chroniques
CUBA ET SA CRISE – Par Gabriel Banon
Seule la démocratisation sociale et politique sauvegardera les acquis fondamentaux de la Révolution et assurera une transition sereine.
La crise qui affecte Cuba depuis presque dix ans a modifié les structures sociales dans l’ile. Les réformes économiques ont contribué à une dislocation idéologique et sociale profonde. Il est regrettable que le gouvernement, pour faire face à l’essor de la corruption et de la délinquance qui ont suivi le libéralisme économique, ait renforcé la répression. Difficile d’excuser le gouvernement cubain par l’impasse politique où il se trouve actuellement.
Il lui faut accepter d’accorder un espace social autonome aux citoyens et favoriser l’essor d’une société civile. C’est seulement ainsi qu’il pourra contrebalancer les effets pervers des réformes. Seule la démocratisation sociale et politique sauvegardera les acquis fondamentaux de la Révolution et assurera une transition sereine.
Aux Etats-Unis, après la chute du mur de Berlin, on se posait la question : « Will Castro fall ? » Au début des années 1990 après la chute de l’URSS, Cuba s’est trouvée isolée sur le plan international. Ronald Linden fin observateur et annaliste de la situation cubaine, écrivait que « sans changement du cours suivi par les États de l’Europe de l’est ou sans changements à Cuba même, cet isolement continuerait ». Les années qui suivirent ont infirmé ce jugement.
A force de diaboliser le régime castriste, les médias, surtout américains, ont fini par expliquer la résilience du régime cubain, épouvantail totalitaire, par sa répression politique à l’égard des opposants.
Comment s’est construite cette résistance ? Est-ce que la stratégie de la direction cubaine explique tout ? A l’époque, Fidel Castro l’expliquait par la fermeté des principes. Mais la réalité des faits et des politiques suivies montre que certains de ces « principes » ont été mis à mal depuis un certain temps.
Il est indéniable que la Révolution cubaine a bénéficié d’un appui populaire. Cet appui s’explique par la défense de la souveraineté nationale et la justice sociale. Comme partout dans le monde, le sentiment national reste encore aujourd’hui vivace, bien que certains intellectuels et une frange de la jeunesse, en minimisent l’importance. Ils privélisent l’existence d’une « cubanité » dont l’île n’aurait pas le monopole. On organise alors des conférences sur la Nation et l’Émigration, mais on continue croire à l’hégémonisme du Nord « revuelto y brutal » comme disait José Martí.
Restent vivaces le souvenir de l’oppression et les humiliations subies au XXème siècle. Cette mémoire populaire donne au discours castriste une légitimité qui n’est pas factice, auprès d’une population majoritairement noire, moins sensible aux attraits de l’« American way of life ». Le renforcement de l’embargo nord-américain depuis la crise avec les lois Torricelli et Helms-Burton n’a fait que conforter cette défiance.
Aujourd’hui, une politique audacieuse de Washington dans ses relations avec Cuba, pourrait clore définitivement un chapitre de l’Histoire américano-cubaine qui n’a que trop duré.