Sport
2030 n'était pas une illusion ... - Par Omar Mahmoud BENDJELLOUN
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Le Maroc réalise un vieux rêve ... inspiré par sa qualification aux huitièmes de finales de la coupe du monde Mexico 1986 en tant que première nation africaine et arabe ayant défié l'impérialisme footballistique de l'époque, en rivalisant avec la "Mannshaft", ce rouleau compresseur allemand trônant sur le football mondial durant des décennies.
26 ans après avoir participé à toutes les coupes du mondes, des USA à la Russie en passant par la France, le Maroc fera partie des champions de cette compétition aux profondeurs politiques, en accédant à la demi-finale du Mondial Doha 2022 provoquant une communion planétaire autour de son esprit. Aujourd'hui et après avoir vaincu les vices de formes, les défaillances equipementières, la realpolitik, le jeu, l'organisation et les embuscades concurrentielles opposés aux dossiers de candidature pour l'accueil d'un tel événement, le Maroc finit par décrocher l'organisation de la coupe du monde de 2030 en trinôme avec ses deux voisins du nord que sont l'Espagne et le Portugal.
Ces trois nations ont une histoire à la fois conflictuelle, civilisationnelle et humaine de 1200 ans. Les uns ont occupé les autres et ce jusqu'à aujourd'hui sur deux cités historiques que sont Sebta & Melilia et des îlots du littoral méditerranéen marocain. Chacun a influencé l'autre en langue, ethnie, culture, art, architecture, littérature, philosophie ou politique, au-delà des appartenances religieuses bien ancrées dans les consciences et les rituels collectifs des uns et des autres. Ce sont des guerres de civilisation, à Zelaka en Andalousie ou à Oued Makhazine dans le pré Rif. Des mouvements migratoires allant des morisques de la "reconquista" aux jeunes errants traversant en pirogue le détroit de Gibraltar qui porte le nom du général amazigh conquérant de l'Andalousie devenue fleuron d'une civilisation musulmane de 8 siècles, en passant par les réfugiés espagnols républicains ou les migrants portugais fuyant la dictature du début du XXème siècle à Tanger, Rabat ou Mazagan.
Quand Madrid ou Barcelone jouent la Champion's League, la vibration du public marocain dépasse celle du Bernabeu ou du Camp Nu. Quand le Maroc neutralise l'Espagne ou le Portugal à Moscou ou à Doha, c'est le même public qui rend hommage à Ronaldo qui fait de Marrakech sa ville d'adoption pendant que Luis Enrique, le sélectionneur espagnol, avoue son abdication devant le jeu et les tactiques des Lions de l'Atlas. C'était déjà le même monde footballistique quand Tetuan était une équipe essentielle de la Liga ou la perle noire, Larbi Ben Mbarek, jouait à l'Atletico de Madrid.
Cette histoire c'est aussi celle des rendez-vous manqués de l'ère post coloniale, ceux du pont ou du tunnel afro européen de Gibraltar, de la régulation frontalière, du séparatisme, des transitions démocratiques et années de plomb, de la montée des fascismes, du terrorisme, de la condition ouvrière.
Une dialectique historique entre trois grandes nations dont le nœud géographique est Gibraltar, le mont Tarik, pacifiée par les valeurs du sport et la réalisation du projet commun. Que cela renseigne sur les déterminants de toute politique publique vertueuse : éthique, coopération et réalisation.
La carte géographique tripartite des trois rivaux représentait au pire une zone de conflit militaire ou de tension frontalière, au mieux la zone 1 de l'inter-rail ou le terrain des flux touristiques et migratoires. Elle représente aujourd'hui un espace universel commun comme elle le fut jadis, accueillant l'humanité autour des valeurs olympiennes du sport, incarnant aussi cette parole divine :
"Nous vous avons créé en peuples et tribus afin que vous vous connaissiez".
Une occasion aussi pour que les deux États formant le même peuple, Maroc et Algérie, se réconcilient pour le bien et l'avenir du bassin de vie partagé de la méditerranée occidentale et en hommage à l'histoire et identité commune.
Comme ce n'était pas une illusion que de croire il y a moins de 30 ans que nous allions héberger la coupe du monde de football, il serait moins illusoire que de croire que le Maghreb se fera.