Education nationale : A l’impossible, Benmoussa est tenu

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« La feuille de route commune » que Chakib Benmoussa quête pour « réaliser l’objectif d’une renaissance éducative ", n’est pas seulement question de programmes scolaires ou de satisfaction de revendications sociales

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En dehors de ceux qui sont dans les secrets des dieux, la nomination de Chakib Benmoussa à l’Education nationale a surpris, quand elle n’a pas pris de court. Fallait-il être grand clerc pour comprendre que ce choix comportait une résolution royale, celle de s’attaquer sérieusement à la réforme d’un secteur vital qui n’a cessé au fil des ans et des décennies de se révéler réfractaire au changement, indisponible à la performance et hostile à la mobilisation pour autre chose que la grève.

Avec sa démarche habituelle, entre présence et discrétion, manifestation et réserve, Chakib Benmoussa qui aurait certainement préféré rester ambassadeur à Paris que d’être jeté dans le tumulte de l’enseignement, multiplie les contacts, cultive les réunions et effectue quelques virées de terrain. 

Tout comme le reste du gouvernement, Chakib Benmoussa n’a pas toute la législature pour montrer qu’il est efficace et faire la preuve de l’efficience de son travail. C’est ici et maintenant qu’il doit indiquer son cap et les moyens de l’atteindre, si possible sans perturbations. Sa carrière plaide pour lui et son travail à la tête de la Commission Spéciale pour le Nouveau modèle de développement lui a donné le loisir rare de cerner la problématique et ses problèmes dans toutes leurs dimensions.

La solution est dans le problème

Il faut le dire, l’un des grands obstacles, si ce n’est l’obstacle à la réforme réelle de l’enseignement ce sont les enseignants eux-mêmes. Que serait en effet un général si ses troupes sont défaillantes ou promptes à la désertion ? Un général vaincu. Chakib Benmoussa n’est pas sans le savoir, la solution est dans le problème, lui qui vient de rencontrer ce mardi à Rabat, les ‘’syndicats les plus représentatifs’’ pour des discussions sur l’élaboration "d’une feuille de route commune" sur ‘’les questions prioritaires se rapportant à la situation de l’enseignement public et aux revendications sociales’’.

A l’issue de cette rencontre, qui fait suite à d’autres contacts et donnera lieu à d’autres réunions, le ministre de l’Education nationale s’est montré optimiste. Bien obligé. Le dialogue régulier, a-t-il déclaré, "va aider à dégager des réponses communes" aux problématiques posées et "contribuer à instaurer un climat de quiétude et sain afin d’atteindre les objectifs des réformes". 

Il faut le lui souhaiter. Mais il devrait se méfier de cette notion de ‘’syndicats les plus représentatifs’’. Au Maroc du 21ème siècle, comme l’ont démontré les mouvements de ce corps quand il a été question de le soumettre à un cadre contractuel, les enseignants savent trouver leur chemin à la contestation et à l’immobilisme en dehors des circuits de la représentation structurée. Et les ‘’syndicats les plus représentatifs’’ savent, lorsque les choses leur échappent, feindre en être les organisateurs. 

Ce qu’il faut comprendre par-là, c’est que le ministre de l’Education nationale, s’il fait bien en discutant et promettant une régularité des contacts avec les syndicats, gagnerait à trouver les voies qui mènent directement au cœur et à la raison de l’enseignant dans une démarche qui le convaincrait d’adhérer sans trop de revendications sociales à une refonte du système, vitale pour lui et pour le pays. 

« La feuille de route commune » que Chakib Benmoussa quête pour « réaliser l’objectif d’une renaissance éducative s’articulant autour de la qualité de l’enseignement et d’une gouvernance rationnelle", n’est pas seulement question de programmes scolaires à remanier ou de revendications sociales à satisfaire. Mais essentiellement une histoire de refondation de la formation des enseignants du futur, qui est aujourd’hui, et de reformation, pour ne pas parler de réinitialisation, de l’existant. Un travail qui ne serait possible que si le corps enseignant accepte de comprendre qu’il est le maillon défaillant de l’enseignement marocain, agrée au recyclage et au perfectionnement et renoue avec le sens de l’abnégation. Quant à Benmoussa, il doit se convaincre qu’à l’impossible il est tenu. 

 

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