En marge du tribunal de l’UE : Le deuxième cycle de la décolonisation – Par Naïm Kamal

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A travers ses omissions, le tribunal de l’Union européenne ne fait que se réduire à l’expression de la pratique néocoloniale dans toute sa laideur.

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Le tribunal de l'Union européenne a rendu, mercredi, un « jugement » en première instance consacrant le recours en annulation des décisions du Conseil européen au sujet des accords agricole et de pêche avec le Maroc. Le jugement qui n’oublie pas l’assiette européenne, il faut bien nourrir son peuple, ne prend pas effet immédiatement.

Sitôt ce jugement annoncé, le haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères et la sécurité, vice-président de la Commission européenne Josep Borrell et le ministre des Affaires étrangères marocain Nasser Bourita ont rendu public une déclaration conjointe. Elle précise que le Maroc et l’Union Européenne restent pleinement mobilisés pour continuer [leur] coopération […] dans un climat de sérénité et d’engagement, afin de consolider le Partenariat euro-marocain de Prospérité Partagée, lancé en juin 2019».

Une mobilisation, et un optimisme, que Madrid partage par la voix de son ministre de l'Agriculture, de la pêche et de l'alimentation, Luis Planas qui a déclaré vouloir « la continuité de l'accord […] dans le cadre des relations de coopération et d'amitié que [l’Espagne a] avec le Maroc ».

Arguties et fadaises

Cette décision du tribunal de l’UE n’engage en rien le Maroc. Comme l’a bien précisé dans une déclaration à la MAP le Dr. Yasmine Hasnaoui, consultante et experte en relations internationales, professeure des sciences humaines à l'Université Américaine au Koweït, l’arrêt du tribunal est tout d’abord "une affaire européenne" ! Il revient donc à l’UE de défendre ses intérêts. 

En même temps, cet arrêt ne change rien à la réalité du terrain. Ses arguties ne sont que foutaises et fadaises. Tout au plus donnent-t-elles au Polisario et à son mentor algérien l’illusion d’avoir marqué un point sans conséquence sur l’évolution que connait cette affaire à l’échelle internationale. Néanmoins, et c’est ce que soulève pertinemment le Dr Hasnaoui, l’ingérence du tribunal de l'Union Européenne dans « un différend régional relevant uniquement de la compétence du conseil de sécurité des Nations Unies, n’encourage certainement pas à trouver une solution politique ».

C’est visiblement et précisément ce que, par son arrêt, le tribunal de l’UE cherche à faire perpétuer. En présumant et en préjugeant de la représentativité du Polisario, proxy d’un Etat mégalomaniaque,  il contribue à l’entretien d’un conflit qui permet aux pays de l’UE d’avoir en permanence plusieurs fers au feu et des leviers de manipulation et de pression sur les partenaires du sud pour mieux en exploiter les moyens et les ressources. Tout à son incohérence, quand bien même il ne reconnait pas au Polisario la qualité de « représentant exclusif et légal », mais seulement de « prenant part au processus onusien », le tribunal de l’UE commet la volontaire omission des représentants légitimes de ces provinces – communaux, régionaux et parlementaires. Il leur appartient aujourd’hui de monter au créneau pour faire valoir leurs droits d’élus au suffrage universel.

La cécité européenne

A travers cette omission, le tribunal ne fait que se réduire à l’expression de la pratique néocoloniale dans toute sa laideur. Une forme de duplicité dont nous avons l’habitude dans notre région, pour ne parler que d’elle. Une duplicité, en ne prenant que l’acte inamical le plus récent, qui s’est exprimée dans la décision de Paris de réduire de moitié la délivrance de visas aux Marocains et aux Algériens et de 30% aux Tunisiens. Une duplicité aussi qui a poussé Bamako, selon l’expression même du Premier ministre malien, Choguel Kokalla Maïga, à chercher des partenaires alternatifs à la France et ses décisions unilatérales. Une duplicité encore que l’on retrouve derrière le coup d’Etat bien accueilli par les médias occidentaux contre le président guinéen Alpha Condé réfractaire aux diktats néocoloniaux. Dans la lignée de ces faussetés on peut également inscrire, à titre d’exemple seulement, l’accueil du chef des milices du Polisario, Brahim Ghali, en Espagne, ou encore l’hostilité manifeste de Berlin à la reconnaissance par l’administration américaine de la pleine souveraineté du Maroc sur son Sahara. 

Ainsi égocentrée, l’Europe occidentale vieillissante ne semble pas se rendre compte ni de la lassitude des pays du sud face au fallacieux droit d’ingérence « humanitaire » quand elle veut où elle veut, sans autres résultats que des dégâts économiques et des ravages humains ; ni de leur ras-le-bol de son appréciation à géométrie variable des droits de l’homme, des putschs et des « révolutions ». A la longue, et c’est là où s’illustre la cécité occidentale, les Etats de ces pays ont, imperceptiblement, glissé dans le deuxième cycle de leur décolonisation : Le rejet du néocolonialisme et de ses arrogances.     

 

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