Grille de lecture du discours du Trône – Par Abdelahad Idrissi Kaitouni

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Le Roi Mohammed VI adressant depuis le Palais royal de Fès le 31 juillet 2021 un discours à la Nation à l'occasion du 22ème anniversaire de la Fête du Trône

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Goût récurent de l'inachevé ! Par Abdelahad Idrissi Kaitouni

Le dernier discours du Trône est surprenant à plus d’un titre et son décryptage me laisse pour une fois perplexe. En quoi est-il surprenant ? 

D’abord au niveau du timing : les vingt-quatre heures de décalage avec le jour de la cérémonie devait sûrement avoir une réelle signification. Nous en saurons davantage à l’avenir sur cette légère entorse à un rituel qui semblait immuable. Mais l’importance d’un discours réside dans son contenu. 

De ce côté-là la surprise est plus nette. Habituellement les discours du Trône est l’occasion de faire l’inventaire de ce qui a été réalisé au cours de l’année et de faire des annonces pour les réalisations projetées pour les années à venir. Souvent le Souverain en profite pour dévoiler les virages d’ordre économiques ou institutionnels qu’il propose au pays. Rien de tout cela ne figurait dans le cru 2021. 

Cette fois-ci le discours a abordé prioritairement et opportunément la situation pandémique, en insistant sur l’approche pragmatique et intelligente de la gestion de la crise sanitaire qui a permis au Maroc d’éviter le pire. Ce survol rapide a immédiatement laissé place à la pesante attente pour ne pas dire la préoccupation majeure des Marocains : la situation explosive attisée par la junte militaire algérienne à nos frontières et ses graves répercussions sur nos relations avec certains pays d’Europe.

Après le discours les choses semblent rester en l’état, et nombreux sont nos compatriotes qui pensent que le Roi s’est adressé, par de-là les gouvernements, au peuple algérien et aux autres peuples de la région. Il a voulu, une fois de plus, les prendre à témoin pour leur signifier que, contrairement aux allégations de leurs gouvernants, ils n’ont rien à redouter du Maroc. Ils ont tout à gagner avec un pays dont il a souligné les traditions et l’enracinement exemplaire dans l’Histoire. 

Discours par de-là le pouvoir algérien, car le Souverain a été maintes fois échaudé par la duplicité et la sournoiserie de leurs gouvernements successifs ; donc ses propos ne sont nullement destinés à la junte militaire. La paix, la main tendue, c’est pour le peuple, tandis que les militaires n’ont trouvé dans le discours que tout y ce qu’ils n’aiment pas, tout ce qu’ils détestent entendre ou lire. Ils se sentent écorchés à vifs chaque fois qu’ont leur rappelle le différentiel abyssal entre nos deux pays sur le plan culturel. Pour sortir un responsable algérien de ses gongs, dites-lui simplement que le Maroc est l’héritier d’une grande civilisation, que son recul historique a permis de forger une identité forte qui nous confère des relations apaisées avec le monde entier.

Le Roi ne pouvait pas ignorer que l’ambiance schizophrène qui règne dans l’équipe dirigeante algérienne ne s’accommode guère de l’évocation de notre place dans l’Histoire. L’a-t-il fait de propos délibérés pour exacerber leur ressentiment, ou bien était-ce juste un rappel de faits historiques de nature à rassurer le peuple algérien destinataire du message .

L’autre partie du discours Royal que les gouvernants algériens interprètent comme de la provocation, c’est la partie relative à l’ouverture des frontières. Ils estiment que ce n’est pas seulement une manière de retourner le couteau dans la plaie, mais la mise à mort de la junte militaire.

Comment en serait-il autrement ? Ouvrir les frontières, c’est assister au déferlement de centaines de milliers d’algériens qui vont venir se rendre compte de visu du gap immense du développement entre les deux pays. Imaginez leur frustration quand ils vont trouver dans les endroits les plus reculés toutes les denrées et produits de première nécessitée, ceux-là mêmes qui font gravement défaut au point de provoquer parfois des émeutes dans les grands centres urbains algériens pour obtenir un litre de lait ou une bouteille d’huile. 

Imaginez l’état d’esprit de ces visiteurs de quelques heures, quelques jours ou quelques semaines, à leur retour en Algérie ! Ils n’auront qu’une idée en tête, celle de demander des comptes aux militaires sur la dilapidation des revenus des hydrocarbures. Lesquels militaires n’auront aucun argument pour expliquer que le Maroc ait pu atteindre un meilleur niveau de développement sans disposer de la même manne pétrolière. Lesquels militaires devraient en fin de parcours avouer leurs forfaitures.

L’ouverture des frontières est impensable avec le pouvoir algérien en place qui s’obstine à ne pas tirer de leçons de l’histoire. Faut-il leur rappeler que naguère la Stasi en RDA empêchait les Allemands de l’Est d’aller en RFA pour ne pas constater la différence de développement. Il a fallu attendre l’effondrement du système politique et la chute du mur de Berlin pour initier le début des échanges entre les deux Allemagnes. Faut-il donc attendre la chute des généraux pour voir enfin l’ouverture des frontières ?

Comprenne qui voudra !

Je reste cependant dans une vaine tentative de décrypter au mieux le discours Royal. Une lecture au premier degré m’incline à croire que c’est un discours adressé au seul peuple algérien. Mais intellectuellement je me sentirais davantage en phase avec le discours si c’était une manière de mettre à l’index la junte militaire.

J’ai quelques tendances à croire que c’est la pensée du Souverain. N’a-t-il pas omis, à dessein, de mentionner ne serait-ce qu’une fois le nom de l’Espagne, pour que l’index désigne exclusivement les véritables fauteurs du mal. 

Punir le Maroc pour avoir réussi mieux qu’eux, malgré la manne des hydrocarbures, est devenu l’obsession de tous leurs responsables depuis six décennies. Aujourd’hui devant la crise multiforme que vit l’Algérie et l’impasse diplomatique et politique, les quarterons de généraux ne rêvent plus que d’une idée : la repentance !

Revendiquer la repentance de la France pourrait à la limite se justifier. La colonisation a été trop brutale avec son cortège de dévastations et de morts pour justifier le mea-culpa de France. Mais de quoi le Maroc serait-il coupable ? D’avoir aidé l’Algérie dans ses pires moments, de s’être délesté de territoires entiers pour préserver le bon voisinage, d’avoir encaissé avec stoïcisme tous les coups bas pour ne pas insulter l’avenir ?

De qui doit venir la repentance ? Apparemment l’Algérie est en passe de mettre du bémol sur la domination coloniale française. Elle supporte moins la domination culturelle et morale du Maroc sur la région. Elle est à leurs yeux plus outrageante !