Saïda Aït Bouali et Khalid Aït Taleb : Derrière le dur face-à-face, des êtres et des cheminements (Par Naïm Kamal)

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Saïda Aït Bouali et Khalid Aït Taleb, la députée et le ministre : les questions et les réponses de l’impuissance face à la pandémie

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Deux Aït face-à-face. Tous deux issus de ce désormais proche sud marocain depuis que la Roi Mohammed VI a attiré l’attention sur la véritable géographie du Royaume suite à la récupération de Sahara. Aït Bouali et Aït Taleb. L’une, Saïda, est de Marrakech ; l’autre, Khalid, de la région d’Agadir. L’une est députée, l’autre ministre. Ils ont peut-être en commun les chaines de l’Atlas, mais leurs tempéraments sont diamétralement opposés. L’une est visiblement aussi bouillonnante qu’une eau dans une coquette-minute chauffée à blanc. L’autre apparemment aussi froid qu’une bouteille d’eau à peine sortie d’un congélateur.

Pour s’en rendre compte, il suffit de regarder la vidéo qui tourne en boucle sur les réseaux sociaux, qui montre Saïda Aït Bouali, présidente de la Commission des secteurs sociaux à la Chambre des représentants, chargeant à la baïonnette le ministère de la Santé, avec l’élégance de ne jamais s’en prendre au ministre personnellement. Lui, derrière son masque, dont on ne voyait que des yeux à peine décryptables, affichait une impassibilité d’Indien sioux tel que décrit par les films d’Américains blancs. Stoïque il l’était, sans doute, et ce n’est peut-être qu’une impression, mais on le sentait tout de même un peu abattu. A l’ordre du jour, le Covid-19 en général et, dans le bouche de Saïda Aït Bouali, la situation hospitalière à Marrakech en particulier.

Devant l’ancien chef de service de chirurgie viscérale au CHU de Fès, la présidente de la Commission des secteurs publics qui a la politique dans les tripes décharge toute sa bile remuée par le triste spectacle des patients Covid dans les hôpitaux de Marrakech. La rousse députée à l’accent fortement estampillé made in Marrakech assène coup sur coup des vérités qui font mal et des témoignages douloureux. Et à entendre ce qu’elle décrit on est pris de peur, presque de panique.

Le militantisme et l’Istiqlal auquel elle a toujours appartenu, Saïda Aït Bouali les a reçus en héritage à travers le cordon ombilical et quand on le lui a coupé à la naissance, elle en a gardé la sève entière. On raconte, mais ce n’est surement qu’une légende, qu’au lieu de pousser le cri des nouveaux nés, elle aurait scandé « Za’imouna siyassi, Allal El Fassi », cri de ralliement des istiqlaliens pendant le protectorat en hommage au fondateur de l’Istiqlal. Depuis, elle a été scout, elle a été jeunesse scolaire, elle a été jeunesse istiqlalienne, elle a été Union Générale des Etudiant du Maroc, elle a été syndicaliste à l’UGTM, elle a été responsable de section, elle est membre du conseil national et du comité central, elle est membre du comité exécutif, elle est élue communale et parlementaire. La politique chez elle c’est une passion et elle, une passionnée. Si un jour le parti de Nizar Baraka se décidait à avoir sa Marianne, il devrait prendre son effigie pour modèle. 

Un couronnement qui n’a pas encore fait ses preuves

En face, l’homme qui encaisse ce jour-là sans brancher était inconnu du grand public jusqu’à sa nomination ministre de la Santé. Lui aussi, d’une certaine manière, il a choppé le virus de la médecine dans le cluster familial, son père ayant été infirmier major à l’Hopital Avicenne de Rabat où Aït Taleb fils a fait ses premières armes de médecin. Plus tard, à la suite de la création de la faculté de médecine de Fès, il y va dans le sillage du professeur Abdelaziz Maaouni, nommé doyen de la nouvelle faculté, ce qui ouvre à l’actuel ministre les voies de l’agrégation. 

Ce département ne lui est donc pas étranger.

Professeur de médecine, pendant 10 ans patron du CHU de Fès, président de l’Alliance des CHU du Maroc depuis 2016, il a assuré, juste avant d’en prendre la tête, le secrétariat général du ministère. Ministre, c’est le couronnement d’une longue carrière au service de là où il était encore en octobre 2019, à 54 ans, quand nombre de ses pairs n’avaient pas hésité à se convertir au privé pour mieux gagner leur vie et mieux la vivre.

Lorsqu’il arrive à la tête du ministère, la situation n’est pas des plus reluisantes. Plus de 1.000 médecins du secteur public venaient de démissionner en masse réclamant de meilleurs salaires, avantages sociaux et conditions de travail. La Santé, autant que l’Education nationale, est l’un des maillons faibles du Maroc. Il n’y a pas deux Marocains pour dire du bien de ce secteur, et certainement pas le premier d’entre eux, le Roi Mohammed VI qui a pointé dans tous ses derniers discours l’essoufflement et les flagrantes carences du modèle de développement du Maroc.

Pour autant on ne peut pas croire qu’il ait reçu la nouvelle de sa nomination au gouvernement comme un châtiment ni non plus comme une sinécure. Mais certainement comme le couronnement d’une carrière et un challenge qui devraient lui permettre de confirmer sa réputation de bon gestionnaire et donner toute le mesure de ce qu’il sait faire. Ce qu’on attend toujours. Il était alors loin, ce mercredi 9 octobre 2019, de se douter que quatre mois plus tard il allait plonger dans le trou noir d’une pandémie comme l’humanité n’en avait pas vue depuis la grippe espagnole de 1918. Et se retrouver dans le tumulte de la suspicion des marchés de gré-à-gré confiés, par décision gouvernementale, au bon gré d’un département où les conflits d’intérêts sont monnaie courante. Il n’y a pas de fumée sans feu ? Sans doute. Et on peut subodorer que quelque part il y a des anguilles sous roches. Faut-il le rappeler, mais l’une des forces de cette pandémie est qu’elle a jeté une lumière crue sur ce que l’on savait ou pressentait : l’univers sanitaire est une confluence opaque de connivences où les rapports entre les personnels de santé et le Big pharma ne sont pas des plus clean. Mais nul n’a le droit de préjuger de l’intégrité de ce ministre, ni d’aucune autre personne, sans autre forme de preuves que les on dit ou le jeter en pâture à la vindicte ignorante comme l’a fait une certaine Mayssa Salama dans une vidéo qui ressemble bien à un interrogatoire par contumace dans un tribunal populaire sans juges ni avocats. C’est une question d’équité et d’éthique et de salubrité politique. 

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