chroniques
Le Maréchal dans le subconscient – Par Seddik Maâninou
L'élite marocaine, en particulier francophone, a suivi ces élections avec beaucoup d'intérêt et s'est divisée quant à leurs résultats et leurs répercussions sur les relations entre Paris et Rabat
Les élections législatives françaises se sont finalement terminées sans sortir de l'impasse que le précédent parlement a vécue. Les électeurs français n'ont pas placé leur confiance dans une direction unique, que ce soit la droite, le centre ou la gauche, mais ont réparti les sièges de manière à ne pas permettre la formation d'un gouvernement cohérent et fort. Le président Macron, qui a été effrayé par les résultats des élections européennes et la domination de la droite, n'a pas obtenu la réponse claire du peuple français qu’il espérait, les électeurs ayant décidé ainsi de rester maitre du jeu.
Complot et Mensonge
Encore une fois, tous les médias et les bureaux de sondages se sont trompés. Après avoir annoncé une victoire écrasante de l’extrême droite, un échec cuisant de la gauche et un fort recul du centre, les résultats leur ont infligé un cinglant démenti, ce qui suggère que ces bureaux, qui récoltent d'énormes sommes d'argent, ne peuvent vraiment pas sonder les voies impénétrables des électeurs. Certains vont même jusqu'à affirmer que ces officines font partie du processus politique marqué par le complot et le mensonge pour dramatiser la situation et inciter les électeurs à se précipiter vers les urnes.
La Droite
En définitive, il apparaît que le parti politique le plus puissant en France est l'extrême droite après avoir obtenu plus de dix de millions de voix. Cela signifie qu'environ 30 % des électeurs français ont choisi l'extrémisme, la lutte contre les immigrants, l'hostilité envers l'Islam et le soutien à Israël dans son agression contre le peuple palestinien. La défaite de la droite traditionnelle est aussi une défaite pour l'infiltration israélienne dans la société française, mais ce n'est qu'une défaite temporaire.
La gauche
La deuxième observation est que la gauche, qui a remporté le plus grand nombre de sièges, est en réalité une coalition de partis et de courants qui ont historiquement vécu dans une concurrence qui est allée jusqu'à la rupture et l'inimitié. Par conséquent, leur unité, obtenue avec une rapidité étonnante, reste une unité précaire, difficile à résister à l’épreuve du pouvoir. La gauche, avec toutes ses composantes, qui a obtenu les voix de sept millions de Français, reste une force importante pour barrer la route au racisme et lutter contre l'islamophobie. Reste que malgré que le drapeau palestinien ait été brandi place de la République dimanche soir, cela n'effacera pas la contribution historique de soutien de cette gauche à Israël. Il n’aura certainement pas, non plus, d’incidence suer ses positions par rapport à notre pays.
Le Centre
Enfin, les électeurs ont donné à l'alliance de Macron une part importante malgré la perte de dizaines de sièges parlementaires. Ses partisans, après sept années de gouvernement difficiles, et malgré les erreurs fatales commises par Macron, son manque de maturité et ses positions contradictoires, ont obtenu cinq millions de voix, contrairement à tous les sondages qui prévoyaient son recul, voire sa décomposition définitive.
Erreurs Fatales
Pendant la campagne électorale, il est apparu qu'il y avait de fortes divergences au sein de l'entourage de Macron et que sa décision de dissoudre le parlement a surpris ses amis avant ses adversaires. Il est également apparu qu'il y avait des personnalités dans tous les partis qui ont choisi de nager en solo et ont réussi à gagner, ce qui sera une source de conflit potentiel sous la coupole du parlement qui verra pour la première fois entrer une génération sans expérience politique mais habile dans la confrontation et les tensions. Il y a aussi des personnalités éminentes qui joueront un rôle dans les prochaines élections présidentielles. Outre Le Pen (droite), on trouve Mélenchon (gauche), et il se pourrait que Hollande, l'ancien président, ainsi que le probable ex-macroniste Gabriel Attal, ou d'autres ressortent du chapeau.
Et en général, la France est entrée dans une zone de tempêtes et de confrontations. Elle aborde fort probablement une période qui pourrait ressembler à celle qu'elle a connue sous la Quatrième République et à la situation politique instable de cette époque. Cette situation se répercutera sur la politique étrangère française, empêchant la prise de décisions audacieuses dans les années à venir et maintiendra les relations avec le Maroc oscillant entre calme et tension.
Les vestiges de Lyautey
Enfin, je tiens à souligner que l'élite marocaine, en particulier francophone, a suivi ces élections avec beaucoup d'intérêt et s'est divisée quant à leurs résultats et leurs répercussions sur les relations entre Paris et Rabat. Certains ont affirmé que la victoire de l’extrême droite signifierait la reconnaissance de la marocanité du Sahara, tandis que d'autres ont contesté cette affirmation. Un autre groupe a prétendu que la victoire de la gauche, malgré les doutes sur ses intentions concernant les relations entre les deux pays, est le moindre mal et bien meilleure que la victoire d'un courant islamophobe.
Il ressort de ce suivi et des discussions et spéculations qui l'ont accompagné que la France reste profondément ancrée dans nos mentalités et continue de susciter notre attention et d'animer nos débats. Il est également clair que ce qui se passe en France accapare notre attention et influence nos choix, confirmant que les vestiges du maréchal Lyautey imprègnent toujours et fortement notre subconscience et notre mémoire, tel un fardeau dont nous n'avons pas encore réussi à nous défaire.