Algérie ou la Paix étranglée ! Par Abdelahad Idrissi Kaitouni

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Malgré cette défiance à l’égard de leurs dirigeants, les Algériens restent dans leur écrasante majorité violemment anti-marocains. Lors des défilés du Hirak, quand il a été question du Sahara, les manifestants s’en prenaient au Polisario pour dénoncer la dilapidation des fonds publics, et non par sympathie pour le Maroc.

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Goût récurent de l'inachevé ! Par Abdelahad Idrissi Kaitouni

Chaque fois que les bruits de bottes de guerre se font entendre, la Paix s’invite nécessairement dans les débats. Le couple Guerre et Paix est indissociable au point que certains disent que ce sont les deux faces d’une même pièce.

Les plus sceptiques estiment que la Paix est juste l’intervalle qui sépare deux périodes de guerre. Les plus pessimistes vont jusqu’à dire que la guerre est une composante de la nature humaine et la Paix n’apparaît plus que comme une période de répit pour permettre aux belligérants de reprendre du souffle. Les plus cyniques présentent la guerre comme un accélérateur de l’histoire dans la mesure où, aux moments de destructions succèdent nécessairement des périodes de reconstructions générant des progrès indéniables. 

Je récuse avec la dernière énergie ces trois approches car elles me paraissent totalement immorales. Pour moi, la guerre ne sème que des lots de morts et de destructions. Les drames, les vies brisées sont toujours insoutenables même quand il s’agit de guerres dites «justes».

Oui, il existe malheureusement des guerres qu’on peut qualifier de justes. Les guerres de libération contre l’occupation étrangère en est le meilleur exemple. Si la guerre est juste du point de celui qui cherche à s’émanciper ou à se défendre, comment est-elle perçue par l’occupant ou l’agresseur ?

Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, les USA se sont embarqués dans plusieurs conflits armés, mais aucun de ces conflits ne peut être qualifié de juste. Pourtant les Américains ont mené ces guerres avec application, sans états d’âme, et pour certains en toute bonne conscience. Les millions de victimes de la machine de guerre américaine apparaissent comme des épiphénomènes moins dramatiques que de simples accidents de la route ou de maladies endémiques. 

Une sorte de banalisation de la guerre qui interpelle toutes les consciences, y compris américaines et européennes. La suite réservée à cette interpellation diffère d’un individu à un autre et d’une culture à une autre. Bien entendu les bonnes consciences sont horrifiées par la guerre ; certaines finissent par militer obstinément pour la Paix. Elles mettent tout en œuvre pour son avènement et pour la faire perdurer. A côté de ceux-là, il y a une majorité de personnes qui sont sincèrement pacifistes, mais que leur fatalisme empêche de manifester de manière voyante leur opposition à la guerre.

Enfin il existe une troisième catégorie d’individus qui font de la paix un véritable fonds de commerce. Ils se recrutent majoritairement dans les allées des pouvoirs et de la finance. Comme il est de bon ton de se présenter en partisan de la Paix, ils n’hésitent pas à brandir ce mot pour servir des desseins inavoués.

Jusqu’à quel point devons-nous rester partisan de la paix ? Face aux fauteurs de guerre, faut-il continuer à prôner la paix à tout prix ? On doit réaliser que si, pour préserver la paix il faille systématiquement céder aux va-t-en-guerre, on ne fera qu’encourager les agresseurs à recommencer et recommencer partout et tout le temps. Le bellicisme de certains ne s’arrête que s’il rencontre une opposition suffisamment forte pour les dissuader de recommencer.

Ainsi pourrait-on servir la Paix en s’engageant, à son corps défendant, dans la guerre.

Ce dilemme, les Marocains le vivent dans leur chair face à l’agressivité démoniaque du voisin algérien. Dans leur écrasante majorité nos compatriotes sont pour la Paix. Mais aucun Marocain n’est prêt à revivre la fâcheuse expérience de la «Guerre des Sables» de 1963. Nous avons certes gagné sur le terrain, mais nous avons perdu des territoires entiers autour du tapis vert à Bamako en février 1964. Hassan II, croyant assouvir les appétits des Algériens, avait accepté de leur concéder de substantielles rectifications des frontières. Il n’était pas un naïf et il avait voulu épargner de graves déboires au pays dans le climat de guerre froide qui prévalait.

Cependant, il était loin de se douter que ces concessions allaient ouvrir la voie à des prétentions grotesques sur notre pays. Ne dit-on pas que lorsque vous leur donnez la main, ils vous arrachent le bras. Une fois le bras arraché, c’est tout le corps qui passe. Ce dicton populaire se vérifie chaque jour avec nos voisins. 

Il y a six semaines, j’ai reçu un coup de téléphone d’un ami qui me demandait de me joindre à un collectif d’intellectuels pour lancer un appel pour la Paix entre le Maroc et l’Algérie. Connaissant la droiture et la sincérité de cet ami, j’ai eu la lâcheté de lui dire que j’allais y penser et que je reviendrai vers lui après coup. Au fond de moi-même je savais que je ne participerai pas à ce qui me semble être une belle mascarade.

Pourtant, je suis quelqu’un de profondément pacifiste, et si je pouvais avoir la moindre certitude que cet appel pouvait recueillir le plus petit assentiment de l’autre côté de la frontière, je l’aurai volontiers signé.

La réalité c’est que l’Algérie, en près de soixante ans, a été vidée de sa substance. Tout ce que ce pays recélait d’intelligences et de forces vives ont été contraints de s’expatrier. Le plus grand nombre avait fui le grotesque socialisme scientifique de Boumediene et consorts, et la génération suivante était obligée de s’exiler à son tour pour échapper aux massacres de la décennie noire.

Hormis une minorité qui n’ont pas les ressources pour fuir et sont écrasés par le quotidien, ceux qui restent acceptent, avec résignation ou pas, de vivre sous la houlette d’un pouvoir honni. Si le Hirak a mobilisé toutes les forces vives, c’est que le peuple est excédé par la gabegie, la corruption généralisée, la paupérisation massive, les disparités abyssales, et tant d’autres maux accompagnés du mépris des gouvernants, cette «hogra», mot qui revient en permanence dans la bouche des Algériens.

Malgré cette défiance à l’égard de leurs dirigeants, les Algériens restent dans leur écrasante majorité violemment anti-marocains. Lors des défilés du Hirak, il n’y a jamais eu de slogans ou de banderoles appelant à mettre fin à cette hostilité maladive envers le Maroc. Quand il a été question du Sahara, les manifestants s’en prenaient au Polisario pour dénoncer la dilapidation des fonds publics, et non par sympathie pour le Maroc

Chez les politiquement corrects, les peuples sont toujours exempts de reproches et il ne faut jamais les incriminer. Alors il devient de bon aloi de renvoyer toute attitude belliqueuse sur les dirigeants. Je n’emprunterai pas la voie du politiquement correct car l’hostilité manifeste des Algériens à l’égard du Maroc se retrouve à tous les niveaux. Hostilité inexpliquée et inexplicable car le Maroc a toujours prôné et tenté d’avoir des relations apaisées avec son voisin … à moins de ne chercher les explications sur un plan purement émotionnel. 

De toujours les Algériens nourrissaient et nourrissent un lourd complexe à l’égard du Maroc. Par le passé, j’avais signé des chroniques pour en donner les raisons. À côté du fossé historique et culturel séparant les deux peuples, j’avais particulièrement insisté sur la volonté irrépressible des gouvernants algériens d’inoculer le poison de la haine du Maroc dans l’esprit de leurs compatriotes.

Pour être efficace, ce poison se devait d’être administré au plus tôt, donc aux plus jeunes. La réécriture de l’histoire commence avec les manuels scolaires où le Maroc est présenté d’une manière allégorique aux enfants algériens comme l’ennemi, la menace ! Un ami algérien, assez marocophile, m’a avoué que ses enfants, des quadragénaires aujourd’hui, avaient une haine féroce du Maroc. Pourtant dit-il : « ils connaissent mon profond attachement au Maroc ».

Il a ajouté, un peu amusé, un peu comme pour se disculper : « Dois-je te rassurer cher ami, je n’ai jamais mis dans le biberon de mes enfants, quoique ce soit qui aurait pu alimenter la hargne qu’ils nourrissent à l’égard de votre pays ! ». Et de conclure : « L’opinion de mes enfants est parfaitement représentative de l’état d’esprit de la majorité des Algériens. Je redoute par-dessus tout cet endoctrinement généralisé qui apparaît comme le seul ciment de l’unité de l’Algérie ».

Si la Paix implique la fin des hostilités, elle ne doit pas nécessairement signifier qu’il faille renouer des relations comme si de rien n’était. Le climat de haine qui a prévalu depuis des lustres, ne peut se résorber du jour au lendemain. Comme dans les relations interpersonnelles, il faut savoir mettre de la distance avant que les choses ne reprennent leur cours normal. Des couples en crise ont réussi à se reconstruire après une période de séparation.

Avec l’Algérie nous avons besoin de garder nos distances pendant une période suffisamment longue pour diluer l’antagonisme et résorber le climat de haine. L’absence de relations, après «réconciliation», nous fera perdre un point à deux points du PIB, mais c’est le prix à payer pour repartir sur des bases plus solides. Il faut s’y résoudre de bonne grâce, il y va de notre salut ! 

En termes crus pas d’ouverture des frontières dans les prochaines années, même si l’Algérie reconnaît formellement la marocanité du Sahara. Corollaire de cette décision, la dissolution de l’UMA, quitte à nouer des relations séparées avec les autre Maghrébins ! En somme des relations réduites au strict minimum.

Eux comme nous, avons besoin d’une bonne cure. La cure de désintoxication sera salutaire pour l’Algérie, et le Maroc mettra à profit ce délai pour se reconstruire à l’abri de toute pression et, pourquoi pas, préparer des retrouvailles apaisées avec un voisin qui aurait perdu de sa virulence et serait revenu à de meilleurs sentiments.

Bouznika le 20 Octobre 2021