Politique
PJD : Le tour de passe-passe de la direction
Réunion du Secrétariat général du PJD
Depuis que le PJD s’est engagé dans la bataille du quotient électoral, une question ne cesse de tarauder ses bases : Quelle perspective pour cette bataille et quel en est le plafond ?
Pour y répondre, notons d’abord que la direction actuelle a placé haut la barre dans la lutte contre le nouveau quotient électoral qu’elle considère comme le signe d’une régression démocratique et une entorse à l’un des fondamentaux constitutionnels, en l’occurrence l’option démocratique. Dans un communiqué, elle est allée jusqu’à jeter la balle dans le camp du Conseil national l’invitant à prendre les décisions politiques et constitutionnelles qui s’imposent à ce sujet.
Notons ensuite que, sur le plan pratique, elle est restée attachée à l’option juridique et institutionnelle en présentant un recours contestant la constitutionnalité de la loi organique relative aux élections, sans se donner la peine de réfléchir à une riposte politique, ne serait-ce qu’à titre de parade.
Notons enfin la conduite de la direction dans la gestion de ce dossier où elle s’est intensément investie au niveau de l’encadrement interne, tout en essayant d’empêcher le Conseil national de livrer une quelconque réponse politique pouvant aller, même par allusion, dans le sens du boycott de l’opération électorale. En parallèle, elle s’est livrée à une action pédagogique systématique pour rassurer les bases du parti, leur faisant croire que la Cour constitutionnelle finira par rejeter le quotient électoral et fera prévaloir l’option démocratique.
Cependant qu’Un autre discours, produit par certains dirigeants du parti, évoquait la possibilité de venir en tête du scrutin en dépit du nouveau quotient électoral.
Ce sont ces quatre opérations, déclinées chronologiquement sur plus de deux mois, que le dernier communiqué du Secrétariat général a tenté de résumer et d’en concilier les paradoxes. Le parti considère ainsi le quotient électoral comme une atteinte grave au processus démocratique et prévient contre ses répercussions sur la praxis politique, en ce qu’il affaiblit les institutions et aggrave l’abstention électorale. En même temps, le parti se dit respecter la décision des institutions et ne saurait de ce fait être une source de perturbation de la stabilité politique, sachant qu’il ne prévoit dans son agenda aucune réponse politique hormis la participation qui pourrait, selon lui, receler bien des surprises. Et au bout de cette logique, le résultat des élections appartiendrait en définitive au degré de préparation des bases du parti auxquelles incombe la responsabilité de déjouer par leur mobilisation les desseins qui se dissimulent derrière le quotient électoral.
Ce communiqué a fait l’impasse, alors qu’il ne devrait pas, sur un point de vue assez curieux attribué à un membre du Secrétariat général, selon lequel le parti devrait réduire le nombre de circonscription à pourvoir aux élections pour éviter de se retrouver en confrontation avec «la volonté de l’Etat». Pour curieux qu’il soit, ce point de vue éclaire sur la nature du débat au sein de la direction du parti et des enjeux prioritaires à ses yeux.
Ces positions peuvent paraître divergentes ou répondant à divers défis. Il n’en est rien, et s’il en est ainsi c’est parce que la direction était davantage préoccupée par les luttes internes que par la bataille du quotient électoral. Le communiqué du Secrétariat général a volontairement pris une forme syncrétique pour brouiller les pistes du fait qu’il est intervenu à la suite de la décision de la Cour constitutionnelle qui a signé l’échec de son approche.
La preuve en est que le Secrétariat général a fait à la fois la chose et son contraire. Il a jeté la balle dans le camp du Conseil national, puis il s’est rué après pour la récupérer à son champ de compétence. Et au moment où le parti a été secoué par la démission du numéro deux du parti, ainsi que par le gel par Abdalilah Benkirane de son adhésion suite à l’adoption en Conseil de gouvernement du projet de loi sur l’utilisation du cannabis à des fins médicales et thérapeutiques, la priorité était l’apaisement des bases. La bataille du quotient électoral s’en est trouvée réduite à l’outil de cet objectif devenu prioritaire. Il faut dire que dans cette perspective, le communiqué qui jeté la balle dans le camp du Conseil national était plutôt une tactique assez astucieuse. Mais dès lors que le Conseil national s’est attelé à résoudre la crise interne à travers le rejet de la démission d’El Azami et la création d’une cellule de contact avec Abdalilah Benkirane, la direction s’est empressée au sein du Conseil national à bloquer toute tentative de prioriser la réponse politique au quotient électoral, considérant que la participation politique du parti à l’opération électorale était une ligne rouge.
Si bien qu’au moment où la Cour constitutionnelle a rendu son verdict, révélant par là-même l’échec de la voie juridique et institutionnelle suivie par la direction, le communiqué du Secrétariat général est venu une nouvelle fois trancher le débat. Il a dans ce sens précisé dans son dernier paragraphe que le parti participera aux élections et que s’il y a un échec, il ne serait pas dans l’incapacité de la direction à produire une réponse politique à la mesure du défi du quotient électoral, mais celui des bases. Cette approche considère qu’il est possible de venir en tête des élections malgré le nouveau quotient électoral pour peu que les militants se mobilisent et démontrent leur disponibilité et leur préparation. L’échec est de cette manière d’emblée imputé aux militants dans les bases du parti.
Au bout du compte, on s’aperçoit il n’y a aucune différence entre l’option de la réduction de la couverture des circonscriptions et le résultat auquel a abouti la gestion de la bataille du quotient électoral par la direction. La seule nuance est que la première option supposait un travail pédagogique en toute transparence, tandis que la seconde a amené la direction à se faire illusionniste pour déboucher finalement sur la première option, tout en en faisant endosser la responsabilité aux bases.