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Le Sénégal vise les BRICS : ambition mesurée, potentiel affirmé – Par Naïm Kamal

« Le Sénégal fait partie des pays qui ont apprécié la création des BRICS et sont en pourparlers pour, certainement, en faire partie » (Yassine Fall)
Alors que le bloc des BRICS poursuit son expansion vers de nouveaux membres du Sud global, le Sénégal affiche sa volonté d’en faire partie. Fort de sa stabilité politique et de ses ressources stratégiques, le pays de la Teranga entend de plus en plus jouer un rôle dans une configuration multipolaire émergente. Naïm Kamal évoque des chances et des limites.
Par Naïm Kamal
Le Sénégal a entamé des discussions en vue de rejoindre le groupe des BRICS, a annoncé la ministre sénégalaise de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères, Yassine Fall. Dans un entretien accordé à une chaîne de télévision étrangère, rapporté par MAP, la cheffe de la diplomatie sénégalaise a déclaré : « Le Sénégal fait partie des pays qui ont apprécié la création des BRICS et sont en pourparlers pour, certainement, en faire partie ».
Pour Mme Fall, l’adhésion du Sénégal ne relèverait pas d’un simple positionnement symbolique : « Nous avons quelque chose à apporter aux BRICS en raison de notre stabilité, de nos ressources, et de cet élan de développement industriel que nous voulons mettre en place », a-t-elle affirmé, insistant sur la valeur stratégique que pourrait représenter le Sénégal dans cette configuration.
Un contexte d’élargissement favorable
Le bloc des BRICS, formé initialement par le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et rejoint en 2010 par l’Afrique du Sud, a récemment élargi ses rangs. Depuis le sommet de Kazan en 2024, cinq nouveaux pays y ont été intégrés : l’Arabie Saoudite, l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Éthiopie et l’Iran. Ce virage vers un élargissement géostratégique redonne de l’élan à des candidatures africaines, parmi lesquelles le Sénégal semble résolu à se positionner activement.
Stabilité, ressources et diplomatie, des atouts
Si le Sénégal affiche une économie encore modeste à l’échelle mondiale et au regard des mastodontes des BRICS, il possède des arguments qui pourront à l’avenir en faire un candidat séduisant : une stabilité politique plutôt rare en Afrique de l’Ouest, un présence diplomatique reconnue et admise, notamment au sein de la CEDEAO, et des ressources énergétiques prometteuses, notamment dans le gaz et le pétrole, à la condition que la pays n’en subisse pas la malédiction qui frappe de ce fait plusieurs pays africains.
L’ambition sénégalaise, s’engeant résolument dans un positionnement souverainiste, s’inscrit dans sa volonté clairement exptimée de diversifier ses alliances internationales, en se libérant des carcans du cadre traditionnel occidental. C’est dans ce sens que Mme Fall a qualifié les BRICS d’« alternative » pour les pays du Sud, en quête d’un nouveau rapport de force plus équilibré.
Une adhésion encore incertaine, mais pas irréaliste
Malgré ces atouts, le Sénégal devra convaincre. Son poids économique reste limité face à des candidats plus influents, comme le Nigeria ou l’Indonésie, à des BRICS qui ont fait à l’Algérie ‘’l’affront’’ de la récuser pour ne pas avoir le poids et la surface nécessaires à l’adhésion, selon du chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov. Toutefois, la stature diplomatique du Sénégal en Afrique, sa stabilité si elle n’est pas compromise par une politique ‘’hasardeuse’’ du tandem qui gouverne le pays, et sa capacité à incarner un modèle de coexistence démocratique pourraient jouer en sa faveur.
La décision finale dépendra aussi des équilibres internes du groupe BRICS, et de la stratégie d’expansion qu’il entend adopter. Si une deuxième vague d’élargissement voit le jour, le Sénégal pourrait apparaître comme un candidat sérieux, surtout s’il continue à renforcer son profil régional et à afficher une politique étrangère proactive.