Gouvernement : L’esprit du 9 mars 2011 – Par Seyf Remouz

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Le Roi Mohammed VI lors de son discours du 9 mars annonçant une importante réforme de la loi fondamentale qui déboucha sur un référendum plébiscitant la Constitution du 1 juillet 2011.

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Au moment où est annoncé l’architecture gouvernementale, Aziz Akhannouch s’apprête à prendre le gouvernail d’un vaisseau neuf et cuirassé. Doté d’une légitimité issue des urnes, légitimité découplée par deux chambres pleinement acquises à ses ambitions pour le pays, tout laisse croire, et bien que les défis soient colossaux, que le nouveau chef de gouvernement s’apprête à entamer son mandat, sous de bons auspices. Peut-être faudra-t-il s’arrêter un instant sur deux séquences du règne de Sa majesté le Roi Mohamed VI pour identifier en quoi le Monarque marocain fut un visionnaire.

Dès le début de son accession, le monarque a développé une nouvelle sémantique dont «la nouvelle ère » et « le nouveau concept d’autorité ». Ces deux notions, politiquement majeures, demeurent opérationnelles et le seront d’autant plus avec la nouvelle carte politique. A côté des mots, il y aura surtout les gestes dont le retour de Abraham Serfaty et le limogeage de Driss Basri qui demeurent, avec leur puissante charge symbolique, comme des gestes de rupture. Les gestes et la sémantique seront rapidement suivis, au pas de charge, par des chantiers structurants : le discours d’Ajdir, en octobre 2001consacrant l’amazighité, la création de la HACA et l’adoption du nouveau code de la presse en aout 2002. Les attentats de Casablanca de mai 2003, loin de déstabiliser le pays, seront l’occasion pour alerter le Maroc sur le danger de l’hydre islamiste sans pour autant obérer le rythme des réformes. La Moudawana sera adoptée en janvier 2004 et le Souverain recevra le CCDH pour installer, à Agadir, l’Instance Équité et Réconciliation qui se révèlera d’une grande singularité : tandis que toutes les autres expériences de justice transitionnelle s’étaient, jusqu’alors, produites dans des pays qui avaient changé de régime politique et où l’église et la philosophie chrétienne jouèrent un rôle fondamental, l’expérience marocaine s’est déroulée dans la succession dynastique et, pour la première  fois, dans un pays musulman. L’instance remettra son rapport en janvier 2006, en même temps que le rapport du cinquantenaire de Meziane Belfqih. Enfin, question infrastructures, le Souverain inaugura, en 2007, le port de Tanger Med avant de faire partir de cette ville, complètement transformée, une ligne TGV.

La seconde période, majeure celle-ci, ne tient pas dans le 20 février 2011, comme le prétendent les historions de la radicalité, mais bien dans le discours du 9 mars. Face aux crispations qui métastasaient dans le monde arabe et dont le Maroc ne fut pas épargné, l’initiative royale, avec l’annonce d’une Commission pour une nouvelle constitution, ouvra d’authentiques perspectives pour le Maroc. L’initiative royale allait surtout épargner à notre pays le sort que la plupart des nations où avait soufflé le prétendu printemps arabe laissant derrière lui des dégâts incommensurables. Des affres et de violence. Le 1 juillet, le peuple marocain plébiscitera la nouvelle constitution. Cinq mois plus tard, la dynamique post-printemps arabe profitera au PDJ qui se verra ouvrir les portes du gouvernement. Une aubaine.

 Le PJD sera aux affaires dix ans durant. Ce fut pour ses leaders une période gazeuse. La politique devint, avec eux, propice au verbe arrogant, péremptoire, prétendument vertueux, donneur de leçons, le plus souvent creux. Ils vont, à leur manière, ossifier l’ambition et le Maroc, avec leur passage, connaitra une forme de glaciation. A défaut de gérer le réel, ils avaient cette manie de se refugier dans un idéal céleste. Sur la forme, ils vont s’embourgeoiser, changer de dress-code, s’habituer aux belles berlines. Ils finiront éreintés par dix ans d’exercice du pouvoir, surtout sur la fin avec un El Othmani ectoplasmique. L’étoile du PJD finira par pâlir. La sanction du peuple, pacifique, n’en sera que plus implacable. Et dans le même temps, le Maroc eut une occasion supplémentaire de donner au monde un exemple vertueux de la pratique démocratique.

Aujourd’hui, alors que Akhannouch a réussi, là où certaines tentatives populistes avaient échoué en 2016, à convaincre les électeurs et à vaincre plus populiste qu’eux, l’étape actuelle s’annonce comme un retour à la case départ et aux sources de l’esprit du 9 mars.

Les défis devant le Maroc demeurent majeurs, surtout sur les questions sociales. Mais, dans une harmonie avec le tempérament royal, le nouveau gouvernement aura les coudées plus franches pour un Maroc tourné vers la modernité, l’avenir et, il faut l’espérer, la prospérité.

C’est dire qu’il ne faut surtout pas rater le coche.

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