Politique
Maroc –Espagne : Des divergences à régler à l’amiable
C’est une tradition et Mme Arancha González Laya n’y a pas dérogé. La toute nouvelle ministre espagnole des Affaires étrangères, de l'UE et de la Coopération, a réservé sa première visite à l’étranger, elle-même a tenu à le souligner, au Maroc.
Cette visite intervenant toutefois après l’adoption par la Chambre des représentants du projet de loi instituant la zone économique exclusive à 200 milles marins au large des côtes marocaines, on craignait à Rabat, comme on espérait à Alger, qu’elle soit marquée du sceau de la tension récurrente qui ponctue épisodiquement les relations entre les deux pays. Ces craintes étaient d’autant plus justifiées que depuis que Rabat a annoncé sa décision, on a assisté à une levée de boucliers dans des milieux politiques et médiatiques espagnols hostiles à ce droit irréfragable.
Il était important pour le Maroc de procéder à cette extension. D’autant plus que la dernière délimitation de la zone économique exclusive, comme l’a rappelé le ministre marocain des Affaires étrangère, Nasser Bourita, s’arrêtait à Tarfaya avant la Marche Verte.
Mais les questions des frontières, quelle que soit leur nature, sont par définition toujours des plus sensibles dans les rapports entre les pays, les plus promptes à déclencher les passions. Elles le sont encore plus quand elles se rapportent au Maroc et l’Espagne. De par la nature complexe de leurs relations, des braises couvent toujours sous les cendres, entretenues par l’occupation des villes occupées de Sebta et Mellilia, du Rocher de Leila, des Iles jaafariennes ou encore par la proximité des Iles Canaries avec les cotes marocaine. Dans ce contexte, la décision marocaine sa zone économique exclusive avait bien des chances d’apparaitre comme risquée.
Il n’en est rien. Rétrospectivement, on peut même avancer qu’elle a été murement réfléchie et soigneusement préparée. Les relations "profondes et stratégiques" liant les deux pays voisins ont prévalu sur toute autre considération et la visite de la cheffe de diplomatie espagnole s’est déroulée sous les meilleurs auspices possibles. Puisant leurs termes dans les subtilités diplomatiques consacrées, les deux homologues ont insisté sur les « l’excellence des relations entre l’Espagne et le Maroc », constaté leur convergence « sur différents sujets » et exprimé, pour finir, leur « souhait de doter les relations bilatérales d’une ambition plus forte ».
Mme Arancha González Laya a tenu, ce qui n’est certainement pas juste une clause de style, à souligner que "le Maroc est une zone de stabilité dans une région instable", se félicitant au passage « des réformes lancées par le Royaume dans différents domaines. » Lesdeux parties ont également mis en exergue leur collaboration dans « la lutte contre le terrorisme, la criminalité transnationale et l'immigration illégale. »
Au même niveau de compréhension mutuelle on retrouve la question du Sahara. L’alliance du PSOE qui dirige le gouvernement avec le PODEMOS qui ne cache pas ses sympathies pour les thèses du régime algérien, était perçue comme de nature à influer sur la position de L’Espagne. Sur ce point, Mme Arancha González Laya a levé toute équivoque : La position de l’Espagne sur la question du Sahara est "une position d’Etat qui n’est pas tributaire des changements de gouvernements ou de coalitions".
Pour autant peut-on considérer que la question de l’extension du domaine maritime marocain est une affaire pliée ? Ce serait aller un peu trop vite en besogne. La cheffe de la diplomatie espagnole a bien reconnu au Maroc le droit de délimiter son espace maritime selon le droit international dans le respect des dispositions de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer. Elle a en même temps souligné que le Maroc « a réitéré son engagement à ne pas imposer un quelconque fait accompli ni des mesures unilatérales, relevant que les deux pays vont travailler dans ce sens.»
De son côté, le ministre marocain des Affaires étrangères a précisé que l'établissement de la compétence juridique du Royaume sur l'ensemble de son domaine maritime est un droit de souveraineté garanti par les législations internationales et par le droit international, rappelant que l'Espagne "avait pris les mêmes mesures en 2010, y compris pour la région des Iles Canaries, sans demander la permission du Maroc, de même que le Royaume n'a pas demandé de permission. Et cela s'inscrit dans leur droit."
En termes moins enveloppés, des questions sont restées en suspens. Ce qui a donné lieu à un dialogue entre les deux ministres en dentelles de soie, mais suffisamment explicite pour ne laisser aucun espace possible à la mauvaise ou fausse interprétation. Madrid assure que le « Maroc a réitéré son engagement à ne pas imposer un quelconque fait accompli ni des mesures unilatérales » et Rabat répond que de la même manière qu’il rejette « le fait que les autres lui imposent leur volonté, et s'abstient d'imposer la sienne aux autres".
Et comme tout et bien qui finit bien, les deux capitales ont insisté sur le « principe du dialogue pour résoudre tout chevauchement de leurs domaines maritimes respectifs […et] l’attachement des leurs pays au droit de la mer et leur rejet de toute mesure unilatérale. »