chroniques
Le fabulant destin de de Zineb El Rhazoui
Z. El. Rhazoui, l’accoutrement de l’imposture ou le conte du corbeau qui voulait imiter la démarche de la colombe
Madame,
Sachez d’abord que je ne vais ni vous injurier ni vous menacer comme le font les barbus obtus, les indigénistes indigestes quand ce n’est pas simplement des décervelés incultes qui ont pour seul étiage l’insulte et la grossièreté. Je ne suis pas de ceux qui vous serviront de faire valoir. Pas la peine donc de brandir votre armure victimaire.
Pour enlever une autre équivoque, facile à exploiter, je me dois de vous préciser qu’on est tous les deux nés à Casablanca. Je suis comme vous franco-marocain. Avec cependant une différence de taille. Je suis en France depuis les années soixante-dix. Vous n’êtes en France depuis les années 2010. Je me surprends à vous voir réclamer un attachement à la nation française, votre nouvelle patrie, avec une telle ferveur, une telle ostentation, que c’en est intriguant. Cette ardeur chauvine dont vous faites preuve laisse coi. Elle devrait être étudiée, comme un cas d’école, rare, dans les instituts de sciences politiques.
Pour ma part, je subodore un tantinet d’escroquerie…intellectuelle, j’entends.
On peut le dire. Vous avez réussi le hold-up du siècle : prospérer sur les cadavres d’une bande de rigolards, insoumis et adeptes du seul crayon et du fusain. Ils furent décimés un matin du 7 janvier 2015, par les rafales de la haine et de kalachnikovs. À ce moment vous étiez, à Casablanca, à 3000 km. De ce crime contre cette façon de rire, tellement française, vous avez tiré un immense profit. Vous êtes devenue une héritière indue. Ce capital symbolique ne vous a pas suffi. Alors l’émotion n’était pas encore retombée, vous êtes rentrée, sans scrupules, dans un conflit avec le journal martyr qui voulait vous licencier, malgré « votre immense compétence ». Ne vous étiez-vous pas répandue dans les journaux, en criant à qui veut l’entendre : « Je suis choquée et scandalisée qu’une direction qui a bénéficié d’autant de soutien après les attentats de janvier fasse preuve d’aussi peu de soutien envers un de ses salariés, qui est sous pression comme tous dans l’équipe et fait l’objet de menaces ». En plus de la fortune symbolique, il vous fallait le pactole.
J’ai lu Le Lambeau de Phillipe Lançon. Un blessé de guerre défiguré par les frères Kouachi. Brillant et émouvant, il a cette retenue et décence qui est la marque des grands. Je vous conseille cette lecture. Elle vous invitera, peut-être, à plus de retenue.
L’imposture
Vous avez beau enjoliver les choses, dans Gala ou Paris-Match, ou soigner votre bio sur Wikipédia. Cela ne dupera que les niais de France qui demeurent, orientalisme exige, fascinés devant une fille qui étale généreusement sa chevelure. Pas les Marocains qui vous connaissent bien. Vos histoires avec l’équipée du Journal hebdomadaire, Boubker Jamai, Ali Mrabet, surtout Ali Amar, on ne va pas les dévoiler ici, par charité musulmane. De MALI, en dehors l’opération des déjeuneurs à Mohammadia qui a avait fait pschitt, selon la célèbre onomatopée de jacques Chirac, je préfère retenir le courage insensé de votre complice Betty Lachgar qui elle continue à œuvrer avec ténacité, ne serait-ce que par twitter. Elle est, dans un pays musulman, toujours très active, sans protection policière. Vous revendiquez, sans scrupules, le 20 février et pourquoi pas, pendant que vous y êtes, tout le printemps arabe. Mais, admettez qu’on ne peut pas être militante des Droits de l’Homme au Maroc et une fascisante en France. Là, il y a un flou que Martine Aubry n’aime pas. Elle sait, elle, qu’il y a toujours un loup.
