LE MANQUE DE RESSOURCES FINANCIERES ENTRAVE LA PROTECTION DU PATRIMOINE ARCHITECTURAL – Par Omar Farkhani

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Entrée de l’immeuble situé sur la rue d’Alger, construit dans les années 1930

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Ces dernières années, la production immobilière à Casablanca a eu pour effet collatéral d’accélérer la destruction du patrimoine architectural non protégé. Pour mettre un terme au saccage, les autorités publiques ont eu recours à des dispositions réglementaires volontaristes. 

C’est ainsi que des milliers de bâtisses récemment inventoriées lors de l’étude patrimoniale, réalisée par une équipe d’experts franco-marocains, ont été provisoirement soustraites à toute possibilité de délivrance d’autorisation de construire et de démolir.

DIFFICULTES DE LA PROTECTION DU PATRIMOINE ARCHITECTURAL 

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L’immeuble El Galoui, construit entre 1922 et 1927 sur le Boulevard Mohammed V de Casablanca. L’immeuble-ilot est traversé par une galerie marchande. L’impression monumentale est donnée par les colonnes jumelées de marbre montant sur deux niveaux

Comme cela a été rappelé par un récent « Avis » du Conseil Economique Social et Environnemental (CESE), l’obsolescence des textes régissant la gestion du patrimoine et l’absence de stratégie patrimoniale est le premier obstacle à l’entreprise complexe de sauvegarde, parce qu’accorder le statut de patrimoine architectural à inscrire ou à classer entraîne des conséquences importantes sur le plan culturel mais aussi juridique, technique et socio-économique

Malgré cette difficulté, l’objectif premier étant atteint (mettre à l’abri, dans l’immédiat, notre patrimoine architectural), il s’agit maintenant de finaliser cette dynamique de protection préventive et extensive, avec le moins d’effets indésirables possibles. Par suite, la question qui domine est le devenir de ce qui sera définitivement sélectionné, par les décideurs, comme patrimoine architectural. Cela suppose de commencer par répondre aux deux questions clés suivantes, qui sont intimement liées : 

1 - Combien de bâtisses doivent être retenues sur les 3250 actuellement recensées par l’étude ?

2 - Est ce qu’on dispose des ressources financières et humaines indispensables pour en assurer la restauration, la valorisation et la maintenance ? 

LE FACTEUR FINANCIER, DETERMINANT DANS LA PROTECTION DU PATRIMOINE 

Entre 2009 et 2021, le Département de la culture a investi 428 millions de dirhams pour financer 156 projets au total, avec une moyenne de 33 millions de dirhams et 13 projets par an, soit une moyenne de 2,5 millions de dirhams par projet. Le Département de la Culture dispose donc de très peu de ressources financières, compte tenu du coût des projets culturels qu’il gère. 

A raison de 2,5 millions de dirhams par projet, appliqué aux 3250 bâtisses recensées dans la Région de Casablanca, les besoins financiers théoriques pour leur restauration et leur valorisation seraient de : 3250 x 2 500 000 DH = 8 125 000 000 DH, ce qui est hors de proportion par rapport aux ressources dont dispose le Département de la Culture et ses éventuels partenaires publics et privés. 

Cette disproportion entre besoins et ressources disponibles s’explique par l’augmentation exceptionnelle et inédite du nombre de bâtisses récemment  recensées dans la Région de Casablanca (3250 unités) par rapport à tout ce qui a été officiellement recensé au niveau national jusqu’à présent (5578 unités), soit une croissance record de 60% environ en un laps de temps très court ! 

ALORS, QUE FAIRE ?

Compte tenu de la faiblesse structurelle des ressources financières et humaines , comme signalé par diverses sources et notamment le très officiel CESE, Il faut proportionner le nombre de bâtisses patrimoniales à conserver et valoriser à ce qui se caractérise par une valeur, esthétique, historique, identitaire et/ou mémorielle, réellement exceptionnelle. Cela signifie une réduction drastique du nombre de bâtisses initialement et extensivement recensées. Autrement, nous exposons notre patrimoine total à une dégradation inéluctable, selon des mécanismes qui seront décrits dans un prochain article. 

Casablanca, 12 janvier 2023

 

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