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DES VIOLENCES SCOLAIRES - Par Mustapha SEHIMI
La violence interroge. Elle peut prendre des formes diverses verbales (injures, menaces); en face à face ou à distance, notamment sur les réseaux sociaux en plein essor chez les adolescents; des coups donnés échangés entre deux personnes ou entre bandes de jeunes; des vols; des dégradations de biens personnels ou publics
La violence dans nos établissements scolaires: pas de démonstration chiffrée de ce phénomène mais une augmentation effective. Cela tient sans doute à une plus grande sensibilité des familles, de l'école et des médias.
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L'approche comparative relative au pourcentage d'élèves victimes ou impliqués dans une situation de harcèlement varie de 10 à 20 %. Mais les faits répertoriés sont révélateurs de la façon dont les violences se manifestent. A l'école notamment, pourquoi ? Parce que c'est une institution qui réunit ces deux traits, à la fois miroir de la société et incubateur de son avenir. L'on ne peut demeurer insensible. Mais comment faire face ? Ce sont les fondations de l'école qui sont ainsi menacées. Un trouble social qui pèse. Tout membre de la communauté scolaire - directeur d'école, enseignants ou élèves - se sent menacé dans sa sécurité physique et psychologique.
Vision partielle et méconnaissance
Ici et là, à l'international, des mesures de sensibilisation ont été laborieusement adoptées. Sont-elles efficaces? C'est qu'en effet de nombreuses initiatives véhiculent soit une vision partielle du phénomène de harcèlement, soit une certaine méconnaissance profonde des mécanismes qui fondent ces situations. L'une des approches s'inspire de la méthode dite de préoccupation partagée. Elle est venue de Norvège : elle suppose de mettre les harceleurs face à leurs responsabilités. Il leur est demandé, dans un entretien en face à face, de se préoccuper, tout autant que l'adulte qui les interpelle, de l'état de celui qui est la cible de l'agression. Cette technique n'a pas fait ses preuves en dehors des pays de l'Europe nordique où le statut de l'enseignant est mieux considéré. Il y a là une corrélation entre le statut de l'enseignant et son pouvoir de mettre les élèves face à leurs responsabilités. D'autres dispositions ont été prises. Mais elles ne prennent en considération que faiblement des réalités psychologiques et pédagogiques du harcèlement et des autres formes de violence intrascolaire : cours d'empathie"; la confiscation des portables du cyber harceleur; l'exclusion du harceleur amené à changer d'école pour permettre au harcelé d'y demeurer...
Les "cours d'empathie" ? C'est l'exemple typique d'une mesure a priori intéressante, empruntée au modèle danois, mais qui n'a que peu d'impact sur le harcèlement. Stimuler l'empathie, pourquoi pas ? Ce n'est pas une mauvaise option en soi. I1 ne suffit pas de l'enseigner ; il faut la rendre active. Comment ? En faisant en sorte qu'elle stimule au sein : des groupes de classes des mécanismes de compassion. Mais elle demeure insuffisante pour espérer aboutir à des résultats concrets. Exclure l’harceleur ? Une fausse bonne idée. Exclure l’harceleur revient en effet à réduire le harcèlement à un schéma simpliste et faux celui qui oppose un "méchant" et un "gentil". Et ce, alors que la situation de harcèlement met en scène un "dominant" et tous ceux qui lui reconnaissent ce statut- et un "dominé " qui est mis par le groupe en position de se soumettre.
Méthodes de prévention
Cela dit, quelles sont les différentes méthodes de prévention des violences scolaires? La première est d'agir sur le climat scolaire. Elle privilégie en Europe du Nord et en Belgique la stimulation des compétences psychosociales des élèves (1'empathie, l'estime de soi, la prévenance, la politesse, etc.) susceptibles d'avoir une influence positive sur le climat de la classe. Une autre regarde le souci de responsabiliser les élèves, comme en Autriche, en Italie et au Royaume-Uni. Elle présente ce trait: encourager le développement de compétences en matière de résolution de problèmes Comment ? En cherchant à stimuler l'amour-propre des élèves sur la base d'un programme scolaire obligatoire qui intègre au cursus des élèves un ensemble de compétences sociales et morales permettant de prévenir les situations de violence. Il faut faire ressortir le caractère inacceptable de la violence. L'encouragement de comportements positifs est une autre méthode dans certains pays (Autriche, Pays-Bas). Les classes sont dotées d'un règlement écrit qui traite de la violence et encourage les comportements positifs. A noter aussi la formation contre la violence scolaire. Plusieurs pays comme 1Espagne, le Royaume-Uni ou l'Irlande organisent ainsi des actions de formation spécifiques. Enfin, la dernière méthode est d'instaurer des mesures sécuritaires. C'est le cas de ces trois pays où des lignes téléphoniques permettent aux élèves de demander conseil de manière anonyme. Dans d'autres pays, comme en Finlande, les élèves vulnérables sont même équipés de bracelets électroniques munis d'une alarme pouvant être activée en cas de menace ou d’attaque. Au Portugal, le dispositif " Safe Schools" depuis 2018 permet de réagir rapidement face aux actes de violence en faisant appel à des vigiles scolaires. Le recours à la vidéo surveillance complète d'ailleurs cette politique. Pour indispensables qu'elles puissent être dans certaines situations, il reste que ces méthodes dites "sécuritaires" montrent cependant leurs limites: améliorent-t-elles l'ambiance de l'école ? Favorisent-elles une atmosphère propice à la construction du vivre ensemble? Seule l'hybridation des différentes méthodes aide à conforter la performance des dispositifs.
La part d'ombre
La violence interroge. Elle peut prendre des formes diverses verbales (injures, menaces); en face à face ou à distance, notamment sur les réseaux sociaux en plein essor chez les adolescents; des coups donnés échangés entre deux personnes ou entre bandes de jeunes; des vols; des dégradations de biens personnels ou publics (brûler une école ou une voiture). Les écrans sont jugés responsables - une thèse controversée même s'ils sont régulièrement accusés de favoriser le passage d'une violence virtuelle à une violence réelle. Le poids de l'éducation familiale est également mis en cause. Et puis, entre autres, le terreau de 1'exclusion sociale, de l'échec scolaire, de la désagrégation des quartiers sans oublier le rajeunissement de la délinquance juvénile. L'enfant violent ? La part d'ombre de nos sociétés...