoin de communiquer sur l'action du gouvernement, le premier ministre humiliait la presse nationale (il m'avait donné rendez-vous pour une interview, qu'il n'a pas annulé, pour donner à la même heure une conférence de presse à des marocains exerçant en France, Miftah et Amina Benyach sont témoins), les syndicalistes et le groupe Saadi sont partis, restent les apparatchiks. Au nom de la continuité des réformes les mêmes personnes restaient ministres. Le confort matériel des "Rbatis" prenait le pas sur le sang des martyrs.
Après la nomination de Jettou, Youssoufi a développé la théorie de "la renonciation à la démarche démocratique". Trop tard, les apparatchiks qui n'ont jamais cru dans la lutte préfèrent les ministères. Il négocie les postes puis va à Bruxelles se plaindre. L'USFP était un cocu consentant, la démission de Abderrahmane un an après n'était rien d'autre que le constat de l'échec d'un compromis sans principes. Continuer de dire "on a sacrifié le parti pour la nation" est un gros mensonge, la résilience de ce pays ne dépend pas de la participation gouvernementale. Nous avons méprisé la volonté du peuple, il nous a définitivement vomis. C'est cela la vérité. C'est désormais irréversible ". Il ne faut pas souper avec le diable, même avec une grande louche", surtout si on se coupe du peuple, de son aspiration à l'égalité, à la liberté, à la dignité.