Fort Hervé, de l’abandon à l’art de la postérité (Par Abdejlil Lahjomri)

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Il y a à peu près dix ans, Abedjlil Lahjomri, Secrétaire perpétuel de l’Académie du Royaume, il ne l’était pas encore, se fendait d’un article à mi-chemin du vœu et de la prémonition. Tendre amoureux de sa ville, Rabat qui le vaut bien, il l’a rêvée ville-jardin et espérait pour son Fort Hervé, trônant sur les roches atlantiques de la capitale, sa métamorphose en « un espace de souvenirs, qui lui fera retrouver sa mémoire, notre mémoire. » C’est aujourd’hui vœu presque exaucé, Fort Hervé, de son vrai nom Fort Rottembourg étant depuis ce 15 janvier le Musée National de la photographie. En bonus, un reportage photographique spontané de Mekki Zouaoui, un autre épris des belles choses.

Parce que Rabat le vaut bien …

RABAT, ’’ville – mémoire ‘’ et ‘’ville -  jardin’’ vaut bien une renaissance.

L’histoire, de tout temps, l’enveloppe d’une aura vibrante d’émotions  affectives et artistiques. Pourquoi donc, si Rabat le vaut bien, Rabat reste-t-il comme une page blanche dans la mémoire de ses habitants, et de nos concitoyens.

Il y a Sala, Chellah, une harmonie de noms dans un écrin, écrin certes nécropole, mais écrin tout de même ou les parfums, les sons, et les couleurs se répondent de siècle en siècle, jusqu’à offrir à la capitale d’aujourd’hui un lieu magique de réjouissances.

Les Rbatis l’avaient compris dans le temps, quand le printemps venu, ils y organisaient moins frileux qu’ils ne le sont aujourd’hui, ces ‘’nouzhats’’ qui avaient scandés notre enfance. Ils l’avaient compris aussi, au lendemain de l’indépendance, quand devant une porte majestueuse, des troupes venaient jouer l’Electre de Sophocle, celle de Giraudoux ou la Cléopâtre de Chaouki. Puis, un voile de tristesse, s ‘est  abattu en un silence assourdissant sur un lieu qui était victoire du chant de vie sur la mort.

Il y a les Oudayas, aux jardins luxuriants, de moins en moins luxuriants, ou naguère chanta Marguerite TAOS AMROUCHE, les chants des profondeurs de notre âme, il y a aussi Bergama au nom mystérieux, impossible à déchiffrer par les enfants nageant dans l’embouchure au rythme des barques, qui naguère aidèrent Abdelmoumen à relier l’autre rive en une prière.

Il y a bien d’autres lieux de mémoire, comme ce Fort délaissé, méconnu, non loin du sémaphore, appelé Fort Hervé, squatté, oublié des historiens, de la culture, des archéologues, des artistes, et des Rbatis qui tournent le dos à l’océan, au bord duquel, vibrait le quartier le plus animé de la capitale.

Parce que Rabat le vaut bien, on pourrait aussi parler des jardins qui l’embaumaient : le jardin d’essai, le jardin du triangle de vue, le jardin du Belvédère, le jardin de ‘’ l’ancienne ‘’ Résidence, celui déjà évoqué des Oudayas ou du Chellah, des jardins à réhabiliter, à recréer, et aussi parce qu’elle le vaut bien, Rabat redeviendrait la ‘’ capitale - jardin ‘’ de notre enfance. Mais c’est, de ce Fort dit Fort Hervé que je voudrais parler, à ceux qui l’ont connu, à ceux qui ne le connaissent pas, à ceux qui voudraient le connaître.

En 2005, il y a eu 120 ans, que sa construction avait commencé, sous l’impulsion énergique du Sultan Moulay Hassan, qui avait confié son édification à l’Allemand Walter Rottembourg, envoyé par Bismarck, aux temps des rivalités coloniales européennes.

Pourquoi s’appellera-t-il Fort Hervé, alors que l’historien nous disait qu’il s’appelait ‘’ le Grand Fort ‘’ ou ‘’ le Fort allemand ‘’.

Peut-être comme on nous le contait (quand nous voulions tester notre bravoure, en nous aventurant dans le labyrinthe maintenant muré qui serpentait dans les sous-bassement de ce lieu qui hantait nos rêves enfantins). Peut-être que la seule et unique fois ou les canons avaient sonné dans ce fort, en un essai malheureux, peut-être c’était  un militaire français qui s’appelait Hervé au début du protectorat, qui ‘’ manipulait ‘’ le deux pièces maîtresses, et que l’essai ayant raté, tuant Hervé, le malheureux essai perpétuera la mémoire du soldat français, et fera oublier le concepteur allemand.

Peut-être.

On n’en sait pas plus sur ce bâtiment, mais dans la formidable épopée prospective et enthousiaste actuel, qui redessine la ville, peut-être que les concepteurs feront de cet espace, un espace de souvenirs, qui lui fera retrouver sa mémoire, notre mémoire.

Parce que Rabat le vaut bien ….    

 

 

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