Fascisante ? Oui. Lorsque chez Pascal Praud, lui-même outré, vous affirmez que les policiers français doivent, comme aux USA, tirer à balles réelles sur les jeunes des quartiers. C’est fascisant. Que connaissez-vous des quartiers de France ? Depuis votre arrivée, vous semblez surtout trouver vos aises dans les salons germanopratins, la société des paillettes et celle du spectacle. Je vous invite à la lecture de Guy Debord. En réalité, vous semblez tout ignorer de ce vieux pays gaulois, de « ses cours de fleuves et ses chaines de montagnes », pour parler comme Ernest Renan, de ses problématiques identitaires dans lesquels il patauge depuis bientôt quarante ans. Comme vous semblez aussi ignorer ses lignes rouges.
Fascisante ? oui. Lorsque vous écrivez « mort à l’Islam et à tous les dieux. Allah ne fait peur qu’à ceux qui croient en lui. J’ai pitié pour vous ». De la France, cet air de liberté vous enivre-t-il au point de dérègler vos sens ? N’avez-vous pas retenu de votre éducation marocaine ce que la sagesse nous enseigne : « On ne demande pas à une folle de faire des youyous ». Vous êtes athée ? Grand bien vous fasse. Osez alors le dire sur les autres religions, à l’instar du Michel Onfray d’un autre temps. Si non taisez-vous. A moins que cela soit délibéré pour mieux préserver votre statut de femme la plus protégée du monde, devenu ainsi votre ultime et indépassable horizon. Les idiots inutiles sont ceux qui vous menacent de mort. Ils sont tout aussi tarés que vous. Il leur suffit, pour vous châtier, de vous rire au nez.
Des talons pour talent
Vous êtes devenue une femme de l’écran (où on vous voit paradoxalement de moins en moins) et non pas une femme de l’écrit, twittomania mise à part. Je n’ignore pas votre bande dessinée, avec Charb, sur l’Islam et le prophète ni vos deux petits livrets, abscons et opportunistes, édités par la collection Ring, l’écurie de la francosphère. Je préfère, et de loin, Hamed Abdel-Samad, l’ancien frère musulman qui a écrit Le Fascisme islamiste et qui est l’homme le plus protégé d’Allemagne, parce que lui est vraiment menacé par les fascislamistes. Je m’interroge cependant pourquoi au lieu de parler simplement, vous avez ce besoin de vociférer. Rappelez-vous, dans une grande émission politique, vos impudiques exhortations, devant le ministre de l’intérieur Castaner estomaqué par votre culot et l’imam Obrou, abasourdi et confondu.
Ce n’est pas d’être une femme, musulmane, affranchie qui fait votre force. Ce n’est même pas d’être apostat, ce qui est votre droit le plus strict. Non, c’est votre absence de surmoi. Je me surprends à douter, y compris de votre féminisme. Leila Slimani est bien plus féministe que vous. Elle a en plus du talent. Kaoutar Harchi, franco-marocaine, a des yeux ravageurs et une chevelure arrogante. Mais elle a en plus du talent, de la dignité. Elle sait, elle, ce qu’est un quartier de France. Elle a passé son enfance dans un territoire dont le nom se confond avec celui d’une prison. Comme si on parlait de Fleury-Mérogis. Je ne parlerai ni de Najat Vallaud-Belkacem ni de Rachida Dati. Elles ont chacune une colonne vertébrale, ce qui n’est pas le cas des mollusques. Ces femmes, tout aussi franco-marocaines, ne se vendent pas aux plus offrants dans le CAC 40 des idées indignes.
Je crains pour vous de finir comme Fadela Amara, dans les poubelles de l’histoire. Jetée comme un kleenex après avoir servi à essuyer la morve de ceux qui vous adoubent aujourd’hui. Pour les bonnes bouches, je vais conclure, en empruntant à Alphonse de Lamartine cet extrait du poème qu’il avait dédié à Toussaint Louverture et qui est l’exacte contraire de ce que vous êtes « Je suis de la couleur de ceux qu'on persécute sans aimer, sans haïr les drapeaux différents, partout où l'homme souffre, il me voit dans ses rangs. Plus une race humaine est vaincue et flétrie, plus elle m'est sacrée et devient ma patrie ».
Mais cela vous dépasse.