De quoi E. Zemmour est-il le nom ? - Par Abdellah Ben Mlih

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Il a fallu que la progéniture des valeureux Zemmour traverse la Méditerranée pour engendrer un Eric Zemmour, qui semble être l’antithèse des valeurs de ses ancêtres, en demeurant fidèle à leur goût pour la fronde.

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Le hasard m'a fait naître dans une ville rare, par la profondeur de son histoire, par sa richesse culturelle et par sa dimension sacrée. Des atouts qui font converger vers Moulay Idriss Zerhoun, haut lieu de pèlerinage, les représentants des grandes tribus marocaines, dont celle des Zemmour. Une tribu nomade, sédentarisée ayant essaimé dans le reste du Maghreb. 

Enfants, nous regardions ses membres comme des hommes et des femmes libres, dignes et généreux. À nos yeux, ils incarnaient des valeurs millénaires auxquelles nous étions si attachés. Plus tard, les historiens m’ont appris que les grandes tribus au Maghreb, avaient une propension irrésistible à la conquête et la rébellion contre le pouvoir central. 

Depuis plusieurs semaines, le nom Zemmour occupe une place de choix dans l'actualité politique française. L’omniprésence d’un nom venu de la rive sud de la méditerranée nous rappelle une fois de plus, que l’Histoire est faite de mobilités et de migrations, que semble haïr le polémiste. Sa haine ne changera rien aux lois de l’histoire. Il est supposé les connaître, puisqu’il s’est autoproclamé historien, sans observer la rigueur exigée par la discipline. 

Visiblement, le nom de la tribu a migré, sans les valeurs incarnées par ses membres. Leur transmission a été rompue. Il a fallu que leur progéniture traverse la Méditerranée pour engendrer un E. Zemmour, qui semble être l’antithèse des valeurs de ses ancêtres, en demeurant fidèle à leur goût pour la fronde. 

Qu’un besoin viscéral de reconnaissance soit son principal moteur n’est en rien surprenant. La politique est une scène très convoitée par ceux qui n’ont pas résolu les séquelles psychologiques d’une enfance morne et sans gloire. La relégation sociale dont il a été victime au cours de son enfance explique probablement son profond désir d’être visible, à l’image d’un enfant ignoré, qui décide de renverser la table pour attirer l’attention des adultes. 

Que l’un des pays les plus politisés au monde, se définissant comme porteur de valeurs universelles, compte aujourd’hui plus de 30% de sa population favorable à la conception tribale de la société portée par le pamphlétaire, voilà qui n’a pas fini d’interroger les politologues. La richesse de leurs hypothèses explicatives, ne semble pas épuiser l’énigme de l’ascension du rentier de la polémique. 

Se prenant pour De Gaulle ou Malraux, l'homme n'est rien d'autre que le mauvais symptôme d'un malaise profond, auquel la politique ne sait plus, ou ne peut plus répondre depuis des décennies. Lorsque le bien commun n'est plus au centre du gouvernement de la cité, les pires dérives surgissent, ouvrant la voie aux démagogues, aux faux prophètes et aux mauvais comédiens qui confondent théâtre et politique. 

Pendant ce temps, le peuple, réuni dans une agora, tantôt virtuelle, tantôt réelle, applaudit, écoute religieusement le tribun, savamment mis en scène par ses communicants. Plus sa rhétorique devient lyrique, plus le peuple s’enthousiasme et vibre, en oubliant que les promesses n’engagent que ceux qui y croient. Et ce n’est pas cette maxime, qui incitera le polémiste à cesser de promettre monts et merveilles à ceux qui le suivent et dont la crédulité lui sert de terreau pour assouvir sa soif de reconnaissance. 

La complexité du monde ne cesse de nous rappeler que la binarité, l’explication des maux d’une société par la désignation de boucs émissaires, réduit la distance qui nous sépare du gouffre, au lieu de nous indiquer le chemin qui permet de l’éviter. Derrière l’apparence d’un horizon séduisant, dépeint avec emphases, se cache un projet qui ne ferait qu’accélérer la décomposition d’une société dont les fondations ne cessent de se fissurer. Les modèles politiques implicites, qui sous-tendent le discours du polémiste, ont montré leur impuissance et leur toxicité depuis belle lurette. Hélas, les leçons de l’Histoire ne semblent pas servir à grand-chose pour ceux qui ont décidé de croire à l’homme du recyclage des doctrines politiques mortifères. 

A. BEN MLIH atazga@gmail.com le 5 décembre 21

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