chroniques
Ces balcons où l’on croise des lumières et l’on voit loin
Quasi concomitamment, deux évènements se rapportant à la pensée, à la prospective et à la réflexion ont réunis des intervenants de haut vol pour débattre, à un étage intellectuel pas forcément à la portée de tous, des choses et des horizons qui façonneront ou façonnent déjà notre condition.
L’un, Atlantic Dialogues, a réuni à Marrakech une pléiade de penseurs et d’acteurs socio-politico-économiques des cinq (six ?) continents, encore actifs ou pour certains « hors service » mais qui ne continuent pas moins de réfléchir aux questions qui tourmentent le monde et préoccupent des pays comme le Maroc. Atlantic Dialogues organisé par le Think tank marocain Policy center for the New South en est à sa huitième édition et a pris désormais une dimension internationale incontestable qui en fait un rendez-vous annuel incontournable pour ses habitués aussi bien que pour ses nouveaux adeptes. Pour cette édition, son président, Karim El Aynaoui précise que "dans un contexte particulier et complexe marqué par la montée des incertitudes sur les plans économique, politique, sécuritaire et géostratégique, il est devenu impératif de formuler des réponses urgentes et des solutions efficaces pour faire face ensemble aux grands défis communs". Et d’ajouter : « aujourd'hui, ce n'est plus le Sud qui est dans la tourmente, mais plutôt le monde entier. Cette édition permettra de jeter la lumière sur la capacité du Sud d'agir face aux changements et mutations drastiques que connaît le monde".
Sur la route de la soie
L’autre, à quelque trois cents bornes plus au Nord-Ouest, se tenait la 46ème session de l’Académie du Royaume, avec juste un petit intermède, le temps d’abriter, dans cet âtre discret de Rabat qui se prête à la méditation, la réunion inaugurale de la Commission Spéciale sur le Modèle de Développement récemment désignée par le Roi Mohammed VI. Son Secrétaire perpétuel de l’Académie, Abdejlil Lahjomri, a placé cette fois-ci la session sur la route de la soie, « dans le cadre de sa vision d’exploration de diverses zones du monde et dans le but de favoriser un dialogue enrichissant et constructif basé sur l’échange d’expériences à travers la contribution de personnalités éminentes.» Il lui a fixé pour thème " l’ASIE comme horizon de pensée - Expériences de modernisation et de développement" à travers 3 séquences la Chine, l’Inde et le Japon ». Il faut signaler, ça le mérite, que dès sa nomination en Mai 2015, Abdejlil Lahjomri a mis l’Académie du Royaume sur les chapeaux de roues. Depuis il n’a pas décéléré, multipliant les thèmes et les rencontres, de l’Afrique à l’Asie, de l’économie à la philharmonie, de Abdelkébir Khatibi à Haïm Zafrani, d’Eugène de Lacroix aux Trésors de l’Islam en Afrique… Si bien qu’il devient intenable de le suivre.
L’Académie comme le Policy Center sont aujourd’hui à la tête d’une impressionnante production d’idées et d’ouvrages. Depuis que l’effervescence intellectuelle des universités marocaines s’est éteinte sous les coups de boutoirs des pensées les plus régressives, c’est un bonheur de constater que des foyers d’activités cérébrales se sont allumés ailleurs pour alimenter le débat national en prospectives et en perspectives autres que celles ordonnançant le licite de l’illicite. Un point sombre cependant : pendant que des énergies positives agitent le cogito, ceux auxquels devrait profiter cette dynamique vertueuse et les éclairer dans leurs tâches brillent par leur absence. Rarement dans ces hauts lieux de la réflexion on croise des ministres en fonction ou des décideurs en activité.