Journalisme et IA : Entre avantages pratiques et inquiétudes éthiques

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Si le but n’est que de produire des pièges à cliques, la technologie de l’IA facilite grandement la tâche. Or, elle offre également la possibilité aux "bons" journalistes de faire un travail plus "humain" et plus performant à condition de l’humain ne doit jamais être loin de l’IA susceptible de parti-pris idéologiques, culturels et politiques

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Londres - D’abord perçu comme un effet de mode, l’intelligence artificielle (IA) a fini par s’imposer comme un outil quasi-indispensable dans le milieu professionnel. Le secteur médiatique ne déroge pas à la règle : une majorité d’organisations de presse dans le monde utilisent cette technologie dans au moins un aspect de leur travail, mais nombre d’entre elles restent préoccupées par les implications éthiques de cette démarche.

L’IA s’est d’abord invitée de manière sporadique dans l’exécution de certaines tâches récurrentes de la vie d’entreprise, avant de devenir l’outil de référence pour l’automatisation des processus opérationnels ou encore l’affinement de connaissances grâce à l’analyse des données.

L’élargissement de son spectre d’utilisations et de ses domaines d’intervention a suscité de nombreux débats, notamment au sein des rédactions. En effet, le recours à l’IA pour la génération de contenu offre aux journalistes un médium puissant permettant d’améliorer la productivité et la créativité, mais soulève toutefois des craintes sur ses incidences sur les valeurs journalistiques.

C’est ce qui ressort d’une étude réalisée par le projet JournalismAI de la London School of Economics (LSE), publiée quelques semaines avant le début du sommet de Bletchley Park au Royaume-Uni (1 et 2 novembre), dédié à l’essor fulgurant de l’IA.

L’enquête, qui a sondé des membres de plus de 100 médias de 46 pays entre avril et juillet, montre que le journalisme dans le monde traverse une nouvelle période de changements technologiques "à la fois passionnants et effrayants".

Les nouveaux outils d’IA générative constituent une "menace potentielle" pour l’intégrité de l’information et des médias. Mais ils offrent également une "opportunité incroyable" de rendre le journalisme plus efficace, plus performant et plus digne de confiance.

Selon l’étude, près des trois quarts des organismes de presse utilisent l’IA dans la collecte, la production ou la distribution des informations, et environ 80 % des personnes interrogées s’attendent à ce que l’IA joue un rôle plus important dans leurs rédactions à l’avenir.

Les personnes interrogées ont expliqué le succès fulgurant de technologies comme ChatGPT et Google Bard, par leur accessibilité et leurs faibles exigences en matière de compétences techniques.

Néanmoins, les sondées sont quasi unanimes sur le fait tout contenu généré par l’IA doit être vérifié par un être humain afin d’atténuer les risques potentiels de partialité et d’inexactitude et plus de 60 % d’entre eux ont fait part de leurs préoccupations sur la qualité éditoriale.

"Les journalistes tentent de déterminer comment intégrer les technologies de l’IA dans leur travail en respectant les valeurs journalistiques telles que l’exactitude, l’équité et la transparence", ont commenté les auteurs du rapport, Mira Yaseen et Charlie Beckett.

Par ailleurs, l’étude met en garde contre la répartition inégale des avantages de l’IA entre les petites et les grandes entreprises de presse et entre les pays du Sud et les pays du Nord.

À l’heure actuelle, les avantages sociaux et économiques de l’IA sont principalement concentrés dans les pays du Nord, expliquent les chercheurs de la LSE. Une donne qui s’explique par diverses raisons, telles que l’accessibilité de l’infrastructure technique, l’abondance des capitaux et les institutions de recherche bien financées dans ces pays.

A contrario, les personnes interrogées dans les pays du Sud ont souligné les lacunes en matière de connaissances, les contraintes liées aux ressources, les barrières linguistiques étant donné que la majorité des outils ne sont disponibles qu’en anglais, ainsi que les défis infrastructurels, juridiques et politiques.

Pour remédier aux disparités mondiales en matière d’IA, le rapport préconise une collaboration accrue entre les rédactions du Nord et du Sud, d’autant qu’en dépit de la myriade de défis auxquels sont confrontés les journalistes du Sud, ils ont exprimé leur enthousiasme à l’égard du renforcement des capacités et du partage de l’expertise en matière d’IA.

Dans l’absolu, résume le rapport, l’impact de l’IA dépendra dans une large mesure des choix politiques et éthiques que les humains feront au sein des organismes de presse.

Si le but n’est que de produire des pièges à cliques, cette technologie facilite grandement la tâche. Or, elle offre également la possibilité aux "bons" journalistes de faire un travail plus "humain" avec l’aide de l’IA. Dans un monde où les fake news créées par des machines pullulent, le journalisme responsable et de service public se doit de profiter de l’ensemble des outils à sa disposition pour jouer un rôle de premier plan.

 

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