La conviction d’un destin partagé – Par Khalil Hachimi Idrissi

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Allal El Fassi, l’un des leaders du mouvement national marocain, à la conférence de Tanger où se sont retrouvés en 1958 des dirigeants du Destour tunisien, du FLN algérien et de l’Istiqlal marocain pour l’esquisse jamais achevée d’un destin partagée. Sans doute parce que l’approche n’y était pas : mauvaise compréhension et maladroite appréhension de ce qu’est la Maghrébinité»

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C’est au gré des lectures que je suis tombé sur cet édito de Khalil Hachimi Idrissi, que j’ai manqué je ne sais comment, dans le trimestriel Maghreb 1, n°4 –Hiver 2022. Il pose une question lancinante, obsédante et forcément douloureuse : C’est quoi la «Maghrébinité» ? C’est un sujet qui ne périme pas depuis le temps où nous avons forgé ce que KHI appelle La conviction d’un destin partagé, devenu à la longue une utopie quand ce n’est pas une chimère. Toujours d’actualité, il devient sous le feu des évolutions que connait la région, brûlant. L’édito tente des réponses qui ne tombent pas loin de ce que la Constitution marocaine définit comme les ‘’affluents du Royaume du Maroc’’, mais leur trouve une application qui s’entend à l’ensemble de ce que l’on a appelé abusivement le Maghreb arabe. NK

C’est quoi la «Maghrébinité» ? Qu’est-ce qui fait que l’on soit Maghrébin ? Quelle est la définition de ce vocable à la fois géographiquement si déterminé, sémantiquement si aléatoire et historiquement si extensible ? 

L’amazighité peut être une base sérieuse pour sa détermination. Une culture originelle qui a accueilli bien d’autres cultures au risque de s’y dissoudre. Mais elle reste la matrice la plus pertinente, y compris pour la culture juive du Maghreb autrefois si vivace dans les plaines et les montagnes. 

L’arabité peut-elle être d’un quelconque secours à la définition de la «Maghrébinité»? C’est fort probable. Mais elle ne peut, décemment, être suffisante. Ce sont des questions idéologiques qui ont incité le panarabisme, notamment nassérien, à accoler au mot Maghreb, ou à l’encombrer, du qualificatif arabe — désormais si décrié par les militants culturels amazighs — pour une identification forte et exclusive.

Une approche politique et la peur que la détermination géographique ne soit pas assez suffisante à identifier le Maghreb ont poussé à mobiliser une dimension anthropologique, celle de l’arabité, éminemment sémitique, mais qui est elle-même encore sujette à beaucoup de recherches fondamentales. Le Maghreb n’est pas, donc, plus arabe qu’amazigh. 

Il est certainement une terre musulmane. L’arrivée de l’Islam au Maghreb dans ces confins de l’Afrique du Nord a marqué progressivement, durablement, la foi de la majorité des croyants même si quelques minorités ont subsisté. L’Islam est un marqueur puissant mais il n’est pas exclusif au territoire maghrébin.

La région a été le réceptacle de quantité d’influences et d’une pluralité de cultures. Des traces existent encore. Et des sédiments identifiables constituent la substance de notre altérité singulière. Les Phéniciens, les Romains, les Byzantins etc. Tous laissent une empreinte. Et le tout est, aujourd’hui, d’une singularité remarquable. 

L’on dit souvent que les peuples maghrébins sont plus proches les uns des autres que les dirigeants de ces pays ne le sont entre eux. C’est une question de maturation démocratique. Probablement, que le jour où les peuples du Maghreb s’identifieront à leurs dirigeants, par la démocratie, il y aura une unité de vue telle qu’elle fera que le Maghreb sera une réalité à la fois sociale, culturelle et politique. Mais ce qui est indiscutable c’est que malgré les difficultés actuelles de la Maghrébinité, de ses états d’âme, de sa définition, de sa projection dans l’avenir, un sentiment d’appartenance commune à un bloc culturel, — pluriel, divers et différencié — existe et la conviction d’un destin partagé est ancrée dans les esprits. C’est cela peut-être la Maghrébinité !

 

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