chroniques
CIA : LE MONDE VU EN 2040 - Par Mustapha SEHIMI
De longs développements sont consacrés à la manière dont les forces structurelles clés posent les bases de notre monde futur (démographie, environnement, économie, technologie, dynamiques au sein des sociétés, des Etats et du système international). Un monde de plus en plus déséquilibré et contesté à tous les niveaux.
C’est un rapport sur le bureau de Joe Biden(*). A chaque élection américaine, un rapport du National Intelligence Concil (NIC) fournit au nouvel élu de la Maison Blanche une étude sur le monde du futur. Une synthèse faite sur la base des analyses des meilleurs spécialistes. Elle était évidemment très attendue compte tenu du contexte éprouvant de la pandémie Covid-19. Il annonce quoi à l'horizon 2040? Des bouleversements. En une génération, à cet horizon donc, que d'hypothèques ! Le climat, la connectivité, la biotechnologie, l'intelligence artificielle et tant d'autres phénomènes : l'imprévu le dispute à l'imprévisibilité : la prospective est à rude épreuve. Les sociétés seront frappées frontalement par cette évolution irrépressible: elles seront plus fragmentées, sous tension aussi; les confrontations seront plus fortes avec des menaces et des enjeux sans frontières. La confiance, entre gouvernants et gouvernés sera sérieusement ébranlée.
Prédire l'avenir dans l'incertitude
Les contraintes seront multidimensionnelles: vieillissement de la population, pression migratoire, stress hydrique, troubles mentaux plus aigus de la jeunesse, changement climatique. Un large spectre pesant de tout son poids sur la marche des deux prochaines décennies. Comment prédire alors l'avenir avec de telles contraintes qui nourrissent l’incertitude ? Comment penser le monde d'après alors qu'aujourd'hui le virus Covid-19 reste central dans la vie politique, nationale et internationale, et dans le vécu quotidiens des citoyens.
L'état des lieux permet de redouter bien des changements et des bouleversements dans le système international. Au plan scientifique d'abord, une nouvelle ère s'ouvre dans la médecine (séquençage de l'ADN du virus, avènement de l'ARN messager). Au plan international ensuite, l'affirmation des "Etats carnivores" (Russie, Chine, Turquie) qui ont mis à profit le relatif retrait américain des affaires du monde pour décupler leurs ambitions. Ils ont pris acte de la paralysie du Conseil de sécurité et d'autres instances multilatérales - comme l'OMS. Ils se drapent dans le principe de souveraineté, le droit international devenant pratiquement pliable et dépliable comme une chaise de jardin. Le camp occidental enregistre la contraction de la toute-puissance américaine ; le monde étant éclaté, aucun acteur ne peut prétendre à l'hégémonie. Pour autant, la centralité américaine demeure, par la puissance du dollar, ses industries, sans oublier ses capacités militaires. Son marché. Sa fascination culturelle. Et son secteur high-tech.
Comment relever alors les défis à l'ordre du jour d'ici 2040 ? Comment hiérarchiser « les incendies à éteindre et les chantiers de conduire » ? Le monde de demain sera celui des "écrans et caméras partout"- il sera très connecté. La possibilité de manipuler les foules, à des fins politiques ou commerciales, sera-t-elle maitrisée? L'hypothèse dominante est celle de tensions au sein même des sociétés les plus avancées et risquent de s'en trouver exacerbées. Quant aux régimes autoritaires, leur pente naturelle sera celle de l'exploitation de ces technologies en matière de surveillance et de répression.
De longs développements sont consacrés à la manière dont les forces structurelles clés posent les bases de notre monde futur (démographie, environnement, économie, technologie, dynamiques au sein des sociétés, des Etats et du système international). Un monde de plus en plus déséquilibré et contesté à tous les niveaux.
Cinq scénarios
La dernière partie du rapport est stimulante : elle expose cinq scénarios pour l'avenir. Trois grandes questions ont permis de façonner ces scénarios: quelle est la gravité des défis mondiaux qui se profilent? Comment les Etats et les acteurs non étatiques s'engagent-ils dans le monde ? Et quel type d'engagement ? Enfin, quelles priorités des Etats pour l'avenir ? Trois d'entre eux décrivent des avenirs. Les défis internationaux s'aggravent progressivement avec des interactions liées à la rivalité entre les Etats-Unis et la Chine. Dans le scénario "La Renaissance des démocraties", l'hypothèse est celle des Etats-Unis en tête d'une résurgence des démocraties. Dans celui d'un "monde à la dérive", la Chine est au premier rang mais elle ne domine pas le monde. Et dans "Coexistence compétitive", les Etats-Unis et la Chine prospèrent et se disputent le leadership dans un monde divisé. Deux autres scénarios décrivent des changements plus radicaux, découlant de désordres internationaux graves. L'un est celui "Des silos séparés" avec des blocs économiques et sécuritaires qui émergent pour protéger les Etats des menaces croissantes. L'autre, "Tragédie et mobilisation", envisage un bouleversement révolutionnaire à la suite de crise environnementale dévastatrices.
Finalement, collaboration ou confrontation, violence ou normes partagées, biens communs ou repli nationaliste, fragmentation ou unité imposée par l’urgence ? L’avenir n'est jamais écrit...
(*)*Le monde en 2040 vu par la CIA ", Editions des Equateurs, Paris, 2021, 255 p.
CIA : LE MONDE VU EN 2040 - Par Mustapha SEHIMI
De longs développements sont consacrés à la manière dont les forces structurelles clés posent les bases de notre monde futur (démographie, environnement, économie, technologie, dynamiques au sein des sociétés, des Etats et du système international). Un monde de plus en plus déséquilibré et contesté à tous les niveaux.
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C’est un rapport sur le bureau de Joe Biden(*). A chaque élection américaine, un rapport du National Intelligence Concil (NIC) fournit au nouvel élu de la Maison Blanche une étude sur le monde du futur. Une synthèse faite sur la base des analyses des meilleurs spécialistes. Elle était évidemment très attendue compte tenu du contexte éprouvant de la pandémie Covid-19. Il annonce quoi à l'horizon 2040? Des bouleversements. En une génération, à cet horizon donc, que d'hypothèques ! Le climat, la connectivité, la biotechnologie, l'intelligence artificielle et tant d'autres phénomènes : l'imprévu le dispute à l'imprévisibilité : la prospective est à rude épreuve. Les sociétés seront frappées frontalement par cette évolution irrépressible: elles seront plus fragmentées, sous tension aussi; les confrontations seront plus fortes avec des menaces et des enjeux sans frontières. La confiance, entre gouvernants et gouvernés sera sérieusement ébranlée.
Prédire l'avenir dans l'incertitude
Les contraintes seront multidimensionnelles: vieillissement de la population, pression migratoire, stress hydrique, troubles mentaux plus aigus de la jeunesse, changement climatique. Un large spectre pesant de tout son poids sur la marche des deux prochaines décennies. Comment prédire alors l'avenir avec de telles contraintes qui nourrissent l’incertitude ? Comment penser le monde d'après alors qu'aujourd'hui le virus Covid-19 reste central dans la vie politique, nationale et internationale, et dans le vécu quotidiens des citoyens.
L'état des lieux permet de redouter bien des changements et des bouleversements dans le système international. Au plan scientifique d'abord, une nouvelle ère s'ouvre dans la médecine (séquençage de l'ADN du virus, avènement de l'ARN messager). Au plan international ensuite, l'affirmation des "Etats carnivores" (Russie, Chine, Turquie) qui ont mis à profit le relatif retrait américain des affaires du monde pour décupler leurs ambitions. Ils ont pris acte de la paralysie du Conseil de sécurité et d'autres instances multilatérales - comme l'OMS. Ils se drapent dans le principe de souveraineté, le droit international devenant pratiquement pliable et dépliable comme une chaise de jardin. Le camp occidental enregistre la contraction de la toute-puissance américaine ; le monde étant éclaté, aucun acteur ne peut prétendre à l'hégémonie. Pour autant, la centralité américaine demeure, par la puissance du dollar, ses industries, sans oublier ses capacités militaires. Son marché. Sa fascination culturelle. Et son secteur high-tech.
Comment relever alors les défis à l'ordre du jour d'ici 2040 ? Comment hiérarchiser « les incendies à éteindre et les chantiers de conduire » ? Le monde de demain sera celui des "écrans et caméras partout"- il sera très connecté. La possibilité de manipuler les foules, à des fins politiques ou commerciales, sera-t-elle maitrisée? L'hypothèse dominante est celle de tensions au sein même des sociétés les plus avancées et risquent de s'en trouver exacerbées. Quant aux régimes autoritaires, leur pente naturelle sera celle de l'exploitation de ces technologies en matière de surveillance et de répression.
De longs développements sont consacrés à la manière dont les forces structurelles clés posent les bases de notre monde futur (démographie, environnement, économie, technologie, dynamiques au sein des sociétés, des Etats et du système international). Un monde de plus en plus déséquilibré et contesté à tous les niveaux.
Cinq scénarios
La dernière partie du rapport est stimulante : elle expose cinq scénarios pour l'avenir. Trois grandes questions ont permis de façonner ces scénarios: quelle est la gravité des défis mondiaux qui se profilent? Comment les Etats et les acteurs non étatiques s'engagent-ils dans le monde ? Et quel type d'engagement ? Enfin, quelles priorités des Etats pour l'avenir ? Trois d'entre eux décrivent des avenirs. Les défis internationaux s'aggravent progressivement avec des interactions liées à la rivalité entre les Etats-Unis et la Chine. Dans le scénario "La Renaissance des démocraties", l'hypothèse est celle des Etats-Unis en tête d'une résurgence des démocraties. Dans celui d'un "monde à la dérive", la Chine est au premier rang mais elle ne domine pas le monde. Et dans "Coexistence compétitive", les Etats-Unis et la Chine prospèrent et se disputent le leadership dans un monde divisé. Deux autres scénarios décrivent des changements plus radicaux, découlant de désordres internationaux graves. L'un est celui "Des silos séparés" avec des blocs économiques et sécuritaires qui émergent pour protéger les Etats des menaces croissantes. L'autre, "Tragédie et mobilisation", envisage un bouleversement révolutionnaire à la suite de crise environnementale dévastatrices.
Finalement, collaboration ou confrontation, violence ou normes partagées, biens communs ou repli nationaliste, fragmentation ou unité imposée par l’urgence ? L’avenir n'est jamais écrit...
(*)*Le monde en 2040 vu par la CIA ", Editions des Equateurs, Paris, 2021, 255 p