Culture
CINEMA, MON AMOUR ! DE DRISS CHOUIKA : CE SOMBRE ET MACABRE CINEMA MEDITERRANEEN DE L’APRES COVID 19 !
Ioana Chitu dans Blue Moon de la roumaine Alina Grigore
« Nourrissons nos anticorps sociaux et culturels : amitié, solidarité, fraternité, communion, amour, chefs d’oeuvre de poésie, littérature, musique, peinture, cinéma ».
Edgar Morin.
Après plus de deux ans et demi d’arrêt presque total des activités cinématographiques, la reprise des festivals de cinéma nous a redonné espoir dans un retour graduel à une vie cinéphile normale. Après la 23ème édition du Festival International du Cinéma Africain de Khouribga, la 27ème édition du Festival International du Cinéma Méditerranéen de Tétouan est venue renforcer cet espoir dans un retour vivifiant des activités cinéphiles qui nous ont fait terriblement défaut pendant plus de deux ans. Mais, notre déception n’a pas cessé de grandir au fur et à mesure du défilement des projections des longs métrages de fiction en compétition. Au lieu de revivre des moments de cinéma revigorants, ouvrant à nouveau nos fenêtres intellectuels sur un air méditerranéen frais, nous avons été littéralement fouettés par des airs bien sombres et macabres. A quelques rares exceptions près, nous avons vu défiler des images d’une grande violence négative, très sombres, noires même !
Ainsi, notre espoir de revivre notre bonheur cinéphile a été gâché par cette vision sombre et macabre que nous offre ce nouveau cinéma méditerranéen de l’après Covid 19. Et au lieu de nourrir notre espoir dans une vie meilleure, on accentue notre désespoir et on assombrit notre mémoire. La Méditerranée, habituellement mer de limpidité et de beauté, devient subitement trouble et sombre !
COMBATTRE LA VIOLENCE OU LA NOURRIR
Nous sommes ainsi bien à l’antipode de l’appel d’Edgar Morin, « Nourrissons nos anticorps sociaux et culturels : amitié, solidarité, fraternité, communion, amour, chefs d’oeuvre de poésie, littérature, musique, peinture, cinéma » ; et le cinéma, le mode d’expression artistique populaire le plus performant en terme d’impact positif sur l’évolution des mentalités, change du coup de cap pour tendre vers le négatif. D’habitude, même les films les plus critiques transmettent des expressions d’émotions humaines positives. Mais là, on se retrouve face à une expression émotionnelle totalement négativiste, élevant la déprime et la frustration à un summum jamais atteint. Le monde devient, et sans appel, totalement invivable !
A ce rythme, nos adolescents et jeunes vont très vite avoir besoin de thérapies psychiques. Déja, le long confinement subi, avec toutes les restrictions qu’il a imposées, ont laissé des traces indélébiles dans nos esprits. En plus, les écrans des télévisions sont envahies par des images interminables de violences et de guerres, accompagnées et attisées, jour et nuit, par des discours de haine et d’intolérance incroyablement inhumains. Alors, si on y ajoute une invasion d’images véhiculées par des films totalement sombres et noirs, comment finirons-nous ?!
Nous sommes vraiment face à un dilemme de taille : devons-nous combattre la violence et la haine ou les nourrir ? Toute la question est là.
NOURRIR L’ESPOIR OU ACCENTUER LE DESESPOIR
Même pour Scorsese, dans les films duquel la violence est bien présente, il ne s’agit pas de montrer la violence, affirme-il, mais « la menace de la violence ». Il s’agit donc, esthétiquement, de dénoncer et faire détester la violence et la haine, non d’en faire l’apologie. Car cela risque d’avoir des conséquences psychologiques et psychiques néfastes, surtout dans les milieux des adolescents et des jeunes.
Je pense qu’il faut éviter de faire chavirer la Méditerranée de sa lumière éblouissante et le bleu clair de sa mer vers cette noirceur asphyxiante. Cette nouvelle tendance vers une esthétique totalement sombre et noire, sans lumière ou presque, laissant à peine voir les contours des visages des personnages et les fonds des décors, est hallucinante. C’est une esthétique annonciatrice d’un sort tragique de l’Humanité. Notre cinéma doit-il alors nourrir l’espoir ou accentuer le désespoir ?
Cela me rappelle la chanson de Johnny Hallyday “Noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir“. Sauf que Johnny, lui, ne parlait que du noir qui risque de broyer l’Amour. Ce cinéma-là s’attaque, lui, aux fondements même de la vie, ce qui en fait l’essence. Aussi, les responsables de la programmation des festivals de cinéma assument une responsabilité de plus en plus lourde face à la recrudescence de cette nouvelle tendance d’un cinéma sombre, noir et macabre.