Enfin disponibles pour la Chine… - Par Naïm Kamal

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Joe Biden, alors vice-président de Barack Obama, trinque avec le président chinois Xi Jinping en 2015

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La manière, sans art ni élégance, dont les Etats Unis se sont retirés de l’Afghanistan, le livrant de nouveau aux talibans, fait parler beaucoup de défaite de la première puissance militaire face à des « va-nu-armes » barbus dont le premièr arsenal est leur foi. 

Il y beaucoup à dire sur le désordre du départ américain et dans son sillage de ses croupions occidentaux. Mais une question brûlante s’impose. Depuis la signature à Doha des accords avec les talibans le 20 février 2020, le départ n’était plus qu’une question de temps, d’organisation et de mise en place. Alors qu’ils avaient près de 20 mois pour s’y préparer, pourquoi avoir attendu la dernière minute pour le faire dans la précipitation et le chao ?

Chacun ira de sa réponse, mais l’on est en droit de croire que c’était voulu pour ne pas avoir à emporter dans ses soutes trop d’Afghans et en même temps permettre aux talibans, au commencement comme à la fin des alliés dans les guerres américaines à venir, de profiter de la stupéfaction générale pour s’assurer aisément des rênes du pouvoir. 

Un champ d’entrainement

Au moment de l’invasion de l’Afghanistan, au-delà du prétexte terroriste, on s’est beaucoup interrogé sur les raisons géostratégiques et/ou économiques qui ont poussé Washington à envahir ce pays réputé pour être le « cimetière des puissances ». Des considérations pétrolières dans la région et une histoire de gazoduc ont été avancées. Mais pour importantes qu’elles pouvaient l’être, suffisaient-elles à expliquer et à justifier une occupation qui aura, nous dit-on, couté aux Etats Unis d’Amérique une dépense qui balance, suivant les estimations et les sources, entre 1000 et 2000 milliards de dollars. 

Une autre explication a été développée. Elle n’est pas sans fondements. En 2001, la puissante soviétique était depuis longtemps défaite, la Russie peinait à se remettre de l’implosion de son empire, la puissance chinoise était encore balbutiante tandis que les Etats Unis se retrouvaient sans ennemi pour galvaniser leurs forces, entretenir leur cohésion et leurs alliances et maintenir leur leadership sur le monde. 

Quand ont est la puissance absolue - l’hyperpuissance dirait l’ancien diplomate français Hubert Védrine,  quand on se pose et s’impose comme le gendarme du monde, quand on se veut la Rome des temps modernes et que l’on possède les armées conséquentes, on a vitalement besoin d’un espace pour l’exercice de la puissance et d’un champ d’entrainement grandeur nature pour occuper ses troupes, essayer ses stratégies et tactiques de guerre, justifier ses budgets d’armement et, le cas échéant, y essayer des nouvelles armes. L’Afghanistan      comme par la suite l’Irak ont constitué un champ grandeur nature pour, entre autres, l’expérimentation et le perfectionnement des drones, et montré les limites de la stratégie de la guerre exclusive par les airs. 

La montée en puissance chinoise

En vingt ans le contexte géostratégique a connu de profonds changements marqués par la mise à jour de l’armement russe et surtout par l’émergence de la Chine en tant que puissance rivale dans tous les domaines. Même le militaire où l’avance américaine finira tôt ou tard par être rattrapée. En témoigne l’investissement massif de Pékin dans les technologies de l’espace qui ne sont que la face visible de l’iceberg balistique chinois.

La montée en puissance chinoise n’est pas une surprise pour Washington. En 2003, dans Puissance et faiblesse, ouvrage de Robert Kagan, l’un des théoriciens des néoconservateurs américains, qui développait le futur du nouvel ordre mondial, l’auteur retenait la confrontation avec la Chine dans les deux décennies à venir comme une éventualité à forte probabilité. Aujourd’hui on y est et les déclarations ouvertement hostiles à la Chine qui sont montées d’un cran avec l’arrivée à la Maison Blanche de Donald Trump et se poursuivent de plus belle avec son successeur Joe Biden, assorties de campagnes de dénigrement à l’échelle occidentale, ne sont pas que des rodomontades. Mais les signes avant-coureurs d’une guerre qui, il faut l’espérer, ne dépassera pas le stade de la froide. 

Ces évolutions des relations internationales expliquent comment dès 2009 avec l’arrivée de Barak Obama et de son vice-président Joe Biden à la tête de l’administration américaine, l’Afghanistan est devenu franchement un conflit inutile. Et des deux, de par sa longue expérience à la tête du comité des Affaires étrangères au sénat, c’était Joe Biden le plus fervent partisan du retrait pour des raisons qu’il n’était pas sans savoir, ses fonctions sénatoriales lui donnant accès au renseignement précis et lui offrant une perspective stratégique globale.

Lui président, il recentre son intérêt et celui de son administration et de son armée sur la Chine pour en enrayer non seulement l’essor, mais aussi pour la contrer là où elle avance ses pions. Et ce n’est certainement pas un hasard du calendrier si au même moment où le retrait américain de l’Afghanistan se faisait dans le chao organisé, sa vice-présidente Kamala Harris effectuait une tournée en Asie qui l’a menée à Singapour et au Viêtnam. Là où elle est passée, il a été beaucoup question de la Chine, voire rien que de la Chine et de sa « boulimie expansionniste ».  

 

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