Brahim Ghali, le bourbier espagnol

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Nasser Bourita, ministre des AE marocain, Pedro Sanchez, chef du gouvernement espagnol : Pour le Maroc, toutes les options restent ouvertes, Rabat étant dans une position qui lui permet désormais d’agir en fonction de la justesse de sa cause.

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Madrid n’a jusqu’ici pas donné de réponse à la demande d’explication exigée par le ministère marocain des Affaires étrangères au sujet de l’accueil sur son sol pour hospitalisation de Brahim Ghali, chef des séparatistes.

Madrid n’a pas pu démentir les informations précises obtenues par le Maroc au sujet de l’entrée du chef des séparatistes sur le territoire espagnol sous une fausse identité et avec un faux passeport et en guise de réponse, elle n’a trouvé pour justification que les considérations humanitaires, feignant de ne pas se rendre compte du bourbier dans lequel elle s’est fourrée.

Le problème est que l’Espagne s’est empêtrée dans un pétrin multidimensionnel composé de trois têtes : son propre système judiciaire, le Parlement européen et le Maroc. 

A l’égard de son appareil judicaire du fait, d’abord, que l’affaire implique un individu poursuivi pour crimes de torture, viol, répression, détention illégale et génocide. Ensuite, parce que le gouvernement espagnol a machiné pour fabriquer une fausse identité et un faux passeport, mettant l’Exécutif sous le coup de l’interrogation judiciaire et politique. La justification de considération humanitaire, qu’elle avance, ne peut tenir dans ce contexte de faux et d’usage de faux et partant de violation des lois espagnoles, sachant que cette considération humanitaire, si elle était vraie, n’appellerait pas le recours à une combine illégale à l’insu du pouvoir judicaire. Ce même judiciaire qui est appelé aujourd’hui, sous peine de se discréditer, à faire preuve de son indépendance du pouvoir exécutif et d’entamer les investigations nécessaires pour établir la présence de l’intéressé sur le sol espagnol, déterminer comment il y a accédé et identifier les parties impliquées dans cette opération en vue de les présenter devant la justice. Il est tenu aussi, pour préserver son image, à ouvrir une enquête avec le chef des séparatistes au sujet des infractions pénales pour lesquelles cette même justice avait émis à son encontre un mandat d’arrêt international.

Le Parlement européen est également tenu, de son coté, d’interpeler l’Espagne dans la mesure où l’infiltration d’un individu de cet espèce pour la sécurité du territoire européen et son assistance illégale ne sont pas uniquement antinomiques avec les lois et valeurs européennes, mais sapent la crédibilité même de ces législations.

Le bourbier dans lequel l’Espagne a installé ses relations avec le Maroc est, quant à lui, fort complexe, du fait que Rabat a déployé d’énormes efforts pour soutenir son voisin du Nord au cours de ses crises successives, s’abstenant constamment de s’immiscer dans ses problèmes internes, où le problème catalan n’est qu’un exemple. Il est complexe encore parce que non seulement l’Espagne arrive actuellement en tête des partenaires commerciaux du Maroc, surpassant ainsi la France, son partenaire commercial traditionnel, mais aussi parce que ce pays ibérique sait pertinemment bien qu’il est le premier bénéficiaire du rôle que joue le Maroc en matière de lutte contre l’immigration illégale, le terrorisme et la criminalité transnationale.

Or, la question ne se résume pas uniquement à ces dossiers. Elle porte aussi sur le dossier du Sahara. En commettant ce forfait, l’Espagne n’a pas pris en compte les énormes efforts du Maroc pour apaiser la tension dans les relations bilatérales, et n’a pas non plus apprécié à sa juste valeur l’offre marocaine d’alternatives séduisantes à l’arrêt définitif de la contrebande des marchandises à travers les passages de Sebta et Melillia.

Au lieu de lire les développements survenus dans la question de l’intégrité territoriale du Royaume et de modifier sa diplomatie pour se mettre en phase avec la nouvelle dynamique enclenchée par la reconnaissance par les Etats-Unis de la souveraineté du Maroc sur son Sahara, Madrid a transgressé la neutralité de façade à laquelle il a tant essayé de faire accroire.

L’Espagne a peut-être pensé que les services de renseignement marocains ne pourraient pas arriver à l’information et que l’arrangement qu’elle a cru minutieusement combiné avec Alger pour accueillir clandestinement Brahim Ghali, allait leur passer sous le nez ainsi que dans le dos de la justice espagnole et du Parlement européen. Si bien qu’aujourd’hui, elle se retrouve obligée de faire face à sa mauvaise appréciation et à la désinvolture de son discours, voire à sa mauvaise foi à l’égard du Maroc.

Pour le Maroc, toutes les options restent ouvertes, Rabat étant dans une position qui lui permet désormais d’agir en fonction de la justesse de sa cause. La perfidie de l’Espagne et sa mauvaise foi avérée exigent une remise à plat totale des rapports.

Certains estiment que le dossier de l’immigration est la meilleure carte du Maroc pour faire pression sur l’Espagne. En effet, c’en est une que le Maroc n’a fait que brandir épisodiquement ou encore se contentant de l’évoquer occasionnellement avec l’Union européenne. Mais, il existe une autre carte bien plus importante, et la France qui a eu malheureusement à l’expérimenter, a été amenée à revoir sa position vis-à-vis du Royaume dans la foulée des évènements qui ont suivi la présentation d’un avis d’arrestation d’un haut responsable de la sécurité marocaine. Une leçon à méditer.

Il existe certes d’autres cordes à faire vibrer dans la gestion de nos relations, tels les rapports commerciaux avec l’Espagne, un terrain qu’il ne faut pas négliger le cas échéant. Mais, en parallèle, il serait judicieux de travailler sur une autre option tout aussi importante qui garantirait un équilibre à la fois entre la pression et la persuasion du gouvernement espagnol à trouver une issue honorable en rectifiant le tir, en vue de rendre aux relations maroco-espagnoles leur dignité et de leur épargner une énième grave crise. En clair, il s’agit de faire émerger une conviction partagée (gouvernement et société civile) sur l’impératif de permettre au pouvoir judiciaire espagnol de faire son travail en toute impartialité et indépendance, afin de poursuivre en justice Brahim Ghali et l’amener à répondre de ses crimes de guerre et crimes contre l’humanité pour lesquels il est poursuivi en Espagne même.

 

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