Le changement, c’est maintenant !

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Va-t-on tirer les leçons de la crise sanitaire en rectifiant le tir au niveau des choix économiques et sociaux fondamentaux ou au contraire on oublie tout une fois la tempête passée ? La question mérite d’être posée alors que le pays se prépare à sortir du confinement et mettre en œuvre son plan de relance pour les mois et années à venir.

La pandémie covid-19  est venue rappeler  une réalité amère à ceux qui feignaient l’ignorer.  Nos insuffisances et nos multiples fragilités,  que nous connaissions, ont été étalées au grand jour et sont désormais visibles. Un chiffre suffit pour tout dire : plus de la moitié de la population rencontre des difficultés à survivre. Une partie vit dans une situation de privation totale, une autre dans une pauvreté absolue et le reste souffre de la précarité face aux vicissitudes de la vie, aux tempêtes économiques  et aux retournements de  conjoncture.  Qui peut se donner la conscience de dormir tranquillement face à une telle situation ?  Et pourtant, le pays a fait des efforts du moins sur le plan financier en consacrant, semble-t-il, au cours des dernières années plus de la moitié de notre budget au « social ».  Il y a quelque chose qui ne va pas dans ce raisonnement : tant d’argent pour un résultat lamentable. Une énigme de plus ! 

Sans verser dans le « catastrophisme », nous avons mille raisons d’exprimer notre angoisse et d’avoir peur pour paraphraser le titre d’un ouvrage collectif publié tout récemment : « Maroc, de quoi avons-nous PEUR » ? Certes, notre pays est parvenu, et c’est à notre honneur en tant que Marocains, grâce à la clairvoyance royale, à gérer la crise sanitaire avec succès en prenant des mesures  anticipatives et audacieuses. Mais le dur reste encore à faire. Il doit se préparer à gérer d’autres « corona » qui ne seraient pas forcément de type viral mais des « coronasocialis ».  On aura donc affaire à une série d’autres crises beaucoup plus pernicieuses car elles ne seront pas résolues par un simple confinement. 

De la peur à la colère...

Maroc : des campagnes toujours plus pauvres, des villes un peu moins

Pour rester en ordre de combat et ne pas provoquer la moindre fissure dans le front intérieur, le pays n’a d’autre choix que celui du changement. Un vrai changement.  Celui –ci doit porter sur la méthode, les objectifs et les  priorités en optant pour  une sortie de la crise par le haut. Une sortie vertueuse qui rompe à jamais avec les pratiques antérieures et les réflexes du passé. Le pays ne peut plus supporter  autant de fractures. La maison à plusieurs étages est devenue inhabitable pour utiliser la métaphore de  Maria Guessous (voir ouvrage cité ci-dessus) car la théorie de ruissellement  qui tablait sur l’arrosage des étages inférieurs par ceux qui  occupent le dernier étage (le premier socialement parlant) s’est révélée une simple vue d’esprit, voire une véritable tromperie.

Par conséquent, la crise en cours devrait être vue et comprise comme la fin d’un cycle, celui d’un néo-libéralisme débridé qui n’a fait qu’enrichir davantage les riches et appauvrir plus les pauvres. C’est ce système qui a été fait sur mesure pour les 10% qu’il convient de mettre au placard. Il ne peut plus tenir la route. D’ailleurs, cet épuisement/essoufflement du modèle a été acté d’une façon solennelle bien avant la crise sanitaire.  Tournons donc la page et passons à autre chose.

L’Etat ne doit pas jouer au pompier et agir par « à coup ». Il doit être essentiellement stratège. Son rôle consiste à réguler la société et l’économie sur les moyen et long termes laissant aux différents protagonistes la possibilité de se positionner par rapport à l’immédiateté et de défendre, chacun à sa manière, les intérêts catégoriels dont ils sont les dépositaires. C’est à l’Etat,  entendu au sens large, et à lui seul qu’incombe la responsabilité  d’arrêter les grandes orientations pour les années à venir tenant compte des impératifs et des défis soulignés précédemment. C’est là où intervient la question de la méthode. En effet, avant d’adopter des mesures concrètes de relance relatives à tel ou à tel secteur, il nous semble nécessaire, du point de vue méthodologique,  de fixer  au préalable les grandes orientations  et les choix stratégiques pour que l’on sache où va le pays. Ces questions stratégiques doivent faire l’objet d’un consensus national suite à un débat associant toutes les forces vives de la Nation. Et ce dans le droit fil  du débat  autour du nouveau modèle de développement. Le pays a besoin de toutes ses forces et de toutes ses potentialités sans exclusive. Il y va de notre avenir et de notre  destin commun. Il faut tout faire pour que la colère ne prenne  pas le relais de la peur.