Le Maghreb entre deux images - Par Hatim Betioui

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L’image de Marrakech le 17 février 1989 des dirigeants des cinq pays du Maghreb (le roi Hassan II, le président Chadli Bendjedid, le président Zine El Abidine Ben Ali, le colonel Mouammar Kadhafi et le colonel Maaouiya Ould Taya) après la signature de l'accord de de création de l'Union du Maghreb arabe

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La célébration par l'Algérie du 70e anniversaire du déclenchement de la guerre de libération le 1er novembre 1954, avec l'organisation d'un défilé militaire, a véhiculé plusieurs messages pour la région maghrébine, et particulièrement pour le Maroc.

L'Algérie a exhibé sa puissance militaire afin d'affirmer à son environnement qu'elle est la force dominante dans la région. L'objectif n'était autre que de capter et de mettre en avant une image différente de celle qui a été prise à Marrakech le 17 février 1989 des dirigeants des cinq pays du Maghreb (le roi Hassan II, le président Chadli Bendjedid, le président Zine El Abidine Ben Ali, le colonel Mouammar Kadhafi et le colonel Maaouiya Ould Taya) après la signature de l'accord de création de l'Union du Maghreb arabe, une union rapidement tombée en état de mort clinique. Une tentative a été faite pour ressusciter l'union à travers un sommet prévu le 10 juin 2002 à Tripoli, en Libye, mais celui-ci n'a pas eu lieu en raison du différend maroco-algérien autour du Sahara.

Lors de la célébration algérienne, une image discordante a été prise, montrant le président algérien Abdelmadjid Tebboune, le président tunisien Kaïs Saïed, le président mauritanien Mohamed Ould Ghazouani, et le président du Conseil présidentiel libyen Mohamed Menfi, aux côtés d'une figure étrange : le "président de la République sahraouie", proclamée unilatéralement en 1976 par le Front Polisario avec le soutien de l'Algérie de Houari Boumediene et de la Libye de Kadhafi.

Un défilé de reconnaissances 

La différence entre les deux images réside dans le fait que la première a suscité des espoirs quant à la création d'une zone maghrébine intégrée, prospère et stable, tandis que la seconde a enterré un projet d'Union maghrébine qui s'est perdue dans les méandres des ambitions.

La réunion de Marrakech s'inscrivait dans une vision stratégique visant à surmonter les difficultés régionales et à créer des opportunités prometteuses de développement et d'intégration. En revanche, la réunion récente d'Alger n'était qu'une tentative désorganisée de trouver une place au Front Polisario au sein des structures politiques régionales et internationales, malgré l'étau diplomatique marocain qui ne cesse de s'intensifier autour de cette organisation.

Depuis les événements du poste-frontière de "Guerguerat", où des éléments du Front Polisario ont bloqué la circulation commerciale entre le Maroc et la Mauritanie, le Polisario et ceux qui le soutiennent subissent revers après revers, que ce soit sur le terrain ou sur le plan diplomatique.

Le 13 novembre 2020, l'armée royale marocaine est intervenue pour rouvrir la route et ériger un mur de sécurité au niveau du poste-frontière, ce qui a constitué un tournant stratégique en faveur du Maroc. Ce dernier a réduit la zone tampon dans le Sahara, une zone mise en place par feu le roi Hassan II pour éviter tout contact entre les armées marocaine et algérienne en cas de poursuite des forces séparatistes. Cela a amené le Polisario à se faire des illusions en faisant passer cette zone pour " un territoire libérée".

Un mois plus tard, est intervenue la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur le Sahara, annoncée le 23 décembre 2020, suivie par la prise de position de l'Espagne le 18 mars 2022, qui a qualifié l'initiative marocaine d'autonomie, proposée en 2007, de base sérieuse, réaliste et crédible pour résoudre le conflit du Sahara. Plusieurs pays européens ont emboîté le pas, et ces positions ont été couronnées par l'annonce du président français Emmanuel Macron reconnaissant la souveraineté marocaine sur le Sahara. Dans un message adressé au roi Mohammed VI à l'occasion de son jubilé d'argent, Macron a affirmé que "le présent et l'avenir du Sahara occidental s'inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine". 

Dans le même message, Macron a réitéré au roi Mohammed VI l’intangibilité de la position française sur cette question liée à la sécurité nationale du Royaume, ajoutant que la France "a l'intention d'agir en harmonie avec cette position sur les plans national et international".

Des manœuvres politiques opportunistes aux perspectives limitées

Il reste encore en mémoire l'annonce, en marge des travaux du septième sommet du Forum des pays exportateurs de gaz, le 3 mars dernier, d'un accord tripartite pour tenir une réunion réunissant l'Algérie, la Tunisie et la Libye tous les trois mois dans une des capitales des trois pays.

À l'époque, j'avais écrit dans le journal Annahar Al-arabi que la conclusion que l'on pouvait tirer de la première réunion consultative du groupe tripartite, qui s'est tenue le 22 avril dernier en Tunisie, était l'absence de stratégie et la présence de manœuvres politiques opportunistes aux perspectives limitées.

Dès le début, la volonté de l'Algérie de créer une structure alternative à l'Union du Maghreb arabe a donné l'impression qu'elle s'était désengagée de "l'Union de Marrakech". Elle a toujours cru en une Union du Maghreb à sa mesure, dont l'objectif était d'intégrer son produit "la République sahraouie" dans un "système maghrébin" où l'Algérie détiendrait le premier et le dernier mot.

L'Algérie oublie que la Mauritanie a refusé de participer à un regroupement maghrébin sans le Maroc, et pourtant, elle continue de l'embarrasser en imposant une photo à cinq comprenant son président. Elle oublie également que le président du Conseil présidentiel libyen dirige un pays divisé entre un côté occidental (Tripoli) et un côté oriental (Benghazi). Quant à la Tunisie, elle suit désormais l'Algérie, balayant d'un revers de main la position de neutralité positive sur le conflit du Sahara adoptée depuis le président Habib Bourguiba et le président Zine El Abidine Ben Ali, jusqu'à la mort du président Béji Caïd Essebsi.

Peu importe à l'Algérie qu'aucun communiqué ne soit publié à l'issue de la rencontre symbolique du 1er novembre, ce qui compte pour elle, c'est l'apparition d'un "président d'une République" établie sur son territoire, dans une image qui laisse croire qu'il est un président à part entière, accueilli par l'Algérie en provenance d'une partie de son territoire et repartant vers cette même partie.

La tentative de créer une alternative à l'Union du Maghreb arabe, dans laquelle un mouvement séparatiste remplace un pays de l'envergure historique du Maroc, revient à verser de l'eau dans le sable. La raison est simple : l'intégration et l'union sont aux antipodes de la séparation, et il existe entre eux un abîme infranchissable. Cette démarche irréfléchie ne peut que creuser davantage les divisions et précipiter la région du Maghreb vers l'inconnu